Au Pays de Rennes/Saint-Melaine

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Hyacinthe Caillière (p. 32-37).


SAINT-MELAINE (NOTRE-DAME)


L’abbaye de Saint-Melaine fut fondée, croit-on, en l’an 470 par l’évêque de ce nom, le protecteur de la Bretagne près du roi frank Clovis.

Dom Lobineau suppose au contraire que ce monastère fut seulement édifié par Saint-Paterne à la mort de Saint-Melaine qui arriva vers 530[1]. Dans tous les cas l’évêque Saint-Melaine y fut inhumé.

On raconte une curieuse légende sur ce saint évêque qui est né à Platz, aujourd’hui Brain, dans l’arrondissement de Redon. Sa réputation d’homme pieux, chaste et instruit s’étant étendue au loin, le roi Vannetais, Eusèbe le pria de le guérir d’une maladie affreuse dont il était atteint, en punition des cruautés qu’il avait commises, et de chasser le démon qui s’était emparé du corps de sa fille Aspasie. Saint-Melaine guérit le prince et malgré la résistance du démon le fit déguerpir du corps d’Aspasie.

En 660 un incendie détruisit une partie des bâtiments de l’abbaye.

Au IXe siècle les Normands envahirent la Bretagne et les reliques de Saint-Melaine furent transportées au monastère de Preuilly, en Touraine. C’est l’abbé Even qui obtint de Gervais, archevêque de Reims, la restitution de ces reliques.

Au commencement du XIe siècle, Alain III, duc de Bretagne, voulut relever Saint-Melaine et donna à cette abbaye la dîme de la monnaie frappée à Rennes.

En 1054 Geoffroy le Bâtard, comte de Rennes, entreprit la restauration de ce monastère qu’il confia à l’abbé Even dont il est question ci-dessus et qui mourut archevêque de Dol le 25 septembre 1081.

Vers 1516, les bâtiments et l’église tombaient en ruines ; ils furent relevés par Noël du Margat alors abbé de Saint-Melaine.

Dans la nuit du 18 au 19 Mars 1665, un violent incendie détruisit presque en entier les bâtiments de l’abbaye, la chambre commune, le vestiaire et la bibliothèque. À la suite de ce désastre, l’abbé Jean d’Estrades releva la tour actuelle de l’église et fit reconstruire le manoir abbatial devenu de nos jours palais archiépiscopal, tandis que les moines relevaient eux-mêmes leurs bâtiments claustraux.

L’abbaye de Saint-Melaine était l’une des plus importantes de la contrée et possédait de nombreux prieurés et domaines dans toute une partie de la Bretagne.

Comme tous les établissements d’origine féodale, Saint-Melaine jouissait de plusieurs droits féodaux. Ces droits consistaient dans la foire de l’abbaye et la quintaine. La foire, appelée foire aux oignons, se tenait près la chapelle Saint-Just, en un champ dit le Champ-de-Foire. Les religieux avaient droit de coutume sur toutes les denrées et marchandises vendues dans les neuf paroisses de Rennes, huit jours avant et huit jours après cette foire. Ce droit leur fut reconnu par François, duc de Bretagne.

La quintaine consistait jadis dans un poteau enfoncé en terre, sur lequel on posait une statue de chevalier armé d’une masse et d’un écu. La statue tournait sur un pivot, et les cavaliers courant quintaine devaient frapper sur l’écu sans que la masse d’armes leur rendit le coup. La quintaine de Saint-Melaine n’était plus cela : Le jour de la foire aux oignons, tous les mariés de l’année, dans le fief de l’abbaye, se présentaient à cheval au poteau de quintaine situé dans la ruelle de la Palestine, juste vis-à-vis le terrain où se trouve à l’heure qu’il est la prison départementale, et l’appel des mariés était fait. Ceux qui ne répondaient pas payaient 3 liv. d’amende ; les autres prenaient champ et passaient devant la quintaine, cherchant à engager dans une fente qu’elle présentait au milieu, une gaule de bois blanc qu’on leur donnait. Il y avait un prix pour les vainqueurs.

Devant l’église Saint-Melaine, s’étendait autrefois une place fermée qui n’avait guère que la largeur de l’église elle-même. La porte de cette place s’ouvrait sur la rue de la Quintaine, aujourd’hui rue de Fougères, en face de la basilique et à l’entrée de la rue Saint Melaine. Toute la partie méridionale de cette place était occupée par un vaste verger au milieu duquel se trouvait l’église paroissiale de Saint-Jean avec son cimetière. La porte de cette église s’ouvrait à peu près où se trouve maintenant la grille du Thabor, et l’église s’avançait parallèlement à la basilique Saint-Melaine, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le carré Duguesclin.

Au Nord de la place s’élevait l’hôtel abbatial, avec sa cour au devant, ses greniers et ses remises à l’Ouest.

Au Nord de l’église se trouvait le monastère composé de deux parties : la cour du cloître avec ses dortoirs au Nord et à l’Est, et son hôtellerie avec son infirmerie à l’Ouest ; au Nord du cloître une seconde cour intérieure renfermant à l’orient le réfectoire surmonté de la bibliothèque, au septentrion les greniers et à l’Ouest les écuries. À côté de ces cours se trouvait le jardin du monastère et au-delà la vaste promenade du Thabor.

La basilique abbatiale existe encore à peu près telle qu’elle était à la fin du XVIIIe siècle ; la couronne d’épines, les clous de la passion et la devise Pax, adoptés par la congrégation de Saint-Maur dans ses armoiries apparaissent toujours sur les vantaux de la porte principale. Le plan de l’édifice se compose de trois nefs et d’un chœur séparés par un intertransept et deux bras de croix.

La partie inférieure de la tour, avec la porte d’entrée à double archivolte cintrée, ainsi que le bas de la nef, les deux transepts et le carré central appartiennent aux travaux de l’abbaye exécutés au commencement du XIe siècle. D’autres parties sont des XIIIe et XIVe siècles. Une restauration importante date même du XVIIe siècle.

À l’intérieur, le chœur se termine par un chevet droit percé d’une grande fenêtre retouchée plus d’une fois et refaite en dernier lieu dans la forme ogivale.

On a construit, en 1883, deux chapelles gothiques à l’extrémité des collatéraux du chœur dans de larges baies de style rayonnant ; on y a placé de jolies verrières modernes représentant l’une le mystère du Rosaire, l’autre la légende de saint Joseph. Les autels sont en marbre blanc sculpté, décorés d’animaux et de cuivres dorés.

Sous l’Empire, Saint-Melaine fut transformé en cathédrale sous le vocable de saint Pierre, patron du diocèse, nom que cette église conserva de 1803 à 1844. À cette époque M. Meslé, curé de Notre-Dame, demanda et obtint que sa paroisse fut placée sous l’invocation de la vierge. Par une ordonnance du 8 Avril 1844, l’évêque saint Marc lui donna le nom de Notre-Dame.

Quelques années plus tard la tour de l’église fut surmontée d’un dôme sur lequel s’élève une statue de la vierge qui domine toute la ville.

De grandes améliorations ont été apportées dans la décoration intérieure de Notre-Dame. Des verrières ont remplacé les mauvais vitrages en plomb du XVIIIe siècle, le maître autel, les autels latéraux et les confessionnaux ont été refaits dans le style gothique et un très beau jeu d’orgues y a été installé.

Les paroissiens de Notre-Dame, en souvenir du curé Meslé, ont fait exiger, sur son tombeau, sous la tour, à l’entrée de l’église, par le sculpteur Valentin, une statue d’une ressemblance parfaite.

À côté de Saint-Melaine est le Palais Archiépiscopal.


  1. Saint-Melaine mourut à Brain et l’on ramena son corps à Rennes. Au moment où on le débarquait, une tour servant de prison s’écroula, rendant la liberté aux prisonniers qu’elle renfermait. Ceux-ci suivirent aussitôt le convoi du Saint en chantant ses louanges.