Œuvres littéraires de Napoléon Bonaparte/Lettres de Famille/29

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Texte établi par Tancrède MartelAlbert Savine (Tome 1p. 248-249).

XXIX

À SON FRÈRE JÉRÔME[1].

Alexandrie, 6 mai 1805.

Mon frère, votre lettre de ce matin m’apprend votre arrivée à Alexandrie. Il n’y a pas de faute qu’un véritable repentir n’efface à mes yeux. Votre union avec mademoiselle Paterson est nulle aux yeux de la religion, comme aux yeux de la loi[2]. Écrivez à mademoiselle Paterson de retourner en Amérique. Je lui accorderai une pension de soixante mille francs sa vie durant, à la condition que, dans aucun cas, elle ne portera mon nom, droit qu’elle n’a pas, dans la non-existence de son union. Vous-même, faites-lui connaître que vous n’avez pu ni ne pouvez changer la nature des choses. Votre mariage ainsi annulé dans votre propre volonté, je vous rendrai mon amitié, et je reprendrai les sentiments que j’eus pour vous depuis votre enfance, espérant que vous vous en rendrez digne par les soins que vous porterez à acquérir ma reconnaissance et à vous distinguer dans mes armées.

  1. Jérôme Bonaparte, quatrième frère de Napoléon et le plus jeune, né à Ajaccio le 15 novembre 1784, élevé au collège de Juilly, entré dans la marine, enseigne de vaisseau en 1800. Son mariage avec mademoiselle Elisabeth Paterson, fille d’un négociant de Baltimore (États-Unis) le brouilla avec Napoléon jusqu’en mai 1805. À cette époque le mariage fut annulé comme illégal (Jérôme était mineur), et il épousa la princesse Catherine de Wurtemberg. Grand-Aigle de la Légion d’Honneur, proclamé roi de Westphalie le 1er décembre 1807. Commandant un des corps de la Grande Armée en 1812, détrôné en 1813, Jérôme reprit du service en 1815 comme général. Il commandait à Waterloo une division d’infanterie, et y fut blessé. Gouverneur des Invalides pendant le second Empire, le roi Jérôme est mort au château de Villegenis (Seine-et-Oise) le 24 juin 1860. Inhumé aux Invalides. Père du prince Jérôme Napoléon et de la princesse Mathilde.
  2. Ce mariage datait du 24 décembre 1803.