Terreur blanche au Texas/a3

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La ville est remplie de réfugiés de toute condition et de toute couleur, venus de toutes les parties du Sud. Il y a des bannis, des proscrits, des esclaves fugitifs, des volontaires qui ont abandonné le drapeau esclavagiste, etc. C’est une ville de 7 000 âmes, qui comptait déjà, comme le Cadix d’Espagne, l’une des populations les plus mêlées de l’univers. Je vous laisse à penser ce qu’elle est maintenant. L’amateur d’anthropologie pourrait y étudier à l’aise toutes les races du monde, sauf les races tartares. On y parle en ce moment les 152 langues de la société biblique, ou peu s’en faut. J’y ai même trouvé un compatriote, un Louvaniste.

Matamoros est en ruine. La tentative fomentée par le Sud pour rétablir l’esclavage au Mexique, en a fait le théâtre d’une guerre de rues qui a duré trois mois. Sur sa petite population, près de 300 bourgeois ont péri sous cette agression infâme. Mais cette population, qui a du sang indien dans les veines, est très-brave et très-attachée à la liberté.

Le combat n’avait pas cessé depuis longtemps, quand je suis arrivé à Matamoros. Il y avait plus de cent blessés à l’hôpital ; et j’ai pu voir toutes les horreurs que la guerre laisse après elle… Il s’y trouvait des nègres et des mulâtres qui s’étaient battus pour la liberté de leur race et qui me parlèrent de l’esclavage les larmes aux yeux. Les blessés des deux partis étaient ensemble, sans qu’aucune distinction fût faite entre eux.

Contrairement à nos usages d’Europe, chacun peut entrer à toute heure à l’hôpital ; les parents et les amis viennent s’asseoir au chevet des patients et les consoler. Les gardes-malades sont des femmes, comme à Londres. Celles de Matamoros m’ont paru parfaitement convenables à tous égards. Elles sont souvent aidées par les visiteuses. J’ai vu plusieurs négresses qui avaient des membres de leur famille parmi les blessés, et qui soignaient volontairement et indistinctement tout le monde. C’était une de ces scènes de sympathie commune et de dévouement qui charment le cœur.

Nous avons dans la ville, parmi les habitants âgés, beaucoup de personnes qui ont vécu à l’état sauvage ou à peu près.

La ville est une station indienne. Elle est située à huit lieues au-dessus du port. C’était le refuge des Indiens pillards. On me cite des fortunes acquises par la piraterie ; un grand de l’endroit a été pirate avec un équipage de Peaux-Rouges, sur le golfe du Mexique. Il est partisan de l’esclavage.

Tout change : on commence à faire des maisons en briques, et la grande rue est éclairée le soir par des réverbères à l’huile. Que dis-je? on bâtissait un théâtre quand la lutte en faveur de l’esclavage est venue tout arrêter…


FIN.