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Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore/02

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II.

POÉSIES DE 1820



II.

POÉSIES DE 1820 POÉSIES || DE || MADAME DESBORDES-VALMORE || A Paris, || Chez François Louis, || Libraire, rue Hautefeuille, n° 10 || 1820. In-8° de 1 feuillet (titre gravé reproduisant le texte ci-dessus autour d’une vignette-Le Berceau d’Hélène-gravée par Nar- geot d’après Chasselat) et 196 pages. Les quatre dernières pages sont occupées par la table. A la fin, errata de 6 lignes et : De l’Imprimerie de Didot le jeune, rue des Maçons Sorbonne, n° 13. Trois planches hors texte gravées sur acier : "Me voici devant la chapelle gravée par Johannot d’après Desenne et retouchée par Nargeot (p. 6) ; " Courez, petit enfant… z re- gravée par Nargeot qui a modifié le fond d’après Chasselat (p. 93) ; "Son il mourant…, non signée (p. 171). Ce sont les planches de l’édition de 1819, mais modifiées, entourées d’en- cadrements et regravées. Couverture ocre imprimée, avec encadrement typographique. Sur certains exemplaires le titre gravé porte la mention : "Troisième édition, ajoutée au burin. L’annonce parue à la 38 POÉSIES DE 1820 Bibliographie de la France le 1er juillet 1820 (1) présente, d’ail- leurs, ce volume comme une troisième édition alors qu’il n’est que la deuxième édition des Poésies (2). HISTOIRE DES POÉSIES DE 1820. Le libraire Louis reçut le texte du volume dans les trois premiers mois de 1820. Comme il eût souhaité ajouter au recueil de 1819 plus de pièces nouvelles que ne lui en offrait Marce- line, celle-ci lui répondit : " Je n’ai pas, je vous le jure, quatre vers à ajouter au recueil. Je ne sais plus où il y en a, ni comment on en fait… Parlez d’aimer à quelqu’un qui sort d’une passion malheureuse, et vous serez bien reçu… Je ne me charge pas d’annoncer à mon oncle ce que vous me dites. Je vous avertis que je l’ignore devant lui, et que vous ne m’en avez pas dit un mot. Rejetez-vous, je vous en prie, sur ce qu’il vous a fait trop attendre, et n’ajoutez pas une raison à celle-là ; car, si c’est un prétexte, c’est le meilleur. Il eût mieux valu suivre le conseil que j’avais hasardé plusieurs fois : c’était de ne rien mettre du tout, , (3). H. de Latouche qui, le 5 octobre 1819, écrivait à Mme Des- bordes-Valmore comme à une femme qu’il n’aurait jamais ren- contrée, (4) revit sans doute les épreuves et, en tout cas, s’occupa du traité. C’est ce qui ressort d’une lettre de Latouche au li- braire Louis, datée du 12 juin 1820 : "…..J’irai voir demain Mme Valmore et finir ce qui regarde son acte avec vous. Force (1) En voici le texte : "N. 2439. Poésies de Mme Desbordes-Valmore. Troi- sième édition. In-8º de 12 feuilles un quart. Impr. de Didot le jeune, à Paris. A Paris, chez François Louis. (2) L’exemplaire que Marceline offrit à Alibert faisait partie de la collection L. Barthou. Il est relié en vélin blanc et doublé de moire bleue. Sur le premier plat le nom "Mr ALIBERT, , gravé en lettres dorées (capitales Didot et anglaise), est entouré d’un cadre doré composé de filets doubles et d’une guirlande de roses. (3) Lettre inédite du 9 avril 1820 (Collection H. de Favreuil). La dernière partie de la lettre a évidemment trait à des illustrations de Constant Desbordes que Louis ne voulait point faire paraître dans l’édition de 1820. (4) J. Boulenger, p. 163. POÉSIES DE 1820 m’a été d’aller à la campagne ; il ne me fallait rien moins que l’impossible pour m’empêcher d’aller la voir plus tôt, (1). Le recueil de 1820 est, comme nous l’avons dit, une SE- CONDE ÉDITION ORIGINALE des Poésies de Marceline. Une an- nonce du Journal de Lyon (16-17 mai 1821) nous apprend qu’il a été publié à 4 fr. 50. Ce recueil adopte une disposition légèrement différente de celle du volume de 1819 ; et il a été augmenté de 24 pièces nouvelles dont voici le détail : QUATORZE ÉLÉGIES (1 — 14) : 39 1. Hélas ! que voulez-vous de moi (LES LETTRES). 2. Presse-toi, vieux berger, tout annonce l’orage (PHILIS). 3. Te souvient-il, ô mon âme, ô ma vie ! (LA PROMENADE D’AUTOMNE). 4. L’air était pur, la nuit régnait sans voiles (LES ROSES). 5. Le soleil brûlait la plaine (LE RUISSEAU). 6. Inexplicable cœur, énigme pour toi-même (LA PRIÈRE PERDUE). 7. Reprends de ce bouquet les trompeuses couleurs (LA COLÈRE). Marceline écrivait de Bruxelles au libraire Louis, le 9 dé- cembre 1818 : "Quant à l’élégie de la Colère, singulier titre, en effet, vous ne l’imprimerez pas, n’est-ce pas vrai ?, ,. Si, conformément aux désirs de Marceline, Louis ne publia pas la Colère en 1819, il la donna dans l’édition de 1820. Cette élégie, publiée à nouveau dans le recueil de 1822, change de titre dans les Élégies de 1825 pour s’intituler : A l’Amour. 8. Prête à s’élancer joyeuse (L’HIRONDELLE ET LE ROSSIGNOL). (1) Inédite (Collection H. de Favreuil). 40 POÉSIES DE 1820 Cette poésie figure dans l’Album manuscrit n° 6 de la Bibliothèque de Douai, sous le titre : Le Rossignol ; elle y est datée de " Bruxelles, avril 1819 „. L’Hirondelle et le Rossignol est dédiée" à M. Arnaud, ,. Vincent-Antoine Arnaud (1766-1834) s’était acquis une grande réputation par ses tragédies, ses co- médies et surtout par ses fables. 9. Toi, dont jamais les larmes (A DÉLIE, IV). Il est vraisemblable que cette élégie fut écrite entre le 10 avril 1816, date de la mort du fils de Marceline, et le 4 sep- tembre 1817, date à laquelle la poétesse épousa Prosper Val- more. Elle l’avait écartée de son recueil de 1819 pour des rai- sons de convenance ; mais le libraire Louis exigeait si instam- ment de nouveaux textes que Marceline dut se résigner à publier tous les vers qu’elle avait écrits jusque là. 10. Comme un enfant cruel tourmente la douceur (LE MIROIR). 11. J’ai tout perdu ! mon enfant par la mort (LES RE- GRETS). 12. Que je suis heureuse avec toi ! (LA JEUNE ÉPOUSE). Marceline fait allusion dans cette pièce à la mort de sa fille Junie, décédée à l’âge d’un mois, le 22 juillet 1818. 13. Que fais-tu, pauvre Hélène, au bord de ce ruisseau ? (LES DEUX BERGÈRES). Voir sur cette pièce la lettre écrite de Bruxelles par Mar- celine le 6 octobre 1818 et publiée plus haut. 14. Me voici… je respire à peine (LA JOURNÉE PERDUE). L’élégie de l’édition de 1819, C’est en vain que l’on nomme erreur (LE PRESSENTIMENT), a reparu entre temps dans la Guirlande des Dames de 1820, et dans l’Hommage aux Demoiselles de 1820, sous la signature "Mlle Desbordes „. POÉSIES DE 1820 41 CINQ ROMANCES NOUVELLES (15-19) : 15. Distraite et malheureuse (CLÉMENTINE). Publiée la même année dans le Chansonnier des Grâces, 1820. Elle porte en sous-titre : Imitation de Richardson. Samuël Richardson (1689-1769), romancier anglais des plus célèbres, est l’auteur de Paméla, de Clarisse Harlowe, et de bien d’autres histoires non moins attendrissantes. Il a été traduit en français par l’abbé Prévost. 16. Tes mépris, ton inconstance (A UN TROMPEUR). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1817, sous le titre : Romance, avec musique de Quinebaux ; dans le Chansonnier des Grâces de 1819 et dans le Chansonnier des Belles, 1820. 17. Adieu, douce pensée (LA FLEUR RENVOYÉE). Parue d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1818 avec musique de Meissonnier (signée : Mile Desbordes). 18. Pour trouver le bonheur, je me ferais bergère (LE CHIEN D’OLIVIER). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1820, avec de la musique de Mazas (signée : Mile Desbordes). 19. Ah ! que le monde est difficile ! (L’ÉTRANGÈRE). La romance LE PARDON (Je me meurs, je succombe au destin qui m’accable) a paru en 1820 dans le Troubadour français, sous le titre : LE DERNIER ADIEU, musique de Monier-Séguénol. La romance A LA POÉSIE (O douce poésie) qui figurait aussi dans. le recueil de 1819, avait reparu dans l’Offrande aux Muses de 1820, sous la signature : Mme Marceline Desbordes. Six romances de l’édition de 1819 ont changé de titre : IDOLE DE MA VIE (Je veux t’aimer toujours) est intitulée ici : LE SERMENT ; A TOI (O ma vie) est intitulée ici : DORS MA MÈRE. Cette romance avait reparu entre temps dans le Troubadour français de 1820, sous le titre REVIENS VITE (musique de Lélu) et dans le Souvenir des Ménestrels de 1820 (musique de Lechallier) ; 42 POÉSIES DE 1820 C’EST LE BONHEUR, C’EST TOI (Ce n’est pas une vague et trom peuse espérance) est intitulée : C’EST TOI dans le recueil da 1820 ; ADIEU MES FIDÈLES AMOURS (Adieu mes fidèles amours) porte le nouveau titre : ADIEU, MES AMOURS ; CLÉMENTINE À MARIE (Clémentine à genoux). Cette romance re- maniée porte maintenant pour titre : LA PRIÈRE DE LAURE, et commence par le vers : Laure offrait à genoux ; LA CHANSON CRÉOLE (N’a plus pouvoir dormir tout près toi dans cabane) devient ici : LE RÉVEIL CRÉOLE. Par contre une romance de l’édition de 1819 a été supprimée : MÉDOR (Aimable chien, fidèle et bon Médor). CINQ PIÈCES DIVERSES (20-25) sont réunies sous le titre : MÉLANGES : 20. Adieu Muse, on me marie (UN BEAU JOUR) ; 21. Toi, qui reçus par artifice (LA MONTRE) ; 22. Sous les arbres touffus, naïves pastourelles (LA NYMPHE TOULOUSAINE) porte comme sous-titre : Imitation de Gou- delin. Pierre Goudelin est un célèbre poète languedocien, né en 1579, mort en 1649, qui sut donner à la poésie romane un charme tout nouveau. On sait que les bergers, les chanteurs et les nymphes de la Garonne et de l’Adour jouèrent un grand rôle dans le romantisme" dessus-de-pendule, ,. La pièce la plus estimée de Goudelin est son "Ode sur la mort d’Henri IV., , 23. Il ne faut plus courir à travers les bruyères (CONTE D’ENFANT). C’est le premier conte que Marceline ait écrit pour les enfants. Nous pensons qu’il fut composé après la mort de sa fille Junie et avant la naissance d’Hippolyte. 24. Qu’a-t-on fait du bocage où rêva mon enfance (LE BERCEAU D’HÉLÈNE). POÉSIES DE 1820 43 Cette pièce se trouve dans l’album n° 13 de la Bibliothèque de Douai ; elle y est datée de février 1820. On la retrouve encore dans l’album nº 7 avec un grand dessin au crayon de Constant Desbordes qui l’illustre. Comme son éditeur la priait de corriger quelques vers de cette pièce, Marceline lui répondit : "Je ne vous appellerai ni barbare, ni serpent. Il y a toujours de la vérité dans ce que vous dites ; mais excusez pour cette fois ma paresse. Le berceau d’Hélène peut bien aller se coucher. Si j’y change une feuille, ce sera dans un siècle. J’ai un dégoût mortel de poésie en ce moment ; c’est presque dire de la vie, ,. (Lettre inédite du 9 avril 1820. Coll. H. de Favreuil). Trois ans après, Marceline envoyant cette poésie à Duthil- lœul, l’accompagnait de ces quelques mots : "J’ai un souvenir très clair de mes premières années. Notre maison tenait au ci- metière Notre-Dame. Il y avait un calvaire, des tombeaux, la vue d’un rempart, une tour avec beaucoup de prisonniers. Je courais partout ; partout je trouvais des clochettes, des fleurs de carême et des petites compagnes dont les figures sont encore toutes peintes dans mon souvenir. Je l’ai dit faiblement dans le Berceau d’Hélène. Il n’y a pas de mots aussi doux que les rêves de l’âme… Dans l’Atelier d’un peintre, Marceline décrit ainsi l’église Notre-Dame qui s’élevait non loin de sa maison : "Nous re- vînmes par des détours, jusqu’à l’église Notre-Dame. Il m’y fit entrer au milieu des décombres, et, de là, me montra la place où mon grand-père, puis mon père, puis nous tous leurs enfants avions été ondoyés par lui. Il pointa aussi du fond de cette église mutilée toutes les tombes de notre famille, dans le vert cimetière où jouaient à cette heure quelques enfants… Les murs délabrés, l’orgue en ruine, les saints sans tête renversés dans les hautes herbes de ce cimetière agreste, les vitraux brisés, comme les bancs déserts, tout cela décoloré par un soleil rouge, ardent, qui passait, laissant tomber aux mêmes heures ses rayons éternels sur ces débris abandonnés… Dans ce roman Marceline raconte aussi la peur que lui faisait, quand elle avait quatre ans, un grand Saint-Nicolas tombé de sa niche et déposé dans l’allée qui traversait la 44 POÉSIES DE 1820 maison de son père. "J’en avais peur, mon oncle. Il n’avait pas de nez ; sa longue crosse paraissait s’agiter dans l’ombre pour m’atteindre, quand je passais en me rapetissant. Je lui disais ma prière. Je ne glissais jamais dans cette allée noire que les genoux tremblants. Ils ployaient tout seuls devant le saint, qui m’imprimait de l’effroi mêlé à je ne sais quel amour ; car on le faisait patron des écoliers. De plus, il me semblait mal- heureux et offensé, dans ce coin, si loin de son paradis. Et je lui faisais l’hommage de ma flatterie, pour qu’il me laissât le courage de m’envoler au fond de la maison, quand on me de- mandait d’y aller seule…