À travers les grouins/Les électeurs de la Meurthe et de la Moselle

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P.-V. Stock, éditeur (p. 58-59).


Les électeurs de la Meurthe et de la Moselle
Curés, pacants, bourgeois au gants de filoselle,
Mastroquets, tenanciers de lupanars aussi,
Les électeurs de Toul, de Briey, de Nancy,
Marguilliers sur leurs baucs et maçons dans leurs loges,
Se désopilent à déraciner les Vosges.
Car, tandis que Drumont, en Alger, fait florès,
La Moire, le Destin, l’Anankè sur Barrès
Exercent des rigueurs à nulle autre pareilles.
En vain il rebattit sans pudeur nos oreilles
De la Lorraine (cet Auvergnat !) du drapeau
Et de Hegel, les électeurs disent : « La peau ! »
Ô comble de misère ! douleur forcenée !
Pendant quatre ans encor, nous verrons des Journées
Parlementaires et les articles mordants
Où l’intellectuel aux mâchoires sans dents
Exhale, chaque soir, âme de griefs pleine,
Sa rancune et le faguenas de son haleine.

Qui pourrait cependant représenter l’émoi
Dont renâcle, en ce jour, le pontife du Moi ?
Avoir léché le … dos clérical de Boisdeffre,
(Rostand demanderait une autre rime en effre)
Avoir gueulé, tel un putois, contre Zola,
Être la crème des pleutres, et rester là !
Cassagnac de qui les grand’mères, par la queue
Se suspendaient aux cocotiers des forêts bleues,
Cassagnac, le babouin de Gascogne, est élu,
Et Millevoye, et Déroulède qui n’a lu,
Tant son âme est par le chauvinisme rouillée,
Ni Schopenhauër, ni les bouquins de Fouillée !
Ainsi Barrès, dont le suffrage universel
Goûte modérément le dandyme et le sel
Récrimine. Un mégot à parfum de lessive,
Un Soutados puant lui gratte la gencive,
Il prodigue aux cochers de fiacre les saluts

Et l’épicier du coin ne le reconnaît plus !