Étude sur le mouvement communaliste à Paris, en 1871/2/03

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Neuchatel Impr. G. Guillaume (p. 185-196).


CHAPITRE III.

Physionomie de la Commune, son organisation
et ses premiers travaux.


Les conservateurs. — Les révolutionnaires et les socialistes. — Déplacement possible de la majorité. — Les Commissions spéciales et leurs attributions. — Impersonnalité des actes de la Commune. — Projet de déclaration concernant les attributions de la Commune. — Premiers indices de rivalité avec le Comité central. — Seconde faute de la Commune et ses conséquences.

Trois courants d’idées se trouvèrent en présence à la Commune dès ses premières séances.

Le parti républicain bourgeois ou conservateur, c’est-à-dire ayant pour but unique de changer le nom, la durée et le mode d’élection des magistratures publiques, mais très décidé à maintenir tel quel l’ordre économique actuel et à se joindre même aux monarchistes de toutes nuances pour défendre à tout prix cet ordre social, garantie de leurs situations privilégiées.

Le parti révolutionnaire pur, composé des Jacobins et des Blanquistes, différenciés seulement en ce que les premiers veulent la dictature d’un groupe et les seconds la dictature d’un seul, pour déblayer le terrain avant de procéder à la reconstruction d’un nouvel ordre de choses.

Enfin les socialistes, aussi républicains que les révolutionnaires purs, puisque, comme ceux-ci, les socialistes admettent la nécessité d’un déblaiement préalable, mais qui entendent que ce déblaiement doit être fait par les intéressés eux-mêmes ; adversaires absolus de la notion d’autorité gouvernementale, et convaincus que la Révolution sociale ne s’effectuera que lorsque les institutions politiques actuelles, toutes représentatives du principe autoritaire, auront cédé la place à de nouvelles institutions ayant l’autonomie communale pour base.

Le groupe des conservateurs se composait des citoyens Adam, Barré, Rochard, Meline, Tirard, Brelay, Chéron, Loiseau-Pinson, Ch. Murat, Ernest Lefèvre, Albert Leroy, Robinet, Desmarest, Ferry, Nast, Marmottan et de Boutellier, tous anciens maires et adjoints, élus, le 7 novembre, dans les 1er, 2e, 3e, 6e, 9e et 19e arrondissements.

Le parti révolutionnaire dictatorial était composé des citoyens Amouroux, Ant. Arnaud, Assi, Babick, Billioray, Blanchet[1], Brunel, Bergeret, Champy, J.-B. Clément, Émile Clément[2], Cournet, Delescluze, Demay, Dereure, Descamps, Clovis Dupont, Eudes, Fortuné Henri, Th. Ferré, Gambon, Grousset, Charles Gérardin, Geresme, Ledroit, Martelet, Léo Meillet, Miot, Mortier, Oudet, Parisel, Protot, Puget, Rastoul, Ranvier, Raoul Rigault, Régère, Tridon, Verdure, Vaillant et Urbain.

Après les secondes élections, le 16 avril, ce groupe fut renforcé des citoyens A. Dupont, Jacques Durand, Johannard, Lonclas, Philippe, Pillot, Pottier, Sicard, Trinquet[3], Vésinier et Viard.

Ce groupe, le plus nombreux à la Commune, avait à sa tête le citoyen Delescluze qui en était, sinon le chef, au moins le plus considéré, à cause de sa probité politique, devenue proverbiale, et de son long dévouement à la République. Après lui venait le citoyen Gambon, loyal et dévoué, et pour cela, justement estimé de tous. Les plus ardents et les plus intelligents de la fraction blanquiste de ce même groupe, étaient les citoyens Tridon, Vaillant, Protot, Ferré, Eudes et Ranvier.

Enfin le groupe socialiste, qui ne se dégagea qu’après les secondes élections et constitua alors ce qu’on appela la minorité, se composait des citoyens Arthur Arnould, Avrial, Ch. Beslay, Clémence, Victor Clément, Frænkel, Eugène Gérardin[4], Jourde, Lefrançais, Malon, Ostyn, Pindy, Theisz, Jules Vallès, Varlin et Vermorel. — Après les secondes élections, ce groupe s’augmenta des citoyens Jules Andrieu, Arnold, Courbet, Longuet et Serrailler, puis enfin du citoyen Tridon, qui abandonna la fraction blanquiste, irrité des actes, plus compromettants qu’effectifs, par lesquels ses amis lui paraissaient avec raison mener la Commune à sa perte.

Les individualités les plus influentes de la fraction socialiste étaient les citoyens Jourde, Longuet, Malon, Varlin et Vermorel.

Enfin il y avait ce qu’on eût pu appeler la fraction Gambettiste, sorte de tiers-parti, tenant le milieu entre les conservateurs et les révolutionnaires de toutes nuances, et composée des citoyens Ranc et Ulysse Parent. On pourrait dire d’eux qu’ils étaient trop révolutionnaires pour être conservateurs, mais aussi trop conservateurs pour être sérieusement révolutionnaires.

Quant au citoyen Félix Pyat, on a pu remarquer qu’il n’est classé dans aucun des partis de la Commune. La raison en est simple : socialiste de tendances comme journaliste, il était, comme membre de la Commune, un des plus passionnés inspirateurs du groupe révolutionnaire dictatorial, mais son tempérament personnel le classait en définitive parmi les conservateurs.

Par le classement que nous venons d’établir, on se peut rendre compte que la fraction socialiste pure, c’est-à-dire dégagée de toute préoccupation gouvernementale et ayant surtout en vue de constituer, au point de vue économique et politique, l’autonomie communale, était bien en minorité à la Commune.

Mais si les bourgeois républicains qui avaient accepté le mandat communaliste que lui avaient délégué les électeurs, étaient restés à leur poste, comme c’était leur devoir, pour y lutter contre ce qu’il leur convenait d’appeler le parti anarchique, et si de plus, loin de s’écarter du scrutin au 26 avril, cette même bourgeoisie, oubliant ses mesquines rancunes, s’était ralliée franchement à la Commune, pour y renforcer de ses votes l’élément plus modéré dans la forme que représentait le groupe socialiste, celui-ci, ainsi qu’il résulte d’un calcul très facile à faire[5], devenait, par cette adjonction, majorité à son tour, et eût pu ainsi, non s’emparer du pouvoir communal, ce qui eût été contraire à ses principes, mais s’opposer aux empiétements et aux turbulences intempestives d’un certain nombre de membres de la majorité dictatoriale.

Le caractère d’inutiles violences dont furent marqués certains actes de la Commune et qui lui furent si fatales, n’eût pu se donner cours, et la révolution du 18 mars, au lieu de se terminer par une horrible hécatombe de citoyens, eût été le point de départ d’une transformation d’où fût ressortie, pour la France et la République, une véritable sécurité et une grandeur incontestable.

À la bourgeoisie républicaine seule et rien qu’à elle, incombe donc la responsabilité des malheurs qu’a entraînés sa défection.

La seconde séance de la Commune s’ouvrit par une série de votes pour la constitution de son bureau et pour la composition des diverses Commissions qui devaient — quant à l’administration communale — remplacer les différents ministères.

À une assez forte majorité, le citoyen Lefrançais fut élu président[6] — pour huit jours — du bureau des séances, et les citoyens Ranc et Vaillant assesseurs. — Les citoyens Ant. Arnaud et Ulysse Parent furent nommés secrétaires.

Quant aux Commissions chargées de préparer les projets de décrets communaux et de veiller à leur exécution, elles furent ainsi composées :

1o Commission exécutive, chargée de représenter la totalité de la Commune dans ses rapports avec le public et de veiller à la promulgation de ses décrets :

Les citoyens Eudes, Tridon, Vaillant, Lefrançais, Duval, Félix Pyat, Bergeret.

2o Commission militaire, chargée de l’organisation, de l’équipement, de l’armement, des subventions et de la marche des bataillons :

Les citoyens Pindy, Eudes, Bergeret, Duval, Chardon, Flourens, Ranvier.

3o Commission des finances, chargée des recettes communales et du contrôle des dépenses :

Les citoyens Victor Clément, Varlin, Jourde, Beslay, Régère.

4o Commission de justice, chargée de la réorganisation des services judiciaires de la Commune et de la surveillance des prisons :

Les citoyens Ranc, Protot, Léo Meillet, Vermorel, Ledroit, Babick.

5o Commission de sûreté générale, chargée de la sécurité publique, de l’arrestation des délinquants, des perquisitions et du service de petite voirie :

Les citoyens Raoul Rigault, Ferré, Assi, Cournet, Oudet, Chalain, Ch. Gérardin.

6o Commission du travail et de l’échange, chargée de réviser tous les traités des entrepreneurs de travaux publics, de l’organisation des adjudications, de l’examen relatif à toutes les questions concernant les rapports des patrons et des ouvriers, de la révision des impôts communaux et des tarifs de transports, etc., etc. :

Les citoyens Malon, Frænkel, Theisz, Clovis Dupont, Avrial, Loiseau-Pinson, Eugène Gérardin, Puget.

7o Commission des subsistances, chargée de toutes les questions se rapportant à l’approvisionnement de Paris :

Les citoyens Dereure, Champy, Ostyn, J. -B. Clément, Parisel, Em. Clément. Fortuné Henri.

8o Commission des relations extérieures, chargée des communications avec les agents diplomatiques ou consulaires en ce qui concernait les difficultés pouvant surgir de l’état de guerre possible où allait se trouver la Commune, et aussi d’organiser la propagande dans les départements :

Les citoyens Delescluze, Ranc, Paschal Grousset, Ulysse Parent, Arth. Arnould, Antoine Arnaud, Ch. Gérardin.

9o Commission des services publics, chargée de toutes les questions de grande voirie, travaux publics, éclairage, salubrité, surveillance des marchés, octrois, etc., etc. : Les citoyens Ostyn, Billioray, J. -B. Clément, Martelet, Mortier, Rastoul.

10o Commission de l’enseignement, chargée de la nomination des institutrices, des instituteurs communaux, de la surveillance des écoles publiques, de l’examen des méthodes, etc., etc. :

Les citoyens J. Vallès, Dr Goupil, Urbain, A. Lefèvre, A. Leroy, Verdure, Demay, Dr Robinet.

La Commission exécutive était encore chargée de prendre telles mesures d’urgence qu’il lui paraîtrait nécessaire dans l’intérêt de la cité, sauf à rendre un compte immédiat de son action à la prochaine séance de la Commune.

La nomination des citoyens Eudes, Duval et Bergeret, déjà membres de la Commission militaire, comme membres de l’exécutive, fut une véritable faute, puisqu’ils se trouvaient dans cette situation de se devoir donner des ordres à eux-mêmes en même temps que, comme membres de la Commission exécutive, ils avaient à contrôler l’exécution de ces ordres.

Cette situation fausse eut, ainsi que nous le verrons plus loin, de désastreuses suites lors de la journée du 3 avril.

La Commune décida ensuite que tous ses arrêtés porteraient cette signature impersonnelle : La Commune de Paris.

Cette décision fut un des actes les plus politiques de la Commune. Celle-ci indiquait par là que le temps des gouvernements personnels était fini, en même temps qu’elle donnait ainsi à chacun de ses actes un caractère collectif qui rendait tous ses membres solidaires de l’exécution des mesures prises en commun.

Mais en rejetant toute publicité de ses débats, l’anonymat de sa signature donnait à la Commune un cachet de puissance occulte, imposant sa volonté aux dissidents dont elle avait l’air de fouler aux pieds la conscience. — Supposition toute gratuite il est vrai, mais que ne manquèrent pas d’exploiter contre elle et avec leur bonne foi ordinaire, les adversaires de tous ordres.

Enfin l’ordre du jour de cette deuxième séance appela la lecture du projet de proclamation que, la veille, les citoyens Ranc, Lefrançais et Vallès avaient été chargés de préparer et dans lequel ils devaient indiquer le rôle que la Commune allait s’attribuer.

Ce projet était ainsi conçu :

aux citoyens de paris.
Citoyens,

Grâce à l’énergie de la garde nationale parisienne et à celle de son Comité central, la Commune de Paris est enfin constituée.

À vos élus de la maintenir, en faisant comprendre à la France entière la haute importance de ce mouvement régénérateur, par le caractère particulier des institutions et des mœurs publiques qui en doivent ressortir.

En première ligne se présente la nécessité pour la garde nationale, appui naturel de la Commune, de fortifier et de développer son organisation fédérative qui seule luit permettra d’établir la discipline indispensable, sans laquelle il n’est point de force réelle, tout en garantissant à chacun de ses membres la liberté du citoyen.

Mais pour que cette liberté ne soit plus up vain mol, il vous importe de créer en même temps les institutions politiques qui vous garantissent l’exercice de vos droits.

Essentiellement basée sur la souveraineté populaire, la puis-puissance communale en doit toujours être la sincère expression.

Vos magistrats communaux — à peine d’usurpation et d’impuissance — ne doivent puiser qu’en vous seuls les motifs déterminants de leurs décisions.

Il faut en conséquence qu’ils soient en contact permanent avec vous et que, s inspirant sans cesse de vous-mêmes, ils ne soient jamais que les traducteurs de vos pensées et de vos intérêts.

Pour cela il est de toute nécessité que vous puissiez être en rapport avec nous chaque fois que vous le jugerez utile.

En dehors des groupes particuliers qui se formeront en raison de l’exercice complet et maintenant sans limites, du droit de réunion, d’association et de la liberté de la presse, et qui ressortiront naturellement d’une certaine communauté d’intérêts et de sympathies, il est encore nécessaire que vous puissiez vous réunir également pour le maintien et l’extension des droits que vous avez si douloureusement conquis jusqu’alors.

De là, à la fois, le droit et le devoir pour tous de faire partie de réunions politiques de quartiers ou districts, qui vous permettent, au moyen de la carte civique dont vous serez munis, d’organiser, soit l’élection de vos magistrats de tous ordres, soit votre police municipale qui deviendra ainsi la vigilante gardienne du droit et de la sécurité personnelle des citoyens.

Après avoir exposé l’urgente nécessité pour tous de jeter les deux principales assises sur lesquelles doit reposer votre Commune, il nous partit indispensable de vous faire connaître quels sont les points sur lesquels nos travaux vont tout d’abord porter pour asseoir solidement le triomphe définitif de votre révolution communale.

Nous commençons par déclarer que la Commune de Paris est toute prête à faire un pacte d’alliance avec toute commune qui nous enverra son adhésion, et que nous hâterons de tous nos efforts la constitution de la fédération des communes de France.

Au moyen d’une convocation spéciale, aussi prompte que possible, des délégués des associations ouvrières, de la Chambre de commerce, des Chambres syndicales, des directeurs de la Banque de France et des chefs d’entreprise de transports, nous allons rechercher les moyens d’assurer le travail et l’échange, sans lesquels il n’est pour les sociétés ni paix ni liberté.

Cette convocation aura de plus pour objet de jeter les bases d’une association de statistique générale, destinée à fournir les éléments de la solution pratique du problème social, posé par notre siècle et que, sous peine d’épouvantables cataclysmes, il importe de résoudre aux sociétés européennes.

Nous en appellerons également aux délégations ouvrières et aux délégations du commerce et de l’industrie pour résoudre d’urgence les questions d’échéances et de loyers dont l’assemblée de Versailles n’a ni su ni voulu trouver l’équitable solution.

Enfin nous allons prendre les mesures nécessaires pour la réorganisation immédiate des services municipaux, par la nomination de commissions provisoires, jusqu’à la refonte complète de ces services, d’après un système plus en harmonie avec nos institutions communales et qui sera ultérieurement présenté à votre adoption.

Tel sera, citoyens, l’objet de nos premiers travaux, afin de rendre à la grande cité parisienne la sécurité indispensable à la garantie de ses droits et de ses intérêts.

Pour arriver à ce résultat, votre concours à tous nous est indispensable.

Que partout donc s’ouvrent vos réunions populaires. Des ordres seront donnés pour que tous les locaux dont la ville de Paris pourra disposer vous soient livrés.

Nous comptons sur votre énergique appui pour traverser la crise suprême au bout de laquelle nous trouverons sans retour la liberté.

Comptez sur notre entier dévouement.

Vive la République ! Vive la Commune !

À notre avis, les auteurs de ce projet avaient bien compris le rôle de la Commune, qu’ils réduisaient ainsi à un simple organe d’exécution et à celui de gardien des intérêts de tous, qu’elle avait mission de sauvegarder.

Fidèles interprètes du mouvement du 18 mars, ils faisaient de la Commune le serviteur réel de la totalité des citoyens, dont la souveraineté, désormais inaliénée, redevenait ainsi effective et constante.

La Fédération des bataillons de la garde nationale et le Comité central conservaient leur existence au même titre que toute autre association politique et constituaient une force imposante au service de la Commune contre toute agression du dehors en même temps qu’elle pouvait être opposée au dedans à toute tentative de violation des droits des citoyens — C’était en un mot le Droit armé.

Et pour que la force publique ne pût devenir un instrument au service des ambitieux de pouvoir, l’organisation civique, par quartiers, était indiquée précisément en vue de faire prédominer l’influence du citoyen, du travailleur, disposant de son organisation locale et discutant de ses droits et de ses intérêts, sur le même travailleur devenu, suivant le besoin, soldat de la Commune, véritable soldat de l’ordre cette fois, pour la défense de la liberté et de la sécurité publique.

Enfin la dernière partie de ce projet, la plus essentielle à notre avis, celle se rapportant à la création d’une vaste enquête sur le travail, faite par tous les citoyens, indiquait que la Commune n’entendait pas que la transformation sociale, dont le 18 mars avait été la mise en marche, fût, une œuvre personnelle ni même une œuvre de parti, mais qu’au contraire, cette transformation, entreprise essentiellement collective, devait pour être durable et progressive, être basée sur l’enquête permanente des faits et l’exacte connaissance des intérêts de tous.

Ce projet, nous devons le reconnaître, n’obtint généralement pas l’approbation des membres de la Commune. Un grand nombre de ceux dans l’oreille desquels résonnaient trop les échos des proclamations de notre première Révolution, la trouvèrent trop pâle, ne comprenant sans doute pas qu’il s’agissait moins d’enthousiasmer les citoyens que de leur faire connaître nettement qu’ils allaient être appelés à se gouverner eux-mêmes.

À une majorité considérable, le projet fut rejeté et une autre commission fut nommée pour en présenter un nouveau dans le plus bref délai[7].

Le délai qu’exigea ce travail de nouvelle rédaction, ne permit pas à la Commune de faire paraître sa proclamation avant celle du Comité central qui, dans celle occasion, commit à la fois une inconvenance et une maladresse, en faisant placarder sa proclamation, sans la communiquer même à la Commune.

Bien que le ton en fût excellent, cette manifestation, à cause de son affectation de formes officielles et absolument gouvernementales, souleva dans l’opinion une tempête de récriminations qui rejaillirent jusque sur la Commune même. — On accusa le Comité central et non sans quelqu’apparence de raison, de vouloir conserver un pouvoir dont la Commune ne serait plus que l’apparente et responsable expression.

C’était là un fait grave assurément et de nature à inquiéter les électeurs qui, en nommant la Commune, avaient certainement eu en vue de subordonner l’action militaire à l’action civile, tandis qu’au contraire ils voyaient poindre dans le Comité central la prétention de primer la Commune, en affectant de la protéger.

Après avoir commis dans sa première séance la faute de paraître accepter — ne fût-ce que pour une minute — sa subordination au Comité, la Commune, dans les explications qui furent échangées à sa seconde séance, avec les délégués du Comité central, commit l’imprudence plus sérieuse encore de laisser percer devant ces délégués le dépit qu’elle éprouvait de cette fausse situation, sans leur signifier nettement qu’elle entendait y mettre fin.

Cette nouvelle faute ne renseigna que trop le Comité sur le secret de sa propre force et, s’emparant de cette découverte, il commença contre la Commune une guerre sourde, mais d’autant plus terrible, et dont les effets contribuèrent pour une large part à amener la chute de celle-ci.

Sans le contrepoids d’une forte organisation civique, capable de rectifier les prétentions du Comité central, celui-ci ne pouvait qu’être un incessant danger pour la puissance civile. La Commune y succomba pour n’avoir pas su le comprendre.


  1. Son nom véritable était Pourille. Il dut avouer qu’il avait été tour à tour agent de police à Lyon, capucin en Savoie et banqueroutier frauduleux. — Contraint de donner sa démission, il fut conduit à Mazas pour répondre des faux qu’il avait commis depuis son élection. — Relâché sans doute par le gouvernement de M. Thiers, il est en ce moment à Genève. Qu’y peut-il faire ?
  2. Également arrêté quelques jours avant la chute de la Commune, au moment où il venait, abusant de sa qualité de membre de la Sûreté, de s’emparer de certaines lettres dans son dossier, lettres datant de 1867, et dans lesquelles il offrait ses services à l’empire !
  3. S’est fait remarquer par son attitude pleine de dignité, devant les conseils de guerre à Versailles.
  4. Du 4e arrond. — n’a de commun que le nom avec celui du 17e.
  5. Voir aux pièces justificatives, XII.
  6. Ce titre de président des séances fut confondu, à tort, par un certain nombre de citoyens, avec celui de président de la Commune. Nous dûmes faire insérer à plusieurs reprises une note dans l’Officiel pour faire cesser cette confusion et aussi pour faire comprendre que la Commune de Paris ne pouvait ni ne devait avoir de président.
  7. MM. Lanjalley et Corriez désignent les citoyens Eudes, Assi et Bergeret comme avant été chargés de sa rédaction. — Bien que nous n’ayons pu retrouver les noms de cette seconde commission, nous affirmons que c’est là une erreur. — Les citoyens Eudes et Bergeret, très occupés à la Commission militaire, parurent fort peu aux premières séances de la Commune ; quant au citoyen Assi, le peu d’influence dont il jouissait à la Commune et son arrestation qui eut lieu 2 ou 3 jours après, ne laissent point supposer qu’on l’eut chargé de ce travail, auquel on attachait une grande importance. Si nos souvenirs sont fidèles, nous croyons que les citoyens Grousset et Cournet figurèrent entr’autres dans cette commission.