Astronomie populaire (Arago)/XXXIV/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 765-768).

CHAPITRE IV

l’astronomie pour un observateur situé sur jupiter


Vu de Jupiter, le Soleil doit se présenter sous la forme d’un disque circulaire ayant 5′ 46″ de diamètre.

Quand on veut se faire de la Terre une idée exacte de la grandeur et de l’éclat que l’astre radieux doit présenter à un observateur situé sur Jupiter, il faut découper dans une plaque opaque une ouverture dont le diamètre, examiné à l’œil nu, sous-tende un angle de 5′ 46″, et faire en sorte que cette ouverture se projette sur le Soleil, car le diamètre apparent de cet astre diminue avec la distance, tandis que son éclat intrinsèque reste constant.

La quantité de chaleur et de lumière répandue par le Soleil à la surface de Jupiter est à la quantité de chaleur et de lumière qu’une portion de même étendue reçoit à la distance de la Terre, dans le rapport inverse des carrés des distances, ou comme 0,037 : 1 (liv. xxvii, chap. i).

J’avertirai de nouveau qu’il ne faut pas s’en rapporter seulement à ces nombres lorsqu’on veut juger les climats comparatifs de Jupiter et de la Terre. Pour une égale quantité de chaleur et de lumière les températures définitives pourraient être considérablement modifiées suivant les propriétés des enveloppes gazeuses dont les planètes sont entourées ; suivant les obstacles, plus ou moins considérables, que ces enveloppes opposeraient à la déperdition de la chaleur ; etc.

On n’a qu’à se rappeler l’expérience faite par Saussure sur la température définitive que reçoivent les corps au milieu d’une enceinte formée de plusieurs enveloppes de verres diaphanes, pour être convaincu de la nécessité de la restriction sur laquelle j’ai insisté de nouveau.

Les étoiles, vues de Jupiter, se lèvent à l’orient et se couchent à l’occident ; le temps de leur révolution complète est d’un peu moins de dix heures (liv. xxvii, ch. iii), en sorte que l’intervalle compris entre le lever et le coucher d’un de ces astres n’atteint jamais cinq heures.

Le Soleil vu de Jupiter paraît avoir dans la sphère étoilée un mouvement dirigé de l’occident à l’orient. En vertu de ce mouvement cet astre emploie à parcourir toutes les constellations zodiacales 4 332j,58 ou 11 ans et 10 mois 17j,6.

Mercure, Vénus, la Terre et Mars, sont, pour un observateur situé sur Jupiter, des planètes inférieures. On doit les voir avec des lunettes s’éloigner du Soleil jusqu’à de certaines distances un peu variables, tantôt à l’orient, tantôt à l’occident. Mars lui-même doit être rarement visible à l’œil nu, puisque dans ses plus grandes digressions il ne s’éloigne du Soleil que de 16°. Saturne est pour l’astronome de Jupiter, une planète supérieure offrant dans son mouvement annuel tantôt une marche directe, tantôt une marche rétrograde, ces deux mouvements dissemblables étant séparés les uns des autres par des positions dans lesquelles la planète est stationnaire.

L’équateur de Jupiter coïncidant à peu près avec le plan de l’orbite, le Soleil doit se présenter toujours de la même manière aux différents points de la planète ; les quantités de lumière et de chaleur que ces divers points reçoivent du Soleil étant les mêmes dans tous les temps, il n’y a pas lieu de distinguer dans les deux hémisphères un hiver et un été. On jouit donc sur Jupiter d’un printemps perpétuel, pourvu qu’on attache à cette expression son sens véritable (liv. xxxiii, chap. xli), qui, dans ce cas, signifie seulement que l’action éclairante et calorifique du Soleil est toujours la même dans chaque point déterminé de la planète ; ce qui n’implique pas qu’elle doit être égale quand on compare entre eux les points situés sous des latitudes différentes.

Les satellites, ou plutôt les Lunes de Jupiter, font leur révolution dans des temps fort courts comparés au temps que la Lune emploie à faire le tour de la Terre. La première de ces Lunes, la plus rapprochée de la planète, parcourt les 36° de son orbite en 1j,77. Le géographe, le marin de Jupiter doit trouver dans la rapidité de ce mouvement des moyens très-précis de déterminer les longitudes des points où il se transporte. Les éclipses de cette Lune résultant de son passage dans l’ombre que Jupiter projette derrière lui à l’opposite du Soleil, les éclipses partielles de Soleil occasionnées par les interpositions incessantes de cette première Lune entre l’astre radieux et la planète, doivent conduire, sur Jupiter, chaque jour à des moyens non moins exacts de perfectionner la géographie et la navigation.

Le père Kircher disait dans son Voyage extatique, que sur Jupiter l’air était salubre, que les eaux étaient très claires et les terres aussi brillantes que l’argent. Tout cela est à la rigueur possible, mais les observations ne justifiant pas de telles conséquences, nous avons dû nous abstenir d’en faire mention.

Nous ne parlerons pas non plus des influences heureuses que Jupiter et Vénus, suivant le père Kircher, doivent exercer sur les habitants de la Terre. De telles conjectures n’appartiennent pas à l’astronomie ; elles sont du ressort de l’astrologie, prétendue science qui depuis longtemps a perdu tout crédit.