Loi organique du 2 août 1875

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Loi organique du 2 août 1875
Loi organique sur l’élection des sénateurs du 2 août 1875 (p. 1-2).

LOI organique sur les élections des sénateurs.


L’Assemblée nationale a adopté la loi dont la teneur suit :

Article 1er[modifier]

Un décret du Président de la République, rendu au moins six semaines à l’avance, fixe le jour où doivent avoir lieu les élections pour le Sénat et en même temps celui où doivent être choisis les délégués des conseils municipaux. Il doit y avoir un intervalle d’un mois au moins entre le choix des délégués et l’élection des sénateurs.

Article 2[modifier]

Chaque conseil municipal élit un délégué. L’élection se fait sans débat, au scrutin secret, à la majorité absolue des suffrage. Après deux tours de scrutin, la majorité relative suffit, et en cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est élu. Si le maire ne fait pas partie du conseil municipal, il présidera, mais il ne prendra pas part au vote.

Il est procédé le même jour et dans la même forme à l’élection d’un suppléant qui remplace le délégué en cas de refus ou l’empêchement. Le choix des conseils municipaux ne peut porter ni sur un député, ni sur un conseiller général, ni sur un conseiller d’arrondissement.

Il peut porter sur tous les électeurs de la commune, y compris les conseillers municipaux, sans distinction entre eux.

Article 3[modifier]

Dans les communes où il existe une commission municipale, le délégué et le suppléant seront nommés par l’ancien conseil.

Article 4[modifier]

Si le délégué n’a pas été présent à l’élection, notification lui en est faite dans les vingt-quatre heures par les soins du maire. Il doit faire parvenir au préfet, dans les cinq jours, l’avis de son acceptation. En cas de, refus ou de silence, il est remplacé par le suppléant, qui est alors porté sur la liste comme délégué de la commune.

Article 5[modifier]

Le procès-verbal de l’élection du délégué et du suppléant est transmis immédiatement au préfet ; il mentionne l’acceptation ou le refus des délégués et suppléants ainsi que les protestations élevées contre la régularité de l’élection par un ou plusieurs membres du conseil municipal : une copie de ce procès-verbal est affichée à la porte de la mairie.

Article 6[modifier]

Un tableau des résultats de l’élection des délégués et suppléants est dressé dans la huitaine par le préfet ; ce tableau est communiqué à tout requérant ; il peut être copié et publié.

Tout électeur a, de même, la faculté de prendre dans les bureaux de la préfecture communication et copie de la liste, par commune, des conseillers municipaux du département, et, dans les bureaux des sous-préfectures de la liste, par commune, des conseillers municipaux de l’arrondissement.

Article 7[modifier]

Tout électeur de la commune peut, dans un délai de trois jours, adresser directement au préfet une protestation contre la régularité de l'élection.

Si le préfet estime que les opérations ont été irrégulières, il a le droit d’en demander l’annulation.

Article 8[modifier]

Les protestations relatives à l’élection du délégué ou du suppléant sont jugées, sauf recours au Conseil d’État, par le conseil de préfecture, et, dans les colonies, par le conseil privé.

Le délégué dont l’élection est annulée parce qu’il ne remplit pas une des conditions exigées par la loi ou pour vice de forme, est rem placé par le suppléant.

En cas d’annulation de l’élection du délégué et de celle du suppléant, comme au cas de refus ou de décès de l’un et de l’autre après leur acceptation, il est procédé à de nouvelles élections par le conseil municipal au jour fixé par un arrêté du préfet.

Article 9[modifier]

Huit jours au plus tard avant l’élection des sénateurs, le préfet, et, dans les colonies, le directeur de l’intérieur, dresse la liste des électeurs du département par ordre alphabétique. La liste est communiquée à tout requérant et peut être copiée et publiée. Aucun électeur ne peut avoir plus d’un suffrage.

Article 10[modifier]

Les députés, les membres du conseil général ou des conseils d’arrondissement qui auraient été proclamés par les commissions de recensement, mais dont les pouvoirs n’auraient pas été vérifiés, sont inscrits sur la liste des électeurs et peuvent prendre part au vote

Article 11[modifier]

Dans chacun des trois départements de l’Algérie, le collège électoral se compose :

  1. des députés ;
  2. des membres citoyens français du conseil général ;
  3. des délégués élus par les membres citoyens français de chaque conseil municipal parmi les électeurs citoyens français de la commune.

Article 12[modifier]

Le collège électoral est présidé par le président du tribunal civil du chef-lieu du département ou de la colonie. Le président est assisté des deux plus âgés et des deux plus jeunes électeurs présents à l’ouverture de la séance. Le bureau ainsi composé choisit un secrétaire parmi les électeurs.

Si le président est empêché, il est remplacé par le vice-président, et, à son défaut, par le juge le plus ancien.

Article 13[modifier]

Le bureau répartit les électeurs par ordre alphabétique en sections de vote comptant au moins cent électeurs. Il nomme les président et scrutateurs de chacune de ces sections. Il statue sur toutes les difficultés et contestations qui peuvent s’élever au cours de l’élection, sans pouvoir toutefois s’écarter des décisions rendues en vertu de l’article 8 de la présente loi.

Article 14[modifier]

Le premier scrutin est ouvert à huit heures du matin et fermé à midi. Le second est ouvert à deux heures et fermé à quatre heures. Le troisième, s’il y a lieu, est ouvert à six heures et fermé à huit heures. Les résultats des scrutins sont recensés par le bureau et proclamés le même jour par le président du collège électoral.

Article 15[modifier]

Nul n’est élu sénateur à l’un des deux premiers tours de scrutin s’il ne réunit :

  1. il la majorité absolue des suffrages exprimés ;
  2. un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.

Au troisième tour de scrutin, la majorité relative suffit, et, en cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est élu.

Article 16[modifier]

Les réunions électorales pour la nomination des sénateurs pourront avoir lieu en se conformant aux règles tracées par la loi du 6 juin 1868, sauf les modifications suivantes :

  1. Ces réunions pourront être tenues depuis le jour de la nomination des délégués jusqu’au jour du vote inclusivement ;
  2. Elles doivent être précédées d’une déclaration faite la veille, au plus tard, par sept électeurs sénatoriaux de l’arrondissement et indiquant le local, le jour et l’heure où la réunion doit avoir lieu, et les noms, profession et domicile des candidats qui s’y présenteront ;
  3. L’autorité municipale veillera à ce que nul ne s’introduise dans la réunion s’il n’est député, conseiller général, conseiller d’arrondissement, délégué ou candidat.

Le délégué justifiera de sa qualité par un certificat du maire de sa commune, le candidat par un certificat du fonctionnaire qui aura reçu la déclaration mentionnée au paragraphe précédent.

Article 17[modifier]

Les délégués qui auront pris part à tous l’es scrutins recevront sur les fonds de l’État, s’ils le requièrent, sur la présentation de leur lettre de convocation visée par le président du collège électoral, une indemnité de déplacement qui leur sera payée sur les mêmes bases et de la même manière que celle accordée aux jurés par les articles 35, 90 et suivants du décret du 18 juin 1811.

Un règlement d’administration publique déterminera le mode de taxation et de payement de cette indemnité.

Article 18[modifier]

Tout délégué qui, sans cause légitime, n’aura pas pris part à tous les scrutins, ou, étant empêché, n’aura point averti le suppléant en temps utile, sera condamné à une amende de cinquante francs (50 f) par le tribunal civil du chef-lieu, sur les réquisitions du ministère public.

La même peine peut être appliquée au délégué suppléant qui, averti par lettre, dépêche télégraphique ou avis à lui personnellement délivre en temps utile, n’aura pas pris part aux opérations électorales

Article 19[modifier]

Toute tentative de corruption par l’emploi des moyens énoncés dans les articles 177 et suivants du Code pénal, pour influencer le vote d’un électeur ou le déterminer à s’abstenir de voter, sera punie d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de cinquante francs à cinq cents francs (50 f. à 500 f.), ou de l’une de ces deux peines seulement.

L’article 463 du Code pénal est applicable aux peines édictées par le présent article.

Article 20[modifier]

Il y a incompatibilité entre les fonctions de sénateur et celles :

  • De conseiller d’État et maître des requêtes, préfet et sous-préfet, à l’exception du préfet de la Seine et du préfet de police ;
  • De membre des parquets des cours d’appel et des tribunaux de-première instance, à l’exception du procureur général près la cour

de Paris ;

  • De trésorier payeur général, de receveur particulier, de fonctionnaire et employé des administrations centrales des ministères.

Article 21[modifier]

Ne peuvent être élus par le département ou la colonie compris en tout ou en partie dans leur ressort, pendant l’exercice de leurs fonctions et pendant les six mois qui suivent la cessation de leurs fonctions par démission, destitution, changement de résidence ou toute autre manière :

  1. Les premiers présidents, les présidents et les membres des parquets des cours d’appel ;
  2. Les présidents, les vice-présidents, les juges d’instruction et les membres des parquets des tribunaux de première instance ;
  3. Le préfet de police, les préfets et sous-préfets et les secrétaires généraux des préfectures ; les gouverneurs, directeurs de l’intérieur et secrétaires généraux des colonies ;
  4. Les ingénieurs en chef et d’arrondissement, et les agent voyers en chef et d’arrondissement ;
  5. Les recteurs et inspecteurs d’académie ;
  6. Les inspecteurs des écoles primaires ;
  7. Les archevêques, évêques et vicaires généraux ;
  8. Les officiers de tous grades de l’armée de terre et de mer ;
  9. Les intendants divisionnaires et les sous-intendants militaires ;
  10. Les trésoriers payeurs généraux et les receveurs particuliers des finances ;
  11. Les directeurs des contributions directes et indirectes, de l’enregistrement et des domaines, et des postes ; 12° Les conservateurs et inspecteurs des forêts.

Article 22[modifier]

Le sénateur élu dans plusieurs départements doit faire connaître son option au président du Sénat dans les dix jours qui suivent la déclaration de la validité de ces élections. À défaut d’option dans ce délai, la question est décidée par la voie du sort et en séance publique.

Il est pourvu à la vacance dans le délai d’un mois et par le même corps électoral.

Il en est de même dans le cas d’invalidation d’une élection.

Article 23[modifier]

Si, par décès ou démission, le nombre des sénateurs d’un département est réduit de moitié, il est pourvu aux vacances dans le délai de trois mois, à moins que les vacances ne surviennent dans les douze mois qui précèdent le renouvellement triennal.

À l’époque fixée pour le renouvellement triennal, il sera pourvu à toutes les vacances qui se seront produites, quel qu’en soit le nombre et quelle qu’en soit la date.

Article 24[modifier]

L’élection des sénateurs nommés par l’Assemblée nationale est faite en séance publique, au scrutin de liste et à la majorité absolue des votants quel que soit le nombre des épreuves.

Article 25[modifier]

Lorsqu’il y a lieu de pourvoir au remplacement des sénateurs nommés en vertu de l’article 7 de la loi du 24 février 1875 le Sénat procède dans les formes indiquées par l’article précédent.

Article 26[modifier]

Les membres du Sénat reçoivent la même indemnité que ceux de la Chambre des députés.

Article 27[modifier]

Sont applicables à l’élection, du Sénat toutes les dispositions de loi électorale relatives :

  1. Aux cas d’indignité et d’incapacité ;
  2. Aux délits, poursuites et pénalités ;
  3. Aux formalités de l’élection, en tout ce qui ne serait pas contraire aux dispositions de la présente loi.


Dispositions transitoires.

Article 28[modifier]

Pour la première élection des membres du Sénat, la loi qui déterminera l’époque de la séparation de l’Assemblée nationale fixera, sans qu’il soit nécessaire d’observer les délais établis par l’article 1er, la date à laquelle se réuniront les conseils municipaux pour choisir les délégués et le jour où il sera procédé à l’élection des sénateurs.

Avant la réunion des conseils municipaux, il sera procédé par l’Assemblée nationale à l’élection des sénateurs dont la nomination lui est attribuée.

Article 29[modifier]

La disposition de l’article 21, par laquelle un délai de six mois doit s’écouler entre le jour de la cessation des fonctions et celui de l’élection, ne s’appliquera pas aux fonctionnaires autres que les préfets et les sous-préfets, dont, les fonctions auront cessé soit avant la promulgation de la présente loi, soit dans les vingt jours qui la suivront.


Délibéré en séances publiques, à Versailles, les 16, 27 Juillet et 2 Août 1875.

Le Président,
Signé Duc d’Audiffret-Pasquier.

Les Secrétaires,
Signé Félix Voisin, E. Lamy.


Le Président de la République promulgue la présente loi.

Signé Mal de Mac-Mahon, duc de Magenta.

Le Vice-Président du Conseil,
Ministre de l’intérieur,
Signé L. Buffet.