Traité de réunion de la république de Mulhausen à la république française
TRAITÉ DE RÉUNION
de la république de mulhausen à la république française.
« Le Directoire exécutif de la République française, instruit que les vœux du magistrat, conseils, citoyens et habitants de la république de Mulhausen se déclaraient pour la réunion à la République française et l’incorporation à la grande nation, et voulant donner aux plus anciens alliés de la France une dernière preuve de son amitié généreuse, a nommé le citoyen Jean-Ulric Metzger, membre de l’administration centrale du département du Haut-Rhin, commissaire du gouvernement pour constater les vœux émis pour la réunion et en stipuler le mode et les conditions : pour lequel effet les magistrats, conseils et citoyens de la république de Mulhausen ont nommé pour traiter et stipuler en leur nom, MM. Jean Hofer, bourguemestre, Josué Hofer, syndic, Paul Huguenin, Jérémie Kœchlin, membres du grand conseil, Jacques Kœchlin, l’un des Quarante adjoints au grand conseil, et Sébastien Spœrlein, notable, tous de la ville de Mulhausen ; lesquels messieurs les députés sont également, et autant que besoin, particulièrement chargés et autorisés de stipuler pour les habitants d’Illzach et de Modenheim, formant dépendances de la république de Mulhausen ; et le commissaire du gouvernement français s’étant certioré et fait constater par actes authentiques ci-annexés, l’émission libre des vœux pour la réunion, les commissaires et députés ont produit et échangé leurs pleins-pouvoirs et sont convenus des articles ci-après :
La République française accepte le vœu des citoyens de la république de Mulhausen, et celui des habitants de la commune d’Illzach et de son annexe Modenheim, formant une dépendance de Mulhausen, et déclare lesdits citoyens et habitants Français nés.
Le gouvernement français, pour donner une marque de son attachement à ses anciens alliés, consent à prolonger leur état de neutralité, et les dispense par conséquent de toutes réquisitions réelles et personnelles et du logement des gens de guerre, pendant la durée de la guerre, jusqu’à la paix générale.
Les citoyens et habitants de Mulhausen, Illzach et Modenheim, qui voudront quitter, auront la faculté de transporter en Suisse ou ailleurs leurs personnes et fortunes dûment constatées. On leur accorde une année, à dater de l’échange de la ratification des présentes, pour sortir, et trois ans pour opérer la vente et la liquidation de leurs biens et créances.
Les biens de la ville, tant ceux qu’elle possède dans sa propre banlieue, que ceux qui lui appartiennent dans la banlieue d’Illzach, et qui sont régis par le magistrat et ses agents ; ceux alloués à l’hôpital, les maisons publiques et celles qui contiennent des fonctionnaires publics ; les moulins, usines, terres labourables, prés, pacages, forêts, situés soit dans l’enclave du territoire de Mulhausen, soit hors ladite enclave, ainsi que les rentes et cens qui pourraient être dus soit à la commune, soit à l’hôpital ou telle autre corporation de fondation de Mulhausen, tout ce qui fait partie du patrimoine de ladite république, et ce qui s’entend sous le nom générique de : biens communaux, appartiendront en toute propriété et sans aucune soustraction à la commune de Mulhausen.
Les maisons, immeubles, meubles et capitaux qui étaient l’apanage des six corporations appelées tribus, sont également regardés comme biens communaux.
Les forêts, maisons et biens-fonds des ordres teutoniques et de Malte, de même que ce que possèdent en ville le chapitre d’Arlenheim et l’abbaye de Lucelles, sont acquis à la commune.
Les dispositions que la république de Mulhausen aura prises ou prendra encore jusqu’à l’échange de la ratification des présentes, relativement aux biens énoncés ès articles 4, 5 et 6, seront exécutées selon leur forme et teneur.
Les maisons, capitaux, rentes, terres, forêts, communaux et chenevières que la ville de Mulhausen vient de céder aux habitants d’Illzach et de Modenheim, annexe dudit Illzach, leur appartiendront en pleine propriété, sans aucune distraction, et ils en disposeront ainsi qu’ils aviseront, et de la manière qui paraîtra la plus convenable à leurs intérêts.
Pour encourager l’agriculture paralysée de la commune de Mulhausen et dépendances, le gouvernement français déclare que les rentes foncières, emphytéotiques, et en général quelconques, qui pesaient sur les biens-fonds et immeubles des citoyens de Mulhausen et de leurs dépendances, au profit des ordres mentionnés dans l’article 6, et qui appartiendront à la nation, sont abolies sans indemnités : les possesseurs légitimes de ces biens seront délivrés de toute rétribution, et en jouiront en parfaite propriété.
Le tribunal de commerce existant dans la commune de Mulhausen, y sera maintenu et organisé d’après les lois de la République française. Il y aura deux notariats dans la ville de Mulhausen ; l’un sera exercé par l’ancien greffier-tabellion, et le second par un citoyen à nommer : les titres, documents, protocoles de la chancellerie, seront déposés aux archives, qui auront un garde d’archives à salarier par la commune. Il sera établi, pour faciliter les relations commerciales, une poste aux chevaux à Mulhausen ; celle des lettres y est maintenue. Le gouvernement français fera établir la communication directe avec Bâle, Colmar et Belfort ; et, pour faciliter l’expédition des affaires, il sera établi un bureau de timbre et d’enregistrement dans la commune de Mulhausen : l’époque de son activité sera fixée par le gouvernement, ainsi que celle des paiements des contributions personnelles et foncières ; et, comme il n’existe ni cadastre, ni matrice de rôle, puisque les citoyens de Mulhausen ont été exempts des contributions, il sera établi une commission qui s’occupera de la confection du cadastre, et des opérations préliminaires pour fixer et répartir les contributions.
Et pour rassurer le commerce et l’industrie de Mulhausen, et maintenir le crédit des entrepreneurs qui travaillent avec des capitaux étrangers, le gouvernement français déclare qu’il entend conserver aux capitalistes de Mulhausen et dépendances suisses et autres étrangers, les mêmes droits et le même système de législation qui existaient avant la réunion de la république de Mulhausen, pour tous les actes et engagements antérieurs à cette époque ; tous les actes, soit hypothécaires, soit sous seing-privé, les dispositions, testaments, legs et tous les jugements antérieurs à la ratification des présentes, seront en conséquence exécutés d’après les lois statuaires de la ville de Mulhausen.
La république de Mulhausen renonce à tous les liens qui l’unissaient au corps helvétique ; elle dépose et verse dans le sein de la République française ses droits à une souveraineté particulière, et charge le gouvernement français de notifier aux cantons helvétiques, de la manière la plus amiable, que leurs anciens alliés feront désormais partie intégrante d’un peuple qui ne leur est pas moins cher, et dans lequel ils ne cesseront pas d’être en relation intime avec leurs anciens amis.
La ratification du présent traité sera échangée dans le mois à compter du jour de la signature.
Fait à Mulhausen, le 9 pluviose an vi.
| Signé : | Hofer, bourguemestre. — J. Hofer, syndic. — Paul Huguenin. — Jérémie Kœchlin. — Jacques Kœchlin. — Sébastien Spœrlein et Jean-Ulric Metzger. » |