Un jour (recueil, Jammes)/Je t’aime…

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Je t’aime….

Un jourMercure de France (p. 70-74).

Je t’aime…


1


Je t’aime et ne sais ce que je te voudrais.
Hier mes jambes douces et claires ont tremblé
quand ma gorge t’a touché, lorsque je courais.


2


Moi, le sang a coulé plus fort comme une roue,
jusqu’à ma gorge, en sentant tes bras ronds et doux
luire à travers ta robe comme des feuilles de houx.


1


Je t’aime et je ne sais pas ce que je voudrais.
Je voudrais me coucher et je m’endormirais…
La gentiane est bleue et noire à la forêt.


2


Je t’aime. Laisse-moi te prendre dans mes bras.
La pluie luit au soleil sur les arbres du bois…
Laisse-moi t’endormir et tu m’endormiras.


1


J’ai peur. Je t’aime et ma tête tourne, pareille
aux ruches du vieux banc où sonnaient les abeilles
qui revenaient gluantes des raisins des treilles.


2


Il fait chaud. Les blés sont remplis de fleurs rouges.
Couche-toi dans les blés et donne-moi ta bouche.
Les mouches bleues au bas de la prairie — écoute ?…


1


La terre est chaude. Il y a là-bas des cigales
près du vieux mur où sont des roses du Bengale,
sur l’écorce blanche et rugueuse des platanes.


2


La vérité est nue et mets-toi nue aussi.
Les épis crépiteront sous ton corps durci
par la jeunesse de l’amour qui le blanchit.


1


Je n’ose pas mais je voudrais être nue ce soir
Mais tu me toucherais et j’aurais peur de toi.
Je serais toute blanche et le soir serait noir.


2


Les geais ont crié dans le bois, car ils aiment,
Les capricornes luisants s’accrochent aux chênes.
Les abeilles qui aiment les longs vols blonds essaiment.


1


Prends-moi entre tes bras. Je ne peux plus qu’aimer
et ma chair est en air, en feu et en lumière
et je veux te serrer comme un arbre un lierre.


2


Les troupeaux de l’Automne vont aux feuilles jaunes,
la tanche d’or à l’eau et la beauté aux femmes
et le corps va au corps et l’âme va à l’âme.