Œuvres de Vadé/Jérosme et Fauchonnette
JÉROSME
ET
FANCHONNETTE
FANCHONNETTE.
JÉROSME, amant de Fanchonnette.
CADET, frère de Fanchonnette.
Scène PREMIÈRE
Air : Quand tu battras la retraite.
Tout à la bonne franquette,
Je ne sais pus que d’venir
Du d’puis qu’la bell’Fanchonnette
M’fait désirer du plaisir :
Pour l’oublier j’ons beau boire.
Ça n’empêche pas qu’l’Amour
N’fasse, en son honneur et gloire,
De mon pauvre cœur un four.
Air : Rossignolet du bois.
Y amour, qui fais brûler
La fille la plus sage,
Y apprends-moi ton langage.
Apprends-moi t’a parler,
Afin qu’pour l’mariage
Je puissions fenjoler.
Air : N’avez-vous pas vu l’horloge ?
Mais pour qu ç’t’Amour m’achève,
Ne v’là-t’y pas qu’la voici !
M’est avis que l’Soleil s’lève
Quand j’vois son minois genti ;
All’pense à ce qu’alle rêve…
Cachons-nous darrière ç’tâbre-ci.
Scène II
Air : Ce ruisseau qui dans la plaine.
Drès l’matin, sous ce feurliage.
Je vians pour prendre le frais :
Des oisiaux le garzouillage
M’y fait r’venir tout exprès.
J’ n’avons pas d’goût pour les hommes.
Pourquoi ça, dira queuqu’zuns ?
C’est qu’dans le temps où que j’sommes
Les trompeux sont ben communs.
On est farm’, tant qu’on z’est libre ;
Ça fait qu’on n’trébuche pas.
L’amour fait pardr’ l’équirlibre :
V’là d’où viennent les faux pas.
Scène III
Air : Je ne suis pas si diable.
Bon joux, monsieu Jérôme ?
Bon joux, belle Fanchon.
Ah ! mon Dieu ! vous v’là comme
Un matineux garçon.
Je ne dors pus, ça m’sèche.
Pauvre petit mignon !
Quoi qui vous en empêche ?
C’est Curpidon.
Air : Les regards d’Hélène.
Avec une flèche,
Qui par l’p’tit bout avait le fil,
Il m’a fait une brèche
Qu’en vaut ben rail,
D’puis ç’temps-là j’endure
Un chien d’mal qui redoubo cncor ;
Faut qu’j’aie la vie dure
Pour n’en êtr’pas mort.
Air : Buvons à nous quatre.
Une marinière,
D’un p’tit air malin,
Pour ahider son dessein,
Comm’ça, par darrière,
Li poussait la main.
Air : Par un beau jour de Pentecôte.
Avec tout ça, ma parsonnière
N’sait pas mon amiquié d’ardeur.
Oubliez-la, c’est la magnère
D’avoir pus d’bonheur que d’malheur.
Oh ! quand on a vu les attraits d’ses appas, on a beau
vouloir l’oublier.
Refrain.
Ça n’se peut pas. (bis.)
Air : Tarare, ponpon.
Selon l’goût d’vot’façon, alle est don ben gentille ?
Gentille comme un cœur ; all’a les yeux si doux,
Qu’drès qupn la voit, z’on grille
D’être son cher époux.
Qui c’est donc que ç’te fille ?
C’est vous.
Air : Qui veut savoir l’histoire.
Ah ! vous gouayez, monsieur Jérôme :
Je n’suis pas bell’.
T’nez, la Beauté et ma Fanchon
Sont taillé’s sur le mêm’patron.
Air : L’Amour est un chien de vaurien.
L’amour pour me rendre amoureux,
N’a besoin que de vos deux yeux.
Oui, pour ma Fanchonnette,
Il met les fers au feu ;
Rendez-li ç’qu’il vous prête,
En me donnant beau jeu.
Air : Gardez vos moutons.
Croyez-moi, monsieur, ôtez-vous
Tous mes appas de la tête ;
L’amour a toujours d’l’aigre doux ;
Et pour que ça s’arrête,
Péchez du goujon,
Lirette, liron,
Liron, liron, lirette.
Air : Le curé monte en chaire.
Mais y a deux ans que j’vous aim’ben,
Et si j’vous aime encore.
Si y a deux ans que vous m’aimez,
Hé ben, t’nez, monsieu, entre nous,
Ça fait vingt-quat’mois ben comptés.
Air : C’est dans la rue d’la Mortellerie.
Vous s’moquez d’moi, mamsell’Fanchon.
Pargué, j’avons ben du guignon !
Aimez plutôt queuqu’autr’tendron.
Queu réponse ! j’endéve :
Vous voulez donc que j’crève ?
Air : Sti-là qu’a pincé Berg-op-zoom.
Faut-il vous l’dire encore un coup ?
Monsieu, vous m’ostinez beaucoup ;
On ngagne rien par violicence.
J’m’absente donc de vot’présence.
Air : Du cantique de S. Hubert.
Vrament, de ç’t’amour-là
J’nous serions ben passée.
Scène IV
Eh ! ma p’tit’sœur, te v’là !
Tu m’sembe embarrassée.
Je suis fort z’en colère.
Y a cause de pourquoi ?
C’est qu’Jérôm’, mon cher frère,
Est z’amoureux de moi.
Air : En Mistico.
Tiens, j’te conseille de le prendre,
En mistico, en dardillon, en dar,
Endar, dar, dar, dar, dar :
S’il t’épousait, on verrait pendre
Clavier d’argent ton
Mistificôté
Côté.
Air : Va, va, Manon, l’y a bien des nouvelles.
Quoi donc ! Cadet, est-ce qu’tu veux qu’il m’enjole ?
Mais gn’a pas d’mal à recharcher son bien ;
Tu n’es pas vieille, et Jérôme est un drôle
Qu’est jeune assez pour ne t’épargner rien.
Air : Je le veux de toute mon âme, ou, des Insulaires.
Ah ! j’aimons mieux, foi d’honnet’fille,
Le ragoût de la libarté,
Que d’avoir de la famille :
Car, en verté d’Guieu, ça vous abat votr’gaieté.
Toujours sautant,
Toujours chantant,
Fillette trouve en tout tems
Le printemps ;
Mais dans l’mariage femme qui brille,
Brille toujours à ses dépens.
Air : Si t’en magnes.
Tiens, ma pauvr’sœur, tu n’as pas de raison,
De rencarter un aussi bon luron.
Crois-tu donc que j’vas lâcher mon cœur,
Et qu’tout brandis il va t’étr’mon vainqueur.
Tiens, moi j’te l’dis, j’vois ben que ça viendra.
Ah ! s’il en tâte, s’il en goûte, s’il en a !
S’il l’aimait ben, faudrait passer par là.
Air : Recevez donc ce beau bouquet.
Lui m’aimer ? je n’donn’pas là-d’dans.
Et sarpejeu, fais-en l’épreuve,
Ou ben moi, tiens, par queuqu’godans,
D’son amiquié j’aurons la preuve ;
En façon d’rival je l’attends.
Ça n’me f’ra pas morde à la grappe.
Mais s’il m’jurait…
Des amans,
C’est d’la graine d’attrape.
Air : Sti-là qu’a pincé Berg-op-zoom.
Viens-t’en, Jérôm’n’sait pas mon nom :
Pour le startagêm’ça s’ra bon ;
À l’hameçon si je l’vois morde
J’li baill’rons du fil à retorde.
Scène V
Air : La jeune Beauté de nos bois.
Mais d’mandez-moi pourquoi qu’je r’viens ?
Car je n’peux pus me traîner presque.
Hormis d’aimer, j’nons l’cœur à rien :
Voyez pourtant c’que c’est que l’sesque !
Faudra-t’y donc que je succombe !
Moi qu’étais fort comme un Samson !
Si j’veux pêcher, c’est que l’bras m’tombe ;
Je n’vois qu’l’Amour au lieu d’poisson.
Scène VI
Air : En passant sur le Pont-Neuf.
Eh ! vivant, quoi qu’tu fais là ?
Queuqu’ça t’fait ?
Pour répondre de la sorte,
Faut z’être ben incivil.
M’connois-tu ?
Non, l’diabl’m’emporte.
J’suis brave.
Eh ! ben, qu’en est-il ! </poem>|4}}
Air : Tredame, Monsieur Thomas.
J’m’appell’Cadet l’Ostiné.
Bon ! moi, j’m’appell’Taquin l’aîné.
Tiens, n’échauffe point z’un luron,
À qui l’Amour fiche guignon.
Eh ! ben, voyons ; conte-nous ça :
Ça t’soulag’ra.
V’là ç’qui s’appell ben penser :
Quand on aime, on n’peut se r’fuser,
Y à l’avantage d’en jaser.
Air : Babet, que t’es gentille !
Premièrement, d’abord,
Ç’tella, pour qui j’soupire ;
C’est une parle d’or.
Parle d’or ! c’est tout dire.
Ç’te parle ?
Morgué,
M’fait sécher sur pied.
Queu fin dénicheux d’marles !
Tiens, faut la brusquer sans façon.
La douceur amorce un tendron.
Eh ! mais ici tu restes donc
Pour enfiler des parles ! (bis.)
Air : Va, va, Fanchon, ne pleure pas.
Ç’pendant pourtant, ça m’fait souffrir.
Eh ! sarpejeu, pour te guérir,
Faut z’aller d’Paris à Pontoise,
D’Ponloise r’venir à Paris.
L’Amour ne nous charche plus noise,
Quand on li fait voir du pays.
Air : Vous faites les jours de Fête.
Eh ! quand j’courrais comme un Basque,
L’Dieu d’Amour court aussi ben ;
Tout ç’qu’on fait contre c’p’tit masque
Ne sart de rien.
L’autre jour, croyant qu’i m’quitt’rait,
J’m’onfoncis cheux un cabaret.
N’v’là-t-i pas que l’p’tit sorcier
Entre jusqu’dans mon d’misquier ?
Air : Ah ! çà, v’là qu’est donc bâclé.
Eh ! ben, au bruit du canon,
Y gn’a pas d’amour qui tienne,
As-tu jamais vu ça ?
Non.
Eh ! ben, faut que l’désir t’en vienne ;
Mais, pour faire un bon Seuldar,
Faut mett’la tendresse au rencart. (bis.)
Air : C’est la femme à tretous.
Oh ! dam’! c’est qu’une armée
Est une bell’chose entre nous.
Quand all’est animée.
C’est pire qu’un courroux.
On attaque tertin,
On les saboul’terti.
On les fait fuir tertous.
Air : De la Tourière.
Le Roi vous marche en avant,
Comm’s’il allait à queuqu’fête :
Tout’l’armée en fait autant,
Et puis tout d’suite on entend,
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan,
Sur les bras et sur la tête,
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan.
Air : De la contredanse du ballet Chinois.
Tout en culbutant,
Tout en culbutant.
Les ennemis pêle, mêle.
Les uns en pestant.
Les autres boitant.
Ne s’en vont pas trop contents.
Air : Chantons à tour de bras.
Et tout en ch’min faisant.
Pour les rachever d’peindre,
Une ville a beau feindre
De s’défendre ch’nument ;
Le Seigneur de Versailles
Y entre pour s’amuser ;
Nous y donnant ripailles,
Fait servir ses murailles
De pierre à réguiser.
Air : de M. de Catinat.
Si j’nons pas servi l’Roi, je n’l'en aimons pas moins ;
Tout Français a pour lui des bras en cas d’besoins.
Il a d’quoi vivre, on l’sait ; mais s’il n’avait pas d’bien,
Morgué, je m’pass’rais d’tout pour qu’i n’manquît de rien.
Air : Adieu donc, cher la Tulipe.
C’est ben dit.
Y aurait d’quoi n’jamais finir.
C’est vrai.
À c’qui r’garde not’affaire,
À ton tour, quoi qu’tu viens faire ?
Me marier.
Afin d’m’égayer.
Air : On dit que vous aimez les fleurs.
Ta maîtresse…
Et pour plaire à la Belle.
Je fais la Tour,
Je fais la Tour,
Je fais la Tourterelle.
Air : Sont les enfans du port au bled.
Fanchonnette a mon amiquié.
Oh ! saquerguié !
(Haut.) Dans ç’t’allure est-elle d’moiquié ?
Vante-t-en, luron, lurette,
Flatte-t-en, luron, luré.
Air : Va, va, Fanchon, j’irons en salle.
On m’a dit qu’certain Fareau l’aime ;
J’voudrais ben l’trouver, par ma foi.
Oh ! tiens, n’charch’pas tant : c’est moi-même.
Toi ?
Moi.
Toi ?
Moi.
Qui ? Toi ?
Oui, moi.
Air : Aisément cela se peut croire.
Sais-tu que je suis t’un ch’napant,
Qui va te mettre l’âme au vent ?
Y aisément cela n’peut pas s’croire :
Quand ton sabre aurait l’fil comme un canon,
Je m’f’rois hacher pour ma Fanchon.
Crois-moi, vaillant l’Cadet, rengaigne ton arc-en-ciel de fer, et ne me fais pas ôter ma veste ; car moi j’te l’dis d’un sang chaud…
J’veux t’être un chien,
À coups d’pied, à coups d’poing,
J’te casserai la gueule et la mâchoire.
Scène VII
Y au s’cours, y au s’cours, y au s’cours.
Quoi donc, bell’Fanchonnette ?
Y au s’cours, y au s’cours, y au s’cours.
Quoi qu’i gn’a, mes amours ?
Un gros vilain sarpent
Me suit ; t’nez, v’là qu’i m’guette.
Tiens, prête-moi ça, prête :
Je m’en vas dans l’moment
Lui parler chenument.
Jérôme court pour le tuer.)
Scène VIII
S’il est mordu par ç’t’animal,
Ça lf’ra mourir… Ah ! mon Dieu ! je m’trouv’mal.
Oui, tout douc’ment mon cœur décampe
Tout comm’la finition d’un’lampe.
Scène IX
Air : De nécessité nécessitante.
D’tous côtés me v’là donc misérabe !
Et je tumbe de scribe en syllabe :
Oui, morgué, j’vois ben, sans mistrocope.
Que v’là ma maîtresse en saintecope.
Air : De Manon Giroux.
Mais pourtant comme un Jocrisse
Je ne dois pas m’tenir ;
Si j’li faisais queuqu’malice
Pour la fai’r’venir…
Mais non, j’suis trop z’honnête homme
Pour agir comm’ça…
Baillons li z’un peu d’rogome :
P’têtr’qu’all’reviendra.
Y ouvrez l’z’yeux, ma Fanchon,
L’sarpant n’est pus de ç’monde.
J’l’avons j’té par tronçon
Dans la rivièr’ de l’onde :
Eh ! r’venez, r’venez donc ;
C’est Jérôme qui vous s’gonde.
Eh ! r’venez, r’venez donc.
Mais ça m’semb’ ben bon !
Monsieu, en vous r’marciant ;
J’vous dois beaucoup vrament,
Si vous m’devez,
Payez-moi, vous l’pouvez
En m’aimant drès ce jour.
J’suis fort reconnaissante :
Mais pour d’ l’amour.
J’suis vot’ très-humb’ servante.
Après ce que j’avons fait,
Sans reproche, et pour vous plaire.
J’vous plains !
Encore un paquet !
T’nez, je n’vis plus, si j’n’espère,
Et je m’en vas de ce pas…
Eh ! quoi donc ? Qu’allez-vous faire ?
M’arranger aveuc l’trépas.
Jérôme, n’badinez pas.
Ce que vous avez fait pour moi,
Tout un chacun l’saura, j’vous assure.
Ben obligée…
Oh ! gn’a pas d’quoi.
Mais t’nez ; n’pensez plus t’à ma figure ;
Car c’est comme’ci, car c’est comme ça ;
Entendez-vous Jérôme.
Qu’on fait lan la, tarlarira.
Connaître qu’on est z’homme.
Et moi, j’ vous dis qu’on n’est z’homme
Qu’on pensant à vos appas :
Car moi, t’nez, sans ça, j’ s’rais comme
Un homme qui ne l’est pas.
Au bout d’ tout ça, quoiqu’ j’enrage,
J’ n’ai pas t’à m’plaindre d’ l’Amour ;
Puisque j’ li dois l’avantage
De vous avoir sauvé l’jour.
Y ah ! vot’ bravour’, brav’ marignier,
Est une chos’ qu’on n’peut z’oublier ;
Y allez dir’ ça.
Qui ? Moi !
Je l’veux.
Quoique ç’tordr’-là m’rachéve,
En l’suivant je m’crois plus heureux
Qu’si j’étois l’Roi d’la fève.
Scène X
Y amour, tu voudrais que j’t’écoutisse ;
Oui, j’sens ben déjà qu’tu t’fais sentir.
Ç’que j’en dis, ç’n’est pas que j’m’en soucisse ;
Car cheux toi la pein’passe l’plaisir ;
Dans l’abord, ç’qu’un amant vient vous dire,
N’sart qu’à vous fair’rire ;
Et c’est ben l’meyeur.
Par après, il a l’himeur si douce,
Qu’à la fin ça l’pousse
Dans l’fin fond de d’not’cœur.
Scène XI
Eh ! ben, sœur, comment ça va-t-i ?
Ben, Dieu marci.
Ça, voyons à quand la noce ?
Ç’jour-là, comm’des bourgeois, jarni,
Faudra t’aller t’en carrosse.
T’iras donc à pied en ç’cas-là.
J’danse déjà,
J’danse déjà.
Y après l’pas’pied, l’All’mande,
L’cotillon s’demande.
Balancez, la, la, la, la, la ;
L’pas d’gricotton, tla, tre, la, tra, la ;
Et puis, de bonn’grâce,
Le violon dit comm’ça :
Baisez, baisez. Queu gaud !
Ensuit’tout l’mond’s’embrasse.
Oh ! tiens, d’tout ça t’as beau parler.
Mais mil z’yeux, tu n’peux pus r’culer.
J’te dis, Cadet, qu’c’est enutile ;
J’aim’mieux rester dans mon tranquille.
Quoi donc qu’i t’faut pour l’mariage ?
Jérôm’n’est-i pas courageux ?
Ça f’rait un bon assortissage.
Sais-tu ben qu’il est maîtr’Pécheux ?
Son onque est commis d’la Patache :
Dam’, ça fait une famill’sans tache.
Oh ! mais j’crains trop l’Amour.
Tu l’crains
Mais ça n’te va brin,
Ça n’te va brin.
Quand l’amour est en colère…
Oh ! oh ! tourelouribo.
Il met tout sans d’vant darrière.
Oh ! oh ! tourelouribo.
Il renvarse la plus fière.
Et oh ! oh ! oh ! tourelouribo.
Avec ton air, t’as beau fair’la gouayeuse ;
P’tett’que bentôt tu seras t’amoureuse.
Va, va, Cadet, tant qu’on z’a d’l raison,
Une fille tient tête à Curpidon.
Gare le pot au noir.
V’là Jérosme qu’arrive.
Ah ! çà, jusqu’au revoir.
Reste-là.
Non, j’mesquive.
Si tu me laiss’tout’seule,
Je ne réponds pus d’moi,
Tu fais trop la bégueule ;
Parguienn’, accomod’-toi.
Scène XII
Cadet ! tu t’en vas !
Quoi ! vous ap’lez Cadet ?
I m’laisse-là dans d’beaux draps !
Cadet ! tu t’en vas !
Eh ! mais n’l’ap’lez donc pas.
C’est moi qui suis l’surspect ;
Aussi sus vot’respect,
J’v’nons prend’congé d’la vie.
Vot’bon sens est donc rabêti ;
Quand on s’porte ben, ça convient-i
D’avoir ste fantaisie ?
Quand on fait l’grand voyage.
Ça n’fait d’mal qu’un p’tit brin ;
Et dans ç’moment-ci j’gage
Qu’ça n’me f’rait pas d’chagrin ;
Je n’peux pus vivre avec d’l’amour
Qui m’fait mourir cent fois par jour.
V’la-t’i pas qu’i va m’plaire ?
J’voudrais qu’i m’déplaisit.
Mais vous n’m’écoutez guère ;
Ça suffit :
Adieu, bell’Marignière ;
Tout est dit.
N’vous en allez pas ; queu magnière !
Vous n’m’aimez donc pas tout d’bon ?
Queu raison !
La preuv’que j’vous aim’ben, c’est que mon argentrie,
Mes blouques, mes boutons,
D’abord, j’vous les donnons ;
D’s éperviers, des filets,
Deux p’tits bachots peinturés qui n’sont pas laids,
Six vestes de guernat, comm’gn’en a pas, j’parie,
Une tass’d’argent,
Dans quoi qu’j’ons bu t’à vot’santé souvent ;
Tout ça vous s’ra baillé,
Mais que j’soyons dég’lé.
Écoutez donc, (à part). Ça m’fend l’cœur.
Eh ! ben ! parlez, j’vous écoute.
Soyez plutôt d’bonne himeur.
La vie n’a plus rien qui m’ragoûte.
Vivez, marignier libéral… Cadet, Cadet ! eh ! Cadet !
Quoi donc ! vous ap’lez mon rival !
Oh ! pour le coup j’me r’tire.
Jérosme.
Ah ! j’vois tout.
Ah ! j’n’en peux pus, j’soupire.
Cadet !
Vous m’poussez t’à bout.
Mon rival vous plait ; ça veut dire
Qu’je n’suis pas d’vot’goût.
Mais vous prenez ça tout d’travers.
Oh ! je l’prends
Comme j’l’entends.
Mais vous entendez tout d’travers.
Écoutez.
Oh ! j’n’ai pas l’temps.
Scène XIII
Ah ! ah !
V’là qu’i m’abandonne.
C’départ-là m’chiffonne :
Queu douleur ça me donne
Déjà !
Quoi donc !
Dans l’temps que j’técoute
I m’fait banqueroute !
J’crois que mon cœur a l’frisson.
Mais, mais, où ç’qu’est mon frère ?
Où ç’qu’est mon frèr’Cadet ?
Scène XIV
Viens donc ; tu n’te press’guère,
J’suis tout stupéfait.
Retourne en errière. Cours vite.
Quoi qu’ç’est ?
Cours après Jérôme ;
Va, j’ons ben du r’gret.
Bah ! ton r’gret sert comme
D’un clou à soufflet.
Voyant qu’i n’peut pas t’plaire,
Y monte sur son bacheau.
La tête la première,
Paff, y s’jette dans l’iau.
Quoi ! l’soutien de ma vie
S’ra mangé des poissons !
Ah ! tout mon sang charrie,
Car j’y sens des glaçons.
Va, laiss’ça là.
Est-ç’que je l’peux ?
Si l’on n’raport’mon amoureux,
J’suis prête, j’suis prête,
Prête à m’arracher tous les ch’veux
D’la tête.
Mais, mais j’veux l’voir.
L’Roi dit, j’voulons.
Ah ! j’t’en supplie avec prière.
I n’est pus temps.
Cadet, allons.
V’là ç’que c’est que d’fair’trop la fière.
Fallait pas li bailler du r’gout.
Mais, moi j’veux l’voir encor un coup,
Encor un coup,
Encor un coup.
Va donc l’voir aux filets d’Saint-Cloud.
J’ai donc perdu mon amant !
Ah ! queu peine de tourment !
V’là qu’ma dureté d’vient tendre :
À quoi sert ç’te tenderté ?
Pour tout d’bon je n’peux li rendre
C’que mon semblant y a z’ôté.
J’m’en vas l’suivre dans ç’voyage.
Oh ! oh ! tourelouribo.
Quoi ! chien, tu ris, quand j’enrage !
Oh ! oh ! tourelouribo
I faut que j’te dévisage.
Oh ! oh ! tourelouribo.
Scène XV
Ah ! Jérosme n’est pas mort !
Peut-on mourir, quand on vous aime ?
Ah ! Jérôme n’est pas mort !
Mais, mais, c’est pire qu’un sort !
Qui donc qui vous a r’pêché ?
Bon ! ç’n’était qu’un startagème.
Cadet, d’mon amour touché,
A, pargué, ben joué son thème.
Cadet, tu m’attrapais donc ?
Attrap’-moi toujours de d’même,
Cadet, tu m’attrapais donc ?
Ah ! j’t’accorde ben ton pardon.
Ç’pardon-là m’aimonce, morgue,
Que vous v’là d’moiquié
Dans mon amiquié.
Ah ! pour ça, vantez.
Vous m’ressuscitez.
C’est à moi qu’c’est ben doux ;
Car, tenez, entre nous,
J’étais pus morte que vous.
I faut, mon frère,
Aller tout de ce pas
Dire à ma ch’mère.
All’n’l’ignor’pas,
Alle consent à tout.
Ah ! mon cher p’tit frère.
Faut que j’te saute au cou.
Parguienne, et moi itou
Messieurs, j’allons nous réjouir ;
Mais c’est à l’ombre d’vot’plaisir :
Des vôtres dépendent les nôtres.
Si j’ons pu vous plaire un p’tit brin,
Lâchez-nous un pauvre p’tit coup d’main.
Y accompagné de plusieurs autres.
Quand l’Amour fait d’l’ouvrage,
Dam’c’est d’l’ouvrag’ben fait :
S’il commenç’par l’orage,
Il finit par l’bien fait.
Je nage,
Quand l’Amour fait d’l’ouvrage,
Dam’c’est d’l’ouvrage ben fait :
S’il commenç’par l’orage.
Il finit par l’bienfait.
Je nage.
Eh ! Cadet, il y a pied là, au moins.
Je nage dans un plaisir parfait.
Je nage dans un plaisir parfait.
L’Amour a, sur la rivière,
Bien des droits comm’de raison.
Mais c’est à la Guernouyère
Qu’il a plus de r’venant bon.
Il y montre la magnière
Comm’faut amorcer l’poisson.
Avec sa jeun’parsonnière,
L’autre jour, un vieux barbon
Fut une journée entière
Sans pouvoir prendre un goujon ;
Il n’savait pas la magnière
Comm’faut amorcer l’poisson.
Un brav’guerrier, à la guerre,
Est sûr de son mousqueton,
Et de r’tour sur la rivière,
Il est sûr de son ham’çon ;
Dam’il entend la magnière
Comm’faut amorcer l’poisson.
On ne pêche dans l’eau claire
Qu’du fretin, du barbillon ;
C’est ç’qui fait qu’les gens d’affaire
Pêchent en eau trouble, et v’la l’bon.
Ils attrapont la magnière
D’endormir le gros poisson.
Une Beauté riche et fière,
N’trouvant aucun parti bon,
Tumbit toute la première
Dans les filets d’un Gascon ;
La Garonne est une rivière
Où se prend l’meyeur poisson.
Lise, autrefois Marinière,
Est grosse Dame, dit-on ;
C’qui d’vrait la rendr’la darnière,
Lui donn’du bien et du r’nom :
Ça s’appell’dans une ornière
Savoir attirer l’poisson.
Heureux qui peut satisfaire
Vot’goût de toute façon !
Vot’bonn’grâc’nous est plus chère
Qu’un bateau plein d’esturgeon :
Le seul désir de vous plaire
S’ra toujours note aviron.