Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Colmar d’Arenberg

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COLMAR D’ARENBERG. (Van Mons.)

Poire Colmar d’Arenberg.

(Van Mons.)
Synonymie : Poire Kartoffel.

(Spécimen récolté sur une jeune pyramide.)

Lorsque, en 1846, nous avons décrit cette variété dans les Annales de la Société royale d’agriculture et de botanique de Gand, nous avons dit que l’on n’avait pas de données certaines sur son origine, mais que nous inclinions à l’attribuer au professeur Van Mons. Nous avions, en effet, reconnu les caractères de cette variété dans le bois et le port d’une pyramide, greffée en 1832, à la suite d’un envoi de scions de variétés inédites, sans noms, mais numérotés, que nous avions reçu de lui[1]. Nous avons dit encore que le mérite incontestable de cette poire avait dû décider un amateur à suppléer à la lacune laissée par Van Mons, en lui donnant un des noms dont s’honore le plus la Belgique, celui de d’Arenberg, qu’en pomologie on n’applique jamais qu’aux meilleurs fruits. Plus tard, nous avons appris que ce nom de Colmar d’Arenberg était dû à une circonstance analogue à celle que nous avons racontée dans le deuxième volume (page 9) de ces Annales, et qui explique pourquoi, en France, on confond le Beurré d’Arenberg avec le Beurré d’Hardenpont. M. Camuset, chef des pépinières du Jardin-des-Plantes à Paris, dans une de ses excursions en Belgique et notamment au domaine d’Héverlé, appartenant à M. le duc d’Arenberg, avait été frappé de la beauté de ce fruit autant que de la rare fertilité de l’arbre. Une botte de greffes fut promise à M. Camuset, et quand il la reçut, il s’empressa de la partager avec ses amis, en qualifiant cette poire de Colmar d’Arenberg, nom qui lui rappelait le propriétaire du jardin où, pour la première fois, il l’avait remarquée.

Grâce à la sage distribution que M. Camuset fit de ces greffes, le Colmar d’Arenberg était déjà très-répandu chez nos voisins, quand il n’était encore connu, en Belgique, qu’au château d’Héverlé, où Van Mons envoyait, de temps à autre, quelques greffes de ses meilleurs produits. C’est ainsi que les catalogues français ont pu annoncer cette poire, d’origine belge, à une époque où elle était à peine connue chez nous. C’est vers 1838 ou 1839 qu’ils l’ont mentionnée pour la première fois. Elle s’est propagée ensuite avec une incroyable rapidité : il n’a fallu à cette variété que deux ans pour se répandre par toute l’Europe et même en Amérique. Elle se trouve aujourd’hui dans tous les jardins, dans toutes les collections. L’empressement qu’on a mis à se la procurer en fait l’éloge mieux que ce que nous pourrions dire.

L’arbre est très-fertile et se met promptement à fruit, souvent dès la seconde année de greffe, s’il est enté sur coignassier. Il est peu rameux, très-vigoureux sur franc, mais beaucoup moins sur coignassier ; il ne vit même pas longtemps sur cette dernière essence, si l’on ne modère pas sa production, et si l’on ne conserve pas à la terre qui l’environne toutes ses qualités fertilisantes.

Les rameaux sont courts, gros, lisses et sans stries, un peu flexueux et renflés aux gemmes.

Les feuilles sont moyennes, épaisses, oblongues, aiguës, quelques-unes finement dentelées, et la plupart creusées et arquées en, arrière ; les unes ont le pétiole beaucoup plus court que les autres.

Les boutons des rameaux sont courts, gros, pointus, brun-foncé et de forme conique ; ceux à fruits sont de médiocre grosseur, ovales, ventrus et anguleux.

Le fruit est gros ou très-gros, selon les conditions dans lesquelles se trouve l’arbre ; nous avons cueilli sur de jeunes espaliers des poires d’une dimension d’un quart plus grande que celle reproduite par notre planche. Il est ou turbiné ou ventru, assez arrondi du côté de l’œil et bosselé, quand il est très-gros. Il a la forme des Colmars, si ce n’est du côté du pédoncule, où il diminue très-sensiblement de grosseur, ce qui en fait un fruit obtus.

La peau est fine et lisse, d’un jaune-doré à l’époque de la maturité, pointillée et marbrée de roux et de vert.

La queue est bien nourrie, renflée à son insertion, vert-roux, longue de 15 à 40 millimètres et plantée obliquement dans une cavité peu profonde et entourée de petites côtes.

L’œil est petit et placé dans un enfoncement relevé de bosses peu saillantes.

La chair est fine, fondante, délicate. L’eau est abondante, sucrée et délicieusement aromatisée. Les pepins sont courts, bien nourris et d’un brun-foncé.

Cette poire, de toute première qualité, mûrit en novembre et décembre. Elle ne pourrit ni ne blettit aisément ; mais quand le meilleur point de sa maturité est passé, l’eau et l’arôme se perdent.

Quoique ce poirier soit peu rameux, nous conseillons de le cultiver en pyramide et en espalier au levant et même au couchant. Un pincement bien combiné rapprochera et augmentera suffisamment les rameaux, pour que l’arbre ait un beau port pyramidal et assez de branches pour former un bel espalier. Greffé sur franc, il fait des hauts-vents robustes et susceptibles d’un grand développement.

Nous avons déjà dit que le Colmar d’Arenberg est un arbre très-productif. On devra donc le tailler court pour l’empêcher de s’épuiser. Personne n’ignore que plus un arbre est fertile, plus on doit en raccourcir la taille, et que plus il se met difficilement à fruit, plus on doit l’allonger. Nous ne rappelons cette théorie que parce que trop de jardiniers en négligent l’application, et que d’ailleurs un précepte utile ne perd jamais à être reproduit. Du reste, combien ne rencontre-t-on pas encore de ces routiniers, qui, sans s’enquérir de la variété de l’arbre, se mettent en devoir de le tailler dans le seul but de lui donner un peu de forme !

Le Colmar d’Arenberg se plaît dans les terres légères et substantielles, plutôt un peu humides que trop sèches ; ses fruits perdraient beaucoup de leur arôme, si l’arbre était planté dans un sol fort ou argileux.

L. de Bavay.

  1. Les rameaux du Colmar d’Arenberg nous étaient arrivés sous le no 224 ; nous avons appris, il n’y a pas longtemps, que ce numéro correspondait au nom de Kartoffel du Catalogue Van Mons de 1823.