À lui mesme

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Le BocageChez la Veuve Maurice de la Porte (p. 92-93).

A Lui meſme.

Lors que ta mere estoit prešte a geſir de toi,
si Iupiter des Dieus & des hommes le roi
Lui euṥt iuré ces mots : l’enfant dont tu es pleine,
Sera tant qu’il viura ſans douleur ou ſans peine,
Et touſiours lui viendront les biens ſans y ſonger,
Tu dirois a bon droit Iupiter menſonger.
Mais puis que tu es né, ainſi que tous nous ſommes,
A la condition des miſerables hommes,
Pour auoir en partage ennuis, ſoucis, trauaus,
Douleurs, triṥteſſes ſoins, tormans, peines, & maus,
il faut baiſſer le dôs, & porter la fortune
Qui vient ſans nul égard à tous hommes commune :
Ce que facilement, patient tu feras
Quand quelquefois le iour, en ton cœur penſeras
Que tu n’es q pur hõme, & qu’on ne voit au monde
Choſe qui plus que l’homme en miſeres abonde,
Qui plus soudain s’éleue, & qui plus ſoudain ſoit
Tombé quand il eſt haut : & certes a bon droit,
Car il n’a point de force, & ſi touſjours demande

D’atenter, plus que lui, quelque entrepriſe grande.
Ce q tu quiers du Roi, Maigni, n’eſt pas grăd cas,
Et de l’auoir bien teſt, encores tu n’as pas
Du tout perdu l’eſpoir, pource pren bon courage,
Tu n’as garde de fondre au meillieu de l’orage
Puis que tu as en lieu du bel aſtre beſſon.
Des Spartains, la faueur de ton grand d’Auanſon
Qui ia pousse ta nef ſur la riue deſerte,
Pour y payer tes veus à Glauque & Melicerte.