Vaudeville (Panard)
Apparence
VAUDEVILLE
- J’ai toujours, Bacchus,
- Célébré ton jus ;
- N’en perdons pas la coutume,
- Seconde-moi ;
- Que peut, sans toi,
- Ma plume ?
- Coule à longs traits,
- Dans mon épais
- Volume,
- Viens mon cher patron,
- Sois mon Apollon ;
- Viens mon cher ami, que je t'hume.
- Grâce à la liqueur
- Qui lave mon cœur
- Nul souci ne me consume.
- De ce vin gris
- Que je chéris
- L'écume !
- Lorsque j'en boi,
- Quel feu chez moi
- S'allume !
- Nectar enchanteur
- Tu fais mon bonheur,
- Viens mon cher ami, que je t'hume.
- Champagne divin,
- Du plus noir chagrin
- Tu dissipes l'amertume,
- Tu sais mûrir,
- Tu sais guérir
- Le rhume,
- Quel goût flatteur !
- Ta douce odeur
- Parfume.
- Pour tant de bienfaits
- Et pour tant d'attraits,
- Viens mon cher ami, que je t'hume.
- Mars, un beau matin,
- Croyant que Vulcain
- Travaillait son enclume,
- Chez la Donna
- Vint selon sa
- Coutume.
- Vulcain les voit ;
- Et vite il boit,
- Il fume.
- Sur ce digne époux
Cocus réglez-vous.
- Il faut humer comme il hume.
- Tout passe amis, tout passe sur la terre :
- Ce sont du ciel les ordres absolus.
- Tel qui voit du vin dans mon verre,
- Dans un moment n'en verra plus.
- Par la vapeur du vin nouveau
- Lucas s'étant un jour embrouillé le cerveau ;
- En rentrant au logis, sa vue était si trouble,
- Que sa femme lui paru double.
- Grands Dieux ! s'écria-t-il, par quel forfait affreux
- Ai-je pu mériter un sort si déplorable ?
- Je n'avais qu'une femme et j'étais malheureux,
- Lancez sur moi la foudre redoutable,
- Plutôt que de m'en donner deux.
- Lancez sur moi la foudre redoutable,
- Que la treille aux amants offre un riant secours !
- J'y veux mener souvent la belle que j'estime,
- Son ombre cache nos amours
- Et son jus charmant les anime.
- Terribles Aquilons, cessez votre ravage ;
- Dans ces lieux gardez-vous d'exciter un orage ;
- Laissez arriver jusqu'à moi
- Cet aimable convoi.
- Laissez arriver jusqu'à moi
- Sur les paisibles flots de ce charmant breuvage
- Le plaisir embarqué vient nous faire un doux sort ;
- Mon verre est le vaisseau qui l'amène au rivage,
- Mon palais est la rade, et mon cœur est le port.
- Trop prodigue d'un bien que l'on doit épargner,
- Pourquoi, dans la moindre migraine
- Veux-tu, mon cher ami, que l'on t'ouvre les veines ?
- Sers-toi du bon moyen que je vais t'enseigner.
- Si tu veux qu'au plus tôt la santé te revienne,
- Ce n'est pas toi, compère Étienne,
- C'est ton tonneau qu'il faut saigner.