Astronomie populaire (Arago)/XXVIII/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 395-398).

CHAPITRE IV

exemple familier destiné à faire comprendre les considérations qui ont conduit à la détermination de la vitesse de la lumière par l’observation des éclipses des satellites de jupiter


Pour donner une entière évidence aux considérations qui ont conduit à la détermination de la vitesse de la lumière, nous allons d’abord prendre un exemple familier.

Supposons qu’un événement ait lieu à Orléans et qu’à l’instant même un courrier soit dépêché pour en porter la nouvelle à Paris.

L’heure de l’arrivée de la nouvelle à Paris sera égale à l’heure où l’événement a eu lieu à Orléans, augmentée du nombre d’heures, de minutes, de secondes que le courrier aura mis à franchir l’intervalle compris entre les deux villes.

Un second événement a lieu à Orléans, le lendemain, le surlendemain, un jour quelconque. Je suppose que le courrier qui en porte la nouvelle à Paris marche exactement comme le premier courrier, je veux dire avec la même vitesse, ni plus ni moins.

L’heure à laquelle on apprendra cette seconde nouvelle à Paris se composera évidemment de l’heure où le second événement est arrivé, augmentée du nombre d’heures, de minutes, de secondes que le second, ou, ce qui revient au même, que le premier courrier a employées à franchir la distance des deux villes.

Pour savoir la date réelle de chaque événement, il faudrait donc connaître ce nombre d’heures, de minutes, de secondes, que le courrier a employées à faire son trajet, et le retrancher des dates exprimées en jours, heures, minutes et secondes des arrivées de la première et de la seconde nouvelle à Paris. Remarquons, d’autre part, que toute connaissance relative à la vitesse du courrier est complétement inutile, quand, au lieu de chercher la date réelle de chacun des deux événements, on veut savoir seulement combien il s’est écoulé de temps entre le premier et le second.

Si les dates réelles des événements étaient connues, on retrancherait le plus petit nombre du plus grand, et tout serait dit. Les dates de l’arrivée des courriers sont ces dates réelles augmentées d’une même quantité. Or, la différence de deux nombres ne change pas quand on les augmente l’un et l’autre d’une même quantité. Donc l’intervalle réel des deux événements s’obtiendra en retranchant simplement de la date de l’arrivée du second courrier, la date de l’arrivée du premier.

Pour l’exactitude de ce résultat, il faut et il suffit que les deux courriers aient marché avec une égale vitesse et qu’ils aient eu le même chemin à parcourir. Il n’est donc pas nécessaire que les deux événements soient arrivés dans la même ville. Le calcul serait évidemment tout aussi légitime en l’appliquant à des événements arrivés dans deux villes différentes, pourvu que ces deux villes fussent également éloignées de Paris.

Passons maintenant au cas où les deux courriers ont eu à parcourir des chemins d’inégales longueurs pour aller à Paris, au cas où les événements dont ils apportent les nouvelles ne sont pas arrivés dans deux villes situées à la même distance de la capitale. Prenons, pour fixer les idées, Orléans et Bourges que nous supposerons situées sur une ligne droite partant de Paris.

Le premier événement est arrivé dans la ville la plus voisine de Paris, à Orléans ; le second dans la ville la plus éloignée, à Bourges. Si le courrier parti de cette dernière ville avait employé, pour aller à Paris, le même temps que le courrier d’Orléans, nous aurions, comme tout à l’heure, l’intervalle réel des deux événements, en retranchant de la date de l’arrivée du courrier de Bourges la date de l’arrivée du courrier d’Orléans. Mais le courrier de Bourges est arrivé à Paris plus tard que dans cette hypothèse, de tout le temps qu’il a mis à parcourir la distance de Bourges à Orléans. La soustraction donnera donc, dans ce cas, l’intervalle réel des deux événements, augmenté du temps que le courrier a employé à parcourir la distance qui sépare Bourges d’Orléans, c’est à-dire la ville la plus éloignée de la ville la plus rapprochée.

Si le second événement était arrivé dans la ville la plus rapprochée de Paris, il faudrait retrancher de la date correspondante à l’arrivée du courrier d’Orléans la date de l’arrivée du courrier de Bourges. Cette fois-ci, ce serait le nombre à soustraire qui se trouverait trop grand de toute la durée du trajet du courrier entre Bourges et Orléans. Soustraire un nombre trop grand d’un autre, c’est rendre la différence trop petite. Donc, en soustrayant de la date de l’arrivée du courrier d’Orléans la date de l’arrivée du courrier de Bourges, on aura l’intervalle réel des deux événements diminué du temps que le courrier a employé à parcourir la distance des deux villes.

Admettons enfin que, par la nature même des choses, nous sachions que l’intervalle réel des deux premiers événements est exactement égal à l’intervalle réel des deux autres. Les deux différences obtenues par les soustractions, faites convenablement, des dates constatant les arrivées des quatre courriers, seront l’une plus grande, l’autre plus petite que l’intervalle réel des deux événements, précisément de la même quantité : cette quantité est le temps du trajet du courrier entre Bourges et Orléans.