Vies des peintres, sculpteurs et architectes/tome 1/25

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SPINELLO,
peintre arétin.

Une fois, entre autres, les Gibelins ayant été chassés de Florence, Luca Spinelli se réfugia dans la ville d’Arezzo. Il y donna le jour à un fils nommé Spinello, dont les dispositions pour la peinture étaient si grandes que dès son enfance, et presque sans maître, il en savait plus que tous les élèves des meilleurs professeurs. Jacopo di Casentino, étant allé travailler à Arezzo, se lia d’amitié avec lui et lui enseigna quelque chose, mais il ne tarda pas à se voir surpasser par notre jeune homme, qui avait alors à peine vingt ans. Sa renommée engagea Messer Dardano Acciaiuoli à lui confier le soin de décorer de fresques, représentant l’Histoire de saint Nicolas, évêque de Bari, toute l’église de San-Niccolo qu’il venait de faire construire derrière Santa-Maria-Novella, et dans laquelle il avait élevé un tombeau en l’honneur de son frère, qui était mort évêque. Spinello accepta cette entreprise et l’acheva l’an 1334, après deux années de travail. Ces peintures, remarquables par le dessin et le coloris, s’étaient parfaitement conservées, mais il y a peu d’années elles furent malheureusement détruites en grande partie par un incendie qui se développa dans l’église que l’on avait transformée en magasin à fourrages. Messer Barone Capelli, citoyen de Florence, chargea ensuite Spinello de peindre à fresque, dans la chapelle principale de Santa-Maria-del-Fiore, la Consécration de cette ancienne église par le pape Pascal II (1), et plusieurs actions de la Vierge et de saint Antoine, abbé. Ces ouvrages demandèrent plusieurs mois de travail, et cependant paraissent avoir été faits en un jour. Auprès du pape Pascal est le portrait de Messer Barone, revêtu du costume du temps. Dans la chapelle de Sant’-Iacopo-e-San-Giovanni de l’église del Carmine, Spinello représenta entre autres choses Zébédée, Jacques et Jean abandonnant leurs filets pour suivre le Christ, et la femme de Zébédée suppliant le Sauveur de placer ses fils dans le royaume du ciel, l’un à la gauche, l’autre à droite de Dieu le Père. Dans une autre chapelle de la même église, Spinello peignit à fresque quelques traits de la vie de la Vierge, l’Apparition miraculeuse des Apôtres, la Mort et l’Assomption de la Mère de Dieu. La chapelle, n’ayant que dix brasses de largeur sur cinq de hauteur, ne pouvait contenir toutes les circonstances de ce sujet ; par un artifice ingénieux, Spinello continua de peindre au dehors de la chapelle le moment de l’action où la Vierge est reçue dans le ciel par le Christ et par les anges. Dans une chapelle de la Santa’-Trinità, il fit à fresque une Annonciation fort belle, et à

spinello.
Sant’-Apostolo, pour le maître-autel, un tableau en détrempe renfermant la Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. À Santa-Lucia de’Bardi, il laissa également un petit tableau, et à Santa-Croce un autre plus grand dans la chapelle de San-Giovanni-Battista, décorée par Giotto (2).

À cette époque, les soixante citoyens qui gouvernaient Arezzo appelèrent notre artiste pour peindre dans l’ancienne cathédrale, hors de la ville, l’Histoire des Mages, et dans la chapelle de San-Gismondo un saint Donato qui tue miraculeusement un serpent. Sur plusieurs piliers de cette cathédrale il fit diverses figures, et sur une des parois la Madeleine parfumant les pieds du Christ. Nous passerons sous silence les autres peintures dont il orna ce temple, qui, malgré ses tombeaux et ses reliques, a été complètement détruit (3). Il avait été bâti il y a plus de treize cents ans, lorsque les Arétins furent convertis à la foi du Christ par saint Donato, évêque de leur ville, auquel ils le dédièrent. Nous avons déjà longuement parlé de cet édifice, dont les seize faces extérieures et les huit faces intérieures étaient ornées de précieuses antiquités jadis consacrées aux idoles.

Après avoir terminé ses travaux dans la cathédrale, Spinello représenta à San-Francesco, dans la chapelle des Marsupini, Innocent IV sous la figure du pape Honorius confirmant l’institution de l’ordre de Saint-François ; dans une autre chapelle, plusieurs sujets tirés de l’histoire de saint Michel, et enfin, non loin de la chapelle de Messer Giuliano Baccio, une Annonciation qui est très estimée. Toutes ces fresques furent faites de l’an 1334 à l’an 1338. Dans l’église paroissiale de la même ville, Spinello décora la chapelle de San-Pietro-e-San-Paolo, et celle de San-Michelagnolo. Pour la confrérie de Santa-Maria-della-Misericordia, il peignit la Sant’-Iacopo-e-San-Filippo ; et au-dessus de la porte principale qui donne sur la place, il fit une Piété avec un saint Jean, à la prière des Recteurs de la confrérie dont nous allons en passant dire quelques mots. De bons et honorables citoyens, qui s’étaient d’abord réunis pour quêter au profit des pauvres honteux, acquirent un tel crédit durant la peste de 1348, en secourant les pauvres et les malades, et en ensevelissant les morts, que leur confrérie se trouva posséder par donations ou testaments le tiers des richesses d’Arezzo (4).

La même chose advint pendant la terrible peste de 1383. Notre artiste, qui était alors attaché à la confrérie, se dévoua aux dangers les plus imminents pour visiter les pestiférés, enterrer les morts et rendre d’autres pieux services avec les meilleurs citoyens de la ville : pour conserver la mémoire de ces événements, il représenta, sur la façade de San-Laurentino-e-San-Pergentino (5), la Vierge abritant sous son manteau le peuple d’Arezzo. Il introduisit dans cette composition les premiers membres de la confrérie, armés de la besace et du maillet avec lequel ils frappaient aux portes lorsqu’ils allaient recueillir les aumônes.

Spinello peignit ensuite, pour la confrérie della Nunziata, le grand tabernacle qui est hors de l’église, une partie d’un portique, et une Annonciation en détrempe, et pour l’église des religieuses de San-Giusto, le Mariage du Christ enfant avec sainte Catherine, en présence de la Vierge. Ce dernier tableau, accompagné de six sujets tirés de la vie de sainte Catherine, est très admiré.

L’an 1361, notre artiste fut appelé dans la fameuse abbaye des Camaldules, en Casentino, où il orna le maître-autel d’un tableau qui fut remplacé par un ouvrage de Giorgio Vasari, lorsqu’on eut entièrement reconstruit l’église, l’an 1539. Vasari peignit également à fresque, pour cette abbaye, deux tableaux, et la grande chapelle. De là Spinello se rendit à Florence. Don Jacopo d’Arezzo, abbé de San-Miniato-in-Monte, de l’ordre de Monte-Oliveto, le chargea de peindre la voûte et les quatre parois de la sacristie de son monastère, le tableau de l’autel et une foule de traits de la vie de saint Benoît. Spinello s’acquitta de tous ces ouvrages avec toute l’habileté que peuvent donner l’étude et un travail consciencieux.

Bientôt après, l’abbé Don Jacopo quitta Florence pour aller prendre à Arezzo la direction du monastère de San-Bernardo, construit sur l’emplacement du Colisée, concédé aux religieux par les Arétins. Il emmena Spinello, et le chargea de peindre à fresque deux chapelles près de la grande chapelle, et deux autres, entre lesquelles se trouve la porte qui conduit au chœur. Dans l’une de celles qui sont auprès de la grande chapelle, on voit une Annonciation, et la Vierge gravissant les degrés du temple avec le petit saint Jean et sainte Anne ; dans l’autre, un Christ en croix, pleuré par la Vierge et saint Jean, et adoré par saint Bernard. Spinello représenta en outre, sur la paroi qui touche à l’autel de la Madone, l’Enfant Jésus soutenu par sa Mère divine. Ces figures sont très belles, ainsi que beaucoup d’autres que notre artiste laissa dans cette église. On remarque surtout la Vierge, la sainte Marie-Madeleine, et le saint Bernard qu’il peignit sur les parois du chœur. Dans l’église paroissiale d’Arezzo, il représenta plusieurs traits de la vie de saint Barthélemi et de saint Mathieu, dans les chapelles dédiées à ces deux saints. Dans la dernière, placée au-dessous de l’orgue, et jadis décorée par Jacopo di Casentino, il figura sur la voûte, dans des cadres circulaires, les quatre Évangélistes d’une manière fort bizarre : à saint Jean il donna la tête d’un aigle, à saint Marc celle d’un lion, à saint Luc celle d’un bœuf ; il ne conserva la face humaine qu’à saint Mathieu (6). Hors d’Arezzo, dans l’église de Santo-Stefano (7), construite par les Arétins pour honorer et conserver la mémoire des nombreux martyrs mis à mort, en cet endroit, par Julien l’Apostat, Spinello exécuta plusieurs figures et sujets qui s’étaient conservés avec toute leur fraîcheur, mais qui malheureusement ont été jetés à terre il y a peu d’années. Outre l’Histoire de saint Étienne, dont les personnages étaient plus grands que nature, on admirait un saint Joseph rempli d’allégresse à la vue des Mages qui offraient leurs trésors au Christ. Spinello peignit encore à Santo-Stefano la Vierge donnant une rose à l’Enfant Jésus. Les Arétins avaient une telle vénération pour ce tableau, que, lorsqu’on fut obligé de démolir l’église, on scia le pan de mur sur lequel il se trouvait, sans égard pour les difficultés et les dépenses ; on le transporta ensuite dans une petite église (8) de la ville, où on le conserve avec le même respect. Cela n’est pas étonnant, car Spinello savait donner à ses saints, et surtout à ses vierges, je ne sais quoi de gracieux et de divin qui subjuguait les hommes. On ne peut vraiment se défendre d’un sentiment de vénération profonde, en présence des trois Madones degli Albergetti, de la façade de l’église paroissiale et du canal.

Spinello représenta ensuite, sur une façade de i’hôpital dello Spirito-Santo, la Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, un Noli me tangere, et un saint Cosme et un saint Damien coupant une jambe à un mort pour remplacer celle que vient de perdre un malheureux amputé. Dans une chapelle des Puracciuoli, sur la place de Sant’-Agostino, notre artiste fit une très belle Annonciation, et peignit à fresque, dans le couvent, la Vierge accompagnée de saint Jacques, de saint Antoine et d’un soldat armé. Au bas du tableau on lit les paroles suivantes : Hoc opus fecit fieri Clemens Pucci de Monte-Catino, cujus corpus jacet hic, etc. Anno Domini 1367, die 15 mensis maji. Il est facile de reconnaître encore dans la chapelle et quelques saints de l’église de Sant’-Antonio la manière de Spinello. Peu de temps après, il peignit un portique de l’hôpital de San-Marco, aujourd’hui monastère des religieuses de Santa-Croce, et il y plaça le portrait de Grégoire IX, sous la figure du pape saint Grégoire.

Spinello décora de fresques, à San-Domenico, la chapelle de San-Jacopo-e-San-Filippo. Sur la façade de Sant’-Antonio, il fit un saint Antoine, d’une beauté merveilleuse, au milieu de quatre tableaux dont les sujets sont tirés de la vie du même saint. À San-Giustino, il reproduisit ces compositions en les accompagnant de plusieurs autres. À San-Lorenzo, il peignit à fresque quelques actions de la Vierge, et hors de l’église il la représenta assise. Dans un petit hôpital, situé vis-à-vis du couvent des religieuses de Santo-Spirito, près de la porte qui conduit à Rome, il peignit entièrement un portique où l’on voit le Christ mort soutenu par les Maries. Dans cette composition, il égala Giotto comme dessinateur, et le surpassa comme coloriste. Il figura ensuite ingénieusement la Trinité dans un soleil. De chacune des trois personnes divines s’échappent les mêmes rayons et la même splendeur : mais cet ouvrage, au grand regret des amis des arts, a éprouvé le sort de beaucoup d’autres peintures qui ont été détruites lorsqu’on fortifia la ville. À la Trinità, hors de l’église, Spinello exécuta à fresque, dans un tabernacle, la Trinité et saint Pierre, saint Cosme et saint Damien, revêtus du costume que portaient les médecins d’alors.

Pendant ce temps, don Jacopo d’Arezzo qui, comme nous l’avons dit plus haut, avait confié, dix-neuf ans auparavant, de nombreux travaux à notre artiste à Florence et à Arezzo, fut créé général de la congrégation de Monte-Oliveto. Il attira Spinello, dont il se rappelait les services, et le chargea de peindre en détrempe le tableau de la grande chapelle du couvent de Monte-Oliveto-di-Chiusuri où il avait établi sa résidence. Spinello fit sur un fond d’or un nombre incroyable de figures qu’il entoura d’un ornement en demi-relief, sculpté par Simone Cini, Florentin, et enrichi de belles moulures en plâtre. Cet ouvrage fut doré par Gabriello Saracini qui, en outre, y grava l’inscription suivante : Simone Cini Fiorentino fece l’intaglio, Gabriello Saracini la messe d’oro, e Spinello di Luca d’Arezzo la dipinse l’anno 1385.

Après avoir été récompensé et choyé par don Jacopo et les religieux, Spinello revint à Arezzo, mais il ne resta pas longtemps dans cette ville qui était alors journellement bouleversée par les Guelfes et les Gibelins. Il se réfugia avec sa famille et son fils Parri à Florence, où il avait beaucoup de parents et d’amis. Il y peignit, par forme de passetemps, un tabernacle près de l’hôtellerie del Galluzzo, et une Annonciation dans un autre tabernacle, aujourd’hui à moitié gâté, que l’on voit hors de la porte San-Piero-Gattolini, sur la Strada Romana, à l’endroit où l’on tourne pour aller à Pozzolatico. Il fut ensuite appelé à Pise pour peindre dans le Campo-Santo un vide qui existait au-dessous de l’Histoire de saint Ranieri, entre les compositions laissées par Giotto, Simon de Sienne et Antonio de Venise. Spinello y peignit à fresque six tableaux, dont les héros sont les saints martyrs Petito et Epiro. Le premier de ces tableaux est divisé en plusieurs parties, et représente Epiro amené par sa mère devant l’empereur Dioclétien ; sa nomination au grade de général des armées qui devaient marcher contre les chrétiens, et l’apparition du Christ qui lui montre une croix blanche et lui commande de ne pas persécuter les fidèles. Dans le second tableau, l’ange du Seigneur remet la bannière de la foi, composée d’une croix blanche, sur un fond rouge, à Epiro qui l’avait demandée à Dieu. On voit ensuite une terrible bataille entre les païens et les chrétiens ; des anges armés arrivent au secours de saint Epiro. Dans cette composition, Spinello parvint à rendre l’expression des passions d’une manière surprenante pour ce temps où l’art était si loin d’avoir acquis toute sa force. On remarque entre autres deux soldats qui luttent avec un acharnement sans égal ; chacun d’eux tient son adversaire par la barbe et cherche à lui plonger son épée dans le corps. Leurs visages et leurs moindres mouvements expriment énergiquement le courage qui les anime l’un et l’autre et l’envie qu’ils ont de triompher. On admire encore parmi les combattants un cavalier qui, avec sa lance, cloue à terre la tête d’un de ses ennemis tombé sous les jambes de son cheval. Un autre tableau montre saint Epiro présenté à Dioclétien qui le livre aux tourments, et le fait jeter dans une fournaise ardente ; mais les flammes respectent le saint et attaquent les ministres de l’empereur. Enfin on voit toutes les actions de ce bienheureux jusqu’au moment où il fut décapité et porté dans le ciel. La translation des os et des reliques de saint Petito, d’Alexandrie à Pise, ferme cette série de tableaux qui, pour la couleur et l’invention, peut être regardée comme le chef-d’œuvre de Spinello. Il est facile, du reste, d’en juger encore aujourd’hui, car elle s’est conservée dans toute sa fraîcheur.

Après avoir achevé ces travaux, Spinello peignit dans une chapelle de San-Francesco plusieurs histoires de saint Barthélemi, de saint André, de saint Jacques et de saint Jean. Il aurait peut-être demeuré plus longtemps à Pise où ses productions étaient connues et appréciées ; mais ayant vu la ville sens dessus dessous, lorsque Messer Pietro Gambacorti fut tué par les Lanfranchi, il retourna à Florence avec toute sa famille. Pendant une seule année qu’il y resta, il peignit à Santa-Croce, dans la chapelle des Macchiavelli dédiée à saint Philippe et à saint Jacques, quelques sujets tirés de la vie de ces saints. Il acheva le tableau de l’autel de cette chapelle à Arezzo, sa patrie adoptive, d’où il l’envoya l’an 1400. Il était alors âgé de soixante-dix-sept ans ou plus. Il fut accueilli avec amour par ses parents et ses amis, et il se vit honoré jusqu’à la fin de ses jours. Il vécut quatre-vingt-douze ans.

Lorsque Spinello revint à Arezzo, il aurait pu, grâce aux richesses qu’il avait amassées, se livrer au repos ; mais, malgré son grand âge, le travail était devenu pour lui un besoin impérieux. Il entreprit de représenter à Sant’-Agnolo l’Histoire de saint Michel. Il esquissa en rouge tous ses sujets sur l’enduit du mur, selon la coutume des anciens artistes, et en peignit un entièrement comme pour servir d’échantillon ; ayant ensuite arrêté son prix avec l’administrateur de l’église, il acheva la façade du maître-autel, où l’on voit la chute des anges rebelles. Saint Michel combat dans les airs le serpent à sept têtes et à dix cornes, et Lucifer sous la figure d’un monstre hideux occupe le bas du tableau. On rapporte que Spinello se plut à le revêtir de formes si horribles qu’il en fut lui-même effrayé, et que le démon lui apparut en songe, et lui demanda où il l’avait vu pour le peindre sous un aspect aussi ignominieux. Spinello s’éveilla tellement épouvanté, qu’il ne put crier et que ses tremblements convulsifs éveillèrent sa femme qui était couchée à ses côtés. S’il ne mourut pas sur-le-champ, de la terreur que lui causa cette étrange vision, il en fut frappé au point que son esprit et sa santé en furent altérés. Peu de temps après, il quitta cette vie, au grand chagrin de ses amis. Il laissa deux fils. L’aîné, nommé Forzore, orfèvre et ciseleur, acquit une réputation méritée à Florence. Le plus jeune, nommé Parri, s’adonna à la peinture et surpassa de beaucoup son père dans le dessin. Les Arétins déplorèrent vivement la triste fin de notre artiste. Il mourut à l’âge de quatre-vingt-douze ans, et fut enterré à Sant’-Agostino d’Arezzo, où l’on voit encore aujourd’hui une pierre sépulcrale ornée d’un hérisson qu’il avait adopté pour armoirie (9). Spinello se distingua surtout comme dessinateur ; nous possédons de lui deux très-beaux dessins, l’un représentant deux Évangélistes, et l’autre un saint Louis. Nous avons copié son portrait d’après une peinture qui se trouvait dans l’ancienne cathédrale avant qu’elle ne fût détruite. Ses œuvres datent de l’an 1380 à l’an 1400.

Le Vasari nous donne une longue et exacte énumération des œuvres de Spinello d’Arezzo. C’était en effet la meilleure manière de rendre honneur à son fécond compatriote. Quant à nous, il nous reste à apprécier le caractère, l’influence et le mérite d’une si abondante production. Cela peut se dire en peu de mots. Spinello fut un homme de l’imagination la plus ardente et de l’exécution la plus originale. Souvent inférieur à ses concurrents du Campo-Santo, par l’étrangeté de son style, la sécheresse de sa forme et l’âpreté de sa couleur, il est toujours leur égal par l’impression qui ressort de son œuvre, et par l’effet singulier et attachant quelle produit.

Spinello est un des hommes qui prirent des premiers à tâche de faire entrer dans la circulation populaire la grande conception du Dante, et le souvenir du poëme immortel le protégera longtemps. Il est donc de toute justice de reverser sur lui une partie de ce que nous dirons et avons pu dire déjà du grand Orcagna.


NOTES.


(1) On trouve de nombreux détails sur cette église dans la Relazione de Gio. Rondinelli. Elle fut consacrée par le pape Pelage et non par Pascal II. Voyez le Baldinucci, dec. III, sec. 2, p. 56.

(2) Cinelli, dans ses Bellezze di Firenze, fait mention de ces peintures dont malheureusement il ne reste plus aucune trace.

(3) L’ancienne cathédrale d’Arezzo fut détruite par Cosme Ier, ainsi que l’abbaye de San-Clemente, lorsqu’il éleva les fortifications de la ville.

(4) Cette confrérie prit naissance dans le xiiie siècle, du temps de l’évêque Guglielmo, qui ratifia ses statuts par un décret donné in palatio Canonicæ Aretinæ le 2 avril 1263. Archiv. di detta Fraternità lib. A. Statuti mss., p. 4. — Voyez en outre la Relazione du Rondinelli, p. 94.

(5) L’église de San-Laurentino fut reconstruite au commencement du xviiie siècle. On jeta à terre les peintures de Spinello. Le grand tabernacle resta seul intact.

(6) Toutes les peintures de Spinello qui étaient à San-Bernardo et dans l’église paroissiale d’Arezzo ont été détruites.

(7) L’église de Santo-Stefano fut bâtie vers la fin du xe siècle, par l’évêque Elemberto, sur les dessins de l’architecte Maghinardo. Elle fut renversée l’an 1561.

(8) Cette petite église est connue sous le nom de la Madonna del Duomo.

(9) On ne voit plus à Sant’-Agostino d’Arezzo le tombeau de Spinello, sur lequel Vasari, dans sa première édition, dit que se lisait l’épitaphe suivante :

Spinello Aretino patri opt. pictorique suæ ætatis nobiliss. cujus opera et ipsi et patriæ maximo ornamento fuerunt, pii filii non sine lacrimis pos.