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Convention de Constantinople sur le Canal de Suez

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Convention de Constantinople destinée à garantir le libre usage du Canal Maritime de Suez du 29 octobre 1888
Texte établi par Jules de ClercqA. Durand et Pedone-Lauriel, éditeurs (18p. 184-189).

Traité pour l’établissement d’un régime définitif destiné à garantir le libre usage du canal de Suez, conclu à Constantinople le 29 octobre 1888, entre la France, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie et la Turquie

(Echange des ratifications à Constantinople le 28 décembre 1888 : approuvé et promulgué par décret du 28 janvier 1889 ; J. Officiel du 30 janvier).


Au nom du Dieu Tout-Puissant,

Le Président de la République Française, S. M. l’Empereur d’Allemagne, Roi de Prusse, S. M. l’Empereur d’Autriche, Roi de Bohème, etc., et Roi Apostolique de Hongrie, S. M. le Roi d’Espagne et en Son nom la Reine Régente du Royaume, S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, Impératrice des Indes, S. M. le Roi d’Italie, S. M. le Roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, etc., S. M. l’Empereur de toutes les Russies et S. M. l’Empereur des Ottomans,

voulant consacrer par un acte conventionnel l’établissement d’un régime définitif destiné à garantir en tous temps et à toutes les Puissances le libre usage du Canal Maritime de Suez et compléter ainsi le régime sous lequel la navigation par ce Canal a été placée par le Firman de S. M. I. le Sultan en date du 22 février 1866 (2 Zilkadé 1280) sanctionnant les concessions de S. A. le Khédive, ont nommé pour leurs Plénipotentiaires, savoir :

Le Président de la République Française : — le Sieur Gustave Louis Lannes, Comte de Montebello, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de France ;

S. M. l’Empereur d’Allemagne, Roi de Prusse : — le Sieur Joseph de Radowitz, Son Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire ;

S. M. l’Empereur d’Autriche, Roi de Bohême, etc., et Roi Apostolique de Hongrie : — le Sieur Henri, Baron de Calice, Son Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire ;

S. M. le Roi d’Espagne et en Son nom la Reine Régente du Royaume : — le Sieur Don Miguel Florez y Garcia, Son Chargé d’Affaires ;

S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, Impératrice des Indes : — le Très Honorable Sir William Arthur White, Son Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire ;

S. M. le Roi d’Italie : — le Sieur Albert, Baron Blanc, Son Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire ;

S. M. le Roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, etc. : — le Sieur Gustave Keun, Son Chargé d’Affaires ;

S. M. l’Empereur de toutes les Russies : — le Sieur Alexandre de Nelidow, Son Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire ;

S. M. l’Empereur des Ottomans : — Mohammed Saïd Pacha, Son Ministre des Affaires Etrangères.

lesquels, s’étant communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :


Article premier

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Le Canal Maritime de Suez sera toujours libre et ouvert, en temps de guerre comme en temps de paix, à tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon.

En conséquence, les H. P. C. conviennent de ne porter aucune atteinte au libre usage du Canal, en temps de guerre comme en temps de paix.

Le Canal ne sera jamais assujetti à l’exercice du droit de blocus.


Article 2

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Les H. P. C., reconnaissant que le Canal d’Eau Douce est indispensable au Canal Maritime, prennent acte des engagements de S. A. le Khédive envers la compagnie Universelle du Canal de Suez en ce qui concerne le Canal d’Eau Douce, engagements stipulés dans une convention en date du 18 mars 1863 contenant un exposé et quatre articles.

Elles s’engagent à ne porter aucune atteinte à la sécurité de ce Canal et de ses dérivations, dont le fonctionnement ne pourra être l’objet d’aucune tentative d’obstruction.

Article 3

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Les H. P. C. s’engagent de même à respecter le matériel, les établissements, constructions et travaux du Canal Maritime et du Canal d’Eau Douce.


Article 4

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Le Canal Maritime restant ouvert en temps de guerre comme passage libre, même aux navires de guerre des belligérants, aux termes de l’article premier du présent traité, les H. P. C. conviennent qu’aucun droit de guerre, aucun acte d’hostilité où aucun acte ayant pour but d’entraver la libre navigation du Canal ne pourra être exercé dans le Canal et ses ports d’accès, ainsi que dans un rayon de trois milles marins de ces ports, alors même que l’Empire Ottoman serait l’une des Puissances belligérantes.

Les bâtiments de guerre des belligérants ne pourront dans le Canal et ses ports d’accès se ravitailler ou s’approvisionner que dans la limite strictement nécessaire. Le transit desdits bâtiments par le Canal s’effectuera dans le plus bref délai d’après les règlements en vigueur et sans autre arrêt que celui qui résulterait des nécessités du service. Leur séjour à Port-Saïd et dans la rade de Suez ne pourra dépasser vingt-quatre heures, sauf dans le cas de relâche forcée. En pareil cas, ils seront tenus de partir le plus tôt possible. Un intervalle de vingt-quatre heures devra toujours s’écouler entre la sortie d’un port d’accès d’un navire belligérant et le départ d’un navire appartenant à la Puissance ennemie.


Article 5

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En temps de guerre, les Puissances belligérantes ne débarqueront et ne prendront dans le Canal et ses ports d’accès, ni troupes, ni munitions, ni matériel de guerre. Mais dans le cas d’un empêchement accidentel dans le Canal, on pourra embarquer ou débarquer, dans les ports d’accès, des troupes fractionnées par groupe n’excédant pas 1.000 hommes, avec le matériel de guerre correspondant.


Article 6

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Les prises seront soumises sous tous les rapports au même régime que les navires de guerre des belligérants.


Article 7

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Les Puissances ne maintiendront dans les eaux du Canal (y compris le Lac Timsah et les Lacs Amers) aucun bâtiment de guerre.

Toutefois, dans les ports d’accès de Port-Saïd et de Suez, elles pourront faire stationner des bâtiments de guerre dont le nombre ne devra pas excéder deux pour chaque Puissance.

Ce droit ne pourra être exercé par les belligérants.


Article 8

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Les Agents en Égypte des Puissances Signataires du présent traité seront chargés de veiller à son exécution. En toute circonstance qui menacerait la sécurité ou le libre passage du Canal, ils se réuniront sur la convocation de trois d’entre eux et sous la Présidence du doyen pour procéder aux constatations nécessaires. Ils feront connaître au Gouvernement khédivial le danger qu’ils auraient reconnu afin que celui-ci prenne les mesures propres à assurer la protection et le libre usage du Canal.

En tout état de cause ils se réuniront une fois par an pour constater la bonne exécution du traité. Ces dernières réunions auront lieu sous la présidence d’un Commissaire spécial nommé à cet effet par le Gouvernement Impérial Ottoman. Un Commissaire khédivial pourra également prendre part à la réunion et la présider en cas d’absence du Commissaire ottoman.

Ils réclameront notamment la suppression de tout ouvrage ou la dispersion de tout rassemblement qui, sur l’une ou l’autre rive du Canal, pourrait avoir pour but ou pour effet de porter atteinte à la liberté et à l’entière sécurité de la navigation.


Article 9

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Le Gouvernement égyptien prendra, dans la limite de ses pouvoirs tels qu’ils résultent des Firmans et dans les conditions prévues par le présent traité, les mesures nécessaires pour faire respecter l’exécution dudit traité.

Dans le cas où le Gouvernement égyptien ne disposerait pas de moyens suffisants, il devra faire appel au Gouvernement impérial ottoman, lequel prendra les mesures nécessaires pour répondre à cet appel, en donnera avis aux autres Puissances signataires de la déclaration de Londres du 17 mars 1885, et, au besoin, se concertera avec elles à ce sujet.

Les prescriptions des articles 4, 5, 7 et 8 ne feront pas obstacle aux mesures qui seront prises en vertu du présent article.

Article 10

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De même, les prescriptions des articles 4, 5, 7 et 8 ne feront pas obstacle aux mesures que S. M. le Sultan et S. A. le Khédive, au nom de S. M. Impériale et dans les limites des Firmans concédés, seraient dans la nécessité de prendre pour assurer, par leurs propres forces, la défense de l’Égypte et le maintien de l’ordre public.

Dans le cas où S. M. I. le Sultan ou S. A. le Khédive se trouveraient dans la nécessité de se prévaloir des exceptions prévues par le présent article, les Puissances signataires de la Déclaration de Londres en seraient avisées par le Gouvernement impérial ottoman.

Il est également entendu que les prescriptions des quatre articles dont il s’agit ne porteront, en aucun cas, obstacle aux mesures que le Gouvernement impérial ottoman croira nécessaire de prendre pour assurer par ses propres forces la défense de ses autres possessions situées sur la côte orientale de la mer Rouge.

Article 11

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Les mesures qui seront prises dans les cas prévus par les articles 9 et 10 du présent traité ne devront pas faire obstacle au libre usage du Canal.

Dans ces mêmes cas l’érection de fortifications permanentes élevées contrairement aux dispositions de l’article 8 demeure interdite.


Article 12

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Les H. P. C. conviennent par application du principe d’égalité en ce qui concerne le libre usage du Canal, principe qui forme l’une des bases du présent traité, qu’aucune d’elles ne recherchera d’avantages territoriaux ou commerciaux ni de privilèges dans les arrangements internationaux qui pourront intervenir par rapport au Canal. Sont d’ailleurs réservés les droits de la Turquie comme Puissance territoriale.


Article 13

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En dehors des obligations prévues expressément par les clauses du présent traité, il n’est porté aucune atteinte aux droits souverains de S. M. I. le Sultan et aux droits et immunités de S. A. le Khédive tels qu’ils résultent des Firmans.


Article 14

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Les H. P. C. conviennent que les engagements résultant du présent Traité ne seront pas limités par la durée des actes de concession de la Compagnie Universelle du Canal de Suez.


Article 15

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Les stipulations du présent Traité ne feront pas obstacle aux mesures sanitaires en vigueur en Égypte.


Article 16

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Les H. P. C. s’engagent à porter le présent traité à la connaissance des États qui ne l’ont pas signé en les invitant à y accéder.

Article 17

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Le présent Traité sera ratifié et les ratifications en seront échangées à Constantinople dans un délai d’un mois ou plus tôt si faire se peut.


En foi de quoi les Plénipotentiaires respectifs l’ont signé et y ont apposé le sceau de leurs armes.


Fait à Constantinople, le vingt-neuvième jour du mois d’octobre de l’an 1888.


(L.S.) L. MONTEBELLO.

(L.S.) RADOWITZ.

(L.S.) CALICE.

(L.S.) MIGUEL FLORES GARCIA.

(L.S.) W. A. WHITE.

(L.S.) BLANC.

(L.S.) GUST. KEUN.

(L.S.) NELIDOW.

(L.S.) M. SAID.