Émile Zola : l’homme & l’œuvre/Zola auteur dramatique

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Zola auteur dramatique

Il n’est auteur dramatique qu’en théorie, pourrait-on dire, par sa préface des Héritiers Rabourdin et le Naturalisme au théâtre : les théories et les exemples. En pratique, en effet, les pièces présentées en son nom seul, ou ont été refusées ou n’ont fait que passer sur la scène, tombant presque aussitôt sous les sifflets : La Laide, un acte en prose, et La Madeleine, drame en trois actes, ont été refusées, la première par l’Odéon et la seconde par le Gymnase et le Vaudeville ; elles n’ont pas été imprimées, pas plus que les Mystères de Marseille, grand drame tiré en collaboration avec son ami Marius Roux, de son roman portant le même titre dans le Messager de Provence. Ce drame, mélodramatique, fut joué trois fois au théâtre du Gymnase à Marseille, en octobre 1867. Le Bouton de Rose, représenté le 6 mai 1878, sur le théâtre du Palais-Royal et honoré de plus de sifflets que de représentations, a été imprimé, sous le titre de Théâtre, 1878 ; les Héritiers Rabourdin, comédie en trois actes, joués au théâtre de Cluny, le 3 novembre 1874, n’eurent que dix-sept représentations ; Thérèse Raquin, drame en quatre actes, fut représentée, le 11 juillet 1873, à la Renaissance, et n’obtint que sept représentations. En résumé, il n’a de succès dramatiques que par procuration, c’est-à-dire avec le concours de collaborateurs qui déforment si profondément la donnée du roman, retranchant et ajoutant, qu’on ne reconnaît une certaine parenté avec le roman qu’à l’aide des noms des personnages. Ses insuccès quand il se fait jouer et ses nombreux succès quand ses teinturiers dramatiques le font jouer, prouvent, jusqu’à l’évidence, la fausseté de ses théories naturalistes. Et pourquoi ? parce que les descriptions amorçantes, les situations scabreuses et les mots canailles qui enlèvent de haulte graisse l’appétit des lecteurs du roman sont sévèrement émondés de la pièce ou par la censure ou par le goût public. On saupoudre alors ce naturalisme dédaigné d’un certain idéalisme tellement mitigé, qu’on arrive, non seulement à le faire accepter, mais même à le rendre aussi lucratif que lui. Toute pièce remaniée par des collaborateurs présente une double amorce, par conséquent provoque une double curiosité ; on tient à voir Zola mis à une certaine sauce scénique par Busnach, Gastineau, Galet, etc. Cette vogue, on le voit, n’est ni une question d’art ni une question de naturalisme, c’est une question de distraction pimentée de curiosité. Zola en est pour ses frais théoriques et pratiques de naturalisme au théâtre : il y gagne, mais grâce à des compères plus habiles que lui.