Anthologie féminine/Mme de Rémusat

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Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 257-259).

Mme DE RÉMUSAT

(1780-1821)


Claire-Élisabeth-Jeanne Gravier de Vergennes, dame de palais de l’impératrice Joséphine, mère du comte Charles de Rémusat, a laissé des Mémoires et des Lettres excitant sans doute beaucoup plus la curiosité que son livre très remarquable : Essai sur l’éducation des femmes, publié par son fils après sa mort en 1824, et auquel l’Académie française décerna une médaille d’or. Il est bien regrettable qu’un tel livre soit presque inconnu aujourd’hui : toutes les mères ou éducatrices devraient le lire et le méditer.


ESSAI SUR L’ÉDUCATION DES FEMMES

Tous les biens sont si fugitifs qu’alors qu’on les tient il faut encore prévoir qu’ils doivent nous échapper.

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Quelles ressources laissent-ils à un esprit léger et irréfléchi ?

Le désœuvrement ajoute à toutes les douleurs comme à tous les vices.

L’enfance, si nous ne l’attristons pas, la jeunesse, si nous la laissons faire, sont des temps de jouissance et de bonheur. Il est facile, sans les déposséder de leur apanage naturel, de les munir de quelques idées sérieuses qui prépareront le repos et la dignité de ces derniers temps. — Que la jeune fille apprenne ou qu’elle aperçoive le plus tôt possible la faiblesse de l’enfance, les droits de la jeunesse, mais, en même temps, à quelle condition et dans quel but ces droits lui sont donnés.

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Mais pour obtenir qu’une pensée sérieuse puisse trouver place au milieu des émotions des premiers pas de la vie, il est essentiel qu’une mère indulgente et sincère, se rappelant ce qu’elle a senti et éprouvé, laisse un libre cours aux impressions naturelles à cet âge.

La mère éclairée représente, à l’égard de sa fille, l’une de ces divinités surveillantes que les anciens plaçaient auprès des mortels ; c’est la sagesse, c’est la prudence, sous des traits plus doux et plus chers que ceux de Mentor. Elle doit seconder la conscience sans la remplacer ; elle doit condescendre à la jeunesse pour en être écoutée ; elle doit comprendre son naïf orgueil, son doux entraînement ; c’est en sympathisant avec elle qu’on peut prétendre à la conduire. Quels moyens d’influence et de persuasion n’aura pas une mère qui, s’armant ainsi de la seule vérité, conversant des avantages et des droits du bel âge, enseignera en même temps à sa fille sa liberté et ses devoirs ?

Je crois que l’on peut tirer pour la morale un grand parti de la beauté. La beauté est une puissance. Un beau visage attire les regards.


Penser, combattre et vaincre, voilà la véritable vie, voilà la source de l’intérêt ; hors de là, il n’y a que découragement et langueur.