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Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore/03

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III.

POÉSIES DE 1822



III.

POÉSIES DE 1822 POÉSIES || DE MADAME || DESBORDES-VALMORE || Troisième édition, || revue, corrigée, augmentée. || Paris, || Théo- phile Grandin, libraire-éditeur, || Rue d’Anjou-Dauphine, Nº 7, F. S. G. || 1822 (1). In-16 de 3 feuillets préliminaires non chiffrés (faux-titre portant au verso : Imprimerie de Fain, place de l’Odéon ; titre gravé entourant la vignette de 1820 retouchée ; titre imprimé), et 239 pages. A la suite, 7 pages du catalogue de Grandin avec l’avis de son changement de domicile. On y trouve le détail du tirage de cette édition : "11 a été tiré 12 exemplaires sur papier vélin superfin, figures avant la lettre, épreuves sur pa- pier de Chine, à 20 frs., Il y a eu aussi des papiers de couleur. (1) Le volume devait paraître en septembre 1821, comme on peut le voir par une lettre que Marceline écrivait de Lyon, le 12 juillet 1821, à "Monsieur Charles Laffille, homme de lettres, rue Vivienne, nº 6, à la Lyre Moderne, à Paris, ,. Cette lettre inédite, dont on va lire un fragment, fait partie de la collection H. de Fa- vreuil : "Vous qui m’aimez un peu, voulez-vous, cher Laffille, me rendre encore un service ? Ne fut-ce que par habitude, vous direz oui. Voyez Monsieur le libraire Grandin. Je lui ai ecrit sans obtenir de réponse, pour un volume qu’il avait bien voulu se charger de faire relier pour moi en cuir de Russie. Ce volume était des- tiné et promis, et j’ai tout l’air de l’oublier volontairement aux yeux de qui l’attend. Obligez-moi donc, cher Lafiille, d’en rappeler le souvenir à M. Grandin, qui devait aussi selon moi commencer ver ; cette époque l’édition qu’il veut faire paraître en septembre. Au reste, cet article le regarde. Il m’enverra les premieres épreuves quand il jugera à propos de s’en occuper. Mais de grâce, mon petit volume de48 POÉSIES DE 1822

      • "1 ?

112 Quatre figures hors-texte de Chasselat : "Reste mon bien- aimé….., , gravé par Couché (page 15) ; "C’est ici sous ses fleurs… gravé par Lefèvre aîné (p. 97) ; "Pastourelle naïve… gravé par Ad. Godefroy (p. 160) ; "Elle pleure en voyant son gravé par Ad. Godefroy (p. 197). seigneur à genoux…", Couverture rose imprimée, avec encadrement typographique, TROISIÈME ÉDITION ORIGINALE, dans laquelle apparaît pour la première fois l’ordre adopté pour l’édition de 1830, avec la division des pièces en idylles, élégies, romances et poésies diverses. Elle est augmentée de 16 pièces nouvelles, dont voici le détail : DEUX IDYLLES (1-2) : 1. Viens, le jour va s’éteindre… il s’efface et je pleure (LA NUIT). Se trouve dans l’album n° 13 de la Bibliothèque de Douai, avec la date : juillet 1820. 2. L’avez-vous rencontré ? Guidez-moi, je vous prie (L’ABSENCE). CINQ ÉLÉGIES (3-7) : 3. J’étais à toi peut-être avant de t’avoir vu (ÉLÉGIE). Cette poésie figure dans l’album n° 13 de la Bibliothèque de Douai ; elle y est datée d’octobre 1820. Le vers par quoi elle commence nous en évoque un autre de Philis (recueil de 1819) : "Je crus l’avoir aimée avant même de naître,. mandez-le lui. J’ai si peu le temps d’écrire que l’on devrait bien me répondre. N’allez pas, cher ami, me traiter de même. Tout le monde m’oublie et malheureu- sement il n’est pas de même de moi. J’ai tout quitté en quittant Paris. Je m’y croyais un peu aimée, toutes nos espérances meurent avant nous-mêmes. Il y a beaucoup de monde en deuil en ce moment. J’y suis plongée….. Grandin mit le volume en vente le 16 mars 1822. Voici les termes en lesquels il l’annonce dans la Bibliographie de la France qui parut ce jour-là. "No 1351. Poésies de Mme Desbordes-Valmore. Troisième édition. In-18 de 6 feuilles 7/9, y compris un frontispice gravé, plus des planches. Imp. de Fain, à Paris. — A Paris, chez Th. Grandin, rue d’Anjou — Dauphine, n° 7. Papier ordinaire… 5 frs. Papier vélin… 10 frs. Avec figures sur papier de Chine… 20 frs., POÉSIES DE 1822 Rapportant dans l’Atelier d’un peintre (1833) l’impression que lui fit son amant la première fois qu’elle le rencontra, Marceline écrit encore : "Elle voulut le voir, le connaître ; car il lui sembla qu’en ce moment, elle le regardait tout à fait pour la première fois. Mais d’où vient qu’en même temps elle croyait se rappeler le connaître depuis longtemps, bien longtemps avant qu’il vînt ?…. C’est étrange comme elle se le rappelait ! Elle ne put se rendre compte de ce prodige et baissa la tête sous son poids brûlant., , 49 4. Ma sœur, il est parti ; ma sœur il m’abandonne (ÉLÉGIE). Publiée d’abord dans les Annales de la littérature et des arts (1820), puis dans l’Almanach des Muses de 1821. Dans l’Album n" 13 conservé à la Bibliothèque de Douai, cette élégie est datée de juillet 1820. 11 Nous nous rallions entièrement à l’opinion de M. Bertrand Guégan (ouvrage cité, I, 408) : "Ce n’est pas à sa sœur Cécile, ainsi que le prétend Hippolyte Valmore, mais bien à Eugénie la cadette, que Marceline s’adresse dans ses Élégies. La cor- respondance de Marceline, les lettres contenues dans l’Atelier d’un peintre prouvent sans nul doute qu’Eugénie était la sœur préférée, celle qui recevait toutes les confidences. On a remar- qué que le fils naturel de Marceline s’appelait Eugène, et il est fort vraisemblable que Marceline passa chez Eugénie (sur des rives sans fleurs), les trois étés qu’elle vécut loin de Paris (1810-1812). Née à Douai le 17 novembre 1780, Eugénie— Marie- Anne Desbordes épousa en 1808 Désiré Drapier, contremaître dans une filature aux Andelys. Elle mourut à Paris le 7 sep- tembre 1850.. D’ailleurs Marceline, s’adressant" à sa sœur dans une de ses élégies, la plus déchirante de toutes peut-être : Qu’ai-je appris ? le sais-tu ? sa vie est menacée… nomme Eugénie au vers 68. Dans l’Atelier d’un peintre, ce roman où elle se met en scène sous le nom d’Ondine, l’héroïne a une sœur du nom d’Eugénie. "Les jours de fête, Ondine les consacrait à s’exa- miner pour rendre à sa sœur un compte pieux d’elle-même. G. Cavallucci — Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore 4 50 C’était le seul confesseur mortel devant lequel son cœeur s’ou- vrit tout entier…, Nous ne pouvons résister au plaisir de citer un long pas- sage des Contes et scènes de la vie de famille, où Marceline décrit d’une façon exquise la coquetterie de sa petite sœur à l’âge de huit ans : "— N’est-ce pas, maman Catherine, que je ne peux pas sortir avec des bas comme cela ? POÉSIES DE 1822 "Et elle montrait avec une certaine aversion ses bas, bleu de Prusse par la moitié d’en bas, et bleu de ciel par la moitié d’en haut. Qu’est-ce qu’ils ont donc ces bas ? répondit Cathe- rine étonnée, les trouvant parfaitement remontés en coton neuf et bon. Quel inconvénient y trouvez-vous, ma petite amie ? "Oh ! mais voyez, maman ! des bas de deux couleurs, et j’en ai encore une paire pareille pour le jour de la confes- sion, avec mes beaux souliers à la mode ! oh ! maman….. - Raison de plus, Eugénie. En supposant que vous y attachiez un peu de mortification, elle comptera le jour de la confession pour racheter une faute, allez ! "Eugénie ne bougeait pas. Allez, reprit madame Catherine, ne vous inquiétez pas. Personne ne vous demandera compte à quinze ans des bas que vous aurez portés à huit. L’enfant immobile méditait sur ces paroles. " — Pas plus qu’on ne vous demandera compte au ciel de votre chaussure de la terre, partez. - "Elle voulait partir, mais elle était enchaînée par le con- traste de ces deux bleus et se permit d’essayer quelques pa- roles inintelligibles….. "Le penchant d’Eugénie pour les talons hauts s’était ré- vélé de très bonne heure par la première faute qu’elle eût commise. Le cordonnier de la famille, appelé un jour pour renouveler toutes les chaussures en détresse, reçut de madame Aldenhoff (1) un morceau de damas rouge envoyé à cet effet (1) La mère de Marceline s’appelle Catherine Aldenhoff dans les Contes et scènes de la vie de famille. POÉSIES DE 1822 51 par la marraine d’Agnès (1). Cette généreuse marraine était la femme d’un conseiller au parlement d’Arras. On avait déjà tiré tant de souliers du coupon de Damas, qu’il en restait à peine pour une paire d’enfant. Elle fut adjugée à Eugénie qui brûla de les avoir en tout pareils à ceux de sa jeune maman Cathe- rine. L’idée de faire du bruit avec ses talons lui tourna la tête, et quand le cordonnier Bégano sortit avec ses mesures et le damas cramoisi, elle le suivit et l’arrêta sur le seuil en lui com- mandant d’une voix timide des talons blancs, les plus hauts possible. Le cordonnier surpris la regarda et se permit d’objecter qu’elle tomberait, si petite encore, en courant dans la rue ou par les escaliers. — Monsieur Bégano, dit Eugénie, en baissant les yeux avec l’air d’une profonde réflexion, faites la volonté de la fa- mille Aldenhoff. Je saurais bien ne pas tomber avec les hauts talons blancs. "C’était d’une audace qui eut le malheur de convaincre le cordonnier. M. Bégano ayant envoyé peu après toutes les chaussures commandées pour la famille, celle d’Eugénie passa pour une fâcheuse méprise, et comme les souliers étaient jolis et urgents, Eugénie eut la joie de ses talons usurpés. Aussi ne manqua-t-elle pas le dimanche, dès l’aurore, de s’enfuir à demi- habillée pour les faire résonner dans la rue et jusque dans le cimetière Notre-Dame,. 5. Quoi, les flots sont calmés et les vents sans colère (ÉLÉGIE). Dans l’Album n° 13 de la Bibliothèque de Douai, cette élégie est datée de novembre 1820. 6. Peut-être un jour sa voix tendre et voilée (ÉLÉGIE). Cette pièce porte la date : avril 1820, dans l’album nº 13 de Douai, (1) Agnès est le nom que Marceline se donne dans ces récits. 52 POÉSIES DE 1822 7. Qui, toi mon bien-aimé, t’attacher à mon sort (ÉLÉGIE). Cette élégie figure également dans l’album n° 13, avec la date : novembre 1820. L’élégie Reprends de ce bouquet les trompeuses couleurs, intitulée LA COLÈRE en 1820, porte ici le titre : A L’AMOUR. L’élégie Je m’ignorais encore, je n’avais pas aimé, intitulée aupara- vant LES DEUX AMOURS, a pour titre : ÉLÉGIE dans le recueil de 1822 ; elle avait reparu en 1820 dans l’Hommage aux Dames et en 1821 dans la Guirlande des Dames, sous son titre primitif. De même, l’élégie Message inattendu, cache-toi sur non caur (LE BILLET) a été reproduite dans la Guirlande des Dames de 1821. QUATRE ROMANCES (8-11) : 8. A ma belle patrie (LA FIANCÉE). 9. L’heure du bal enfin se fait entendre ! (LE BAL). 10. Adieu pour toujours (L’ADIEU). 11. Viens si tu veux rêver d’amour (LES SONGES ET LES FLEURS), Publiée d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1821 (signée : Mile Marceline Desbordes) avec musique de Caroline Martainville. Cette élégie se retrouve dans l’Album n.° 13 de la Bibliothèque de Douai ; elle y est suivie de la mention : "Paris, 1820. Imitation de T. Moore Thomas Moore (1779-1852), ce poète irlandais dont Mme Desbordes-Valmore fit plusieurs imitations, est l’auteur de Irish Melodies (1807) que John Stevenson mit en musique, de Na- tional Airs (1815) et de Sacred Songs (1816). Ces ceuvres va- lurent à leur auteur une grande popularité, que consacra en 1817 la publication de Lalla Rookh, poème oriental. C’est à Moore que Lord Byron avait confié le manuscrit de ses mé- moires ; Moore vendit le manuscrit à un libraire, puis le racheta et le brûla pour qu’il ne fut pas imprimé. (Bertrand Guégan, ouvrage cité, I, 418). POÉSIES DE 1822 53 Douze romances, parues dans les deux éditions antérieures, avaient été publiées à nouveau, entre temps, dans les almanachs : Viens, mon cher Olivier, j’ai deux mois à te dire (L’AVEU PERMIS) dans l’Almanach des Muses de 1821. O ma vie (DORS, MA MÈRE), dans le Souvenir des Ménestrels de 1821, avec musique de Caroline Martainville. Sur ce lit de roseaux puis-je dormir encore (LE RÉVEIL CRÉOLE) dans l’Hommage aux Dames de 1822, sous le titre : ROMANCE. Embellissez ma triste solitude (IL VA PARLER) dans la Lyre française, 1822, avec musique de Lechallier, et sous le titre : GAGE D’AMOUR. O douce poésie (A LA POÉSIE), dans l’Almanach des Demoiselles de 1822, sous le titre : STANCES A LA PŒSIE (signée : Mme Marceline Desbordes). Comme une vaine erreur (L’ESPÉRANCE), dans la Lyre française, 1822, avec musique d’Ed. Brugnière, sous le titre : O DOUCE CHIMÈRE. Quand l’amitié tremblante (REPRENDS TON BIEN), dans la Guir- lande des Dames de 1821, où elle est dédiée " à M. le docteur Alibert „, ; cette pièce est accompagnée d’une musique de F. Dupierge. Avec ta gente mie (LE TROUBADOUR EN VOYAGE), dans l’Hom- mage aux Dames de 1820. Tout pour l’amour (L’ÉCHO), dans l’Almanach des Demoiselles de 1822 (signée : Dame Desbordes Valmore). Distraite et malheureuse (CLEMENTINE), dans le Chansonnier des Graces de 1820. Ah ! que le monde est difficile (L’ÉTRANGÈRE) dans le Chansonnier des Graces de 1821 et dans la Lyre française, 1822, avec musique de J. B. Woët. La romance Sur ce lit de roseaux, puis-je dormir encore est intitulée dans cette édition : LE REVEIL, au lieu de : RÉVEIL CRÉOLE (1820). Tes mépris, ton inconstance (A UN TROMPEUR) devient : LE VŒU. Laure offrait à genoux (LA PRIÈRE DE LAURE) devient : LA PRIÈRE. CINQ" POÉSIES DIVERSES, (12-16) : 12. A l’heure où s’éteignait le chant de l’alouette (LE PASTEUR). 54 POÉSIES DE 1822 13. On accourt, on veut voir la mère infortunée (UNE MÈRE, imitation de Shakespeare). Publiée d’abord dans l’Al- manach des Muses de Lyon et du Midi de la France, 1822). Cette poésie et la suivante, parues dans des recueils et en volume au cours de l’année 1822, prouvent que Marceline ne s’associa point au mouvement d’anglophobie, qui se des- sina à Paris dans les milieux artistiques, à l’occasion de re- présentations shakespeariennes organisées à la Porte Saint- Martin par une troupe anglaise : "C’est une date peu hono- rable dans notre histoire littéraire et qu’il faudrait effacer, mais à la condition que le fait ne se reproduisît jamais Ainsi s’est exprimé Sainte-Beuve à propos de ces représen- tations tumultueuses, où les acteurs furent "bombardés de pommes de terre, de noix, d’œufs et de gros sous. 14. Par mon baptême, ô ma mère (LE PETIT ARTHUR DE BRETAGNE A LA TOUR DE ROUEN). Cette pièce parut d’abord dans l’Almanach des Muses de Lyon et du Midi de la France, 1822 ; dans l’Almanach des Muses de 1822, avec le sous-titre : "imitation de Shakespeare ; et dans l’Almanach des Dames de 1822. Arthur de Bretagne, comte d’Anjou, neveu de Richard Cœur de Lion, fut assassiné en 1202 par Jean-sans-terre, son oncle, frère puiné de Geoffroy, père d’Arthur. Le jeune prince avait à peine atteint sa quinzième année. 15. Voyageuse de l’air, mouche bleue et gentille (LA MOUCHE). 16. Un tout petit enfant s’en allait à l’école (L’ÉCOLIER). Publiée d’abord dans les Tablettes historiques et littéraires de Lyon, 1822, et dans l’Almanach des Muses de Lyon et du Midi de la France, 1822. M. Lucien Descaves pense que ce sont ses propres im- pressions que Marceline a évoquées ici : "Le petit serpent de POÉSIES DE 1822 turbulence, qu’était celle-ci, enfant, se dérobait le plus possi- ble aux leçons ou bien y apportait une inattention soutenue. Le livre avait tort… Elle était en quelque sorte fortifiée dans son inapplication par sa mère elle-même, qui défendait de la faire savante. Elle déclarait : "L’enfant sait tout, qui dit à son ange gardien : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien., 55 (Lucien Descaves, La vie douloureuse de Marceline Desbordes- Valmore). Une petite poésie qu’on peut lire dans un album manuscrit de la Bibliothèque de Douai (album nº 3, f. 71), exprime une pensée analogue : "Danse petit enfant, danse sur nos genoux, Ne pense pas encor : Dieu pense assez pour nous ! Deux pièces, publiées antérieurement, avaient reparu entre temps dans l’Almanach des Muses de 1821. Ce sont : Adieu Muse, on me marie (UN BEAU JOUR) ; C’était jadis, pour un peu d’or (CONTE IMITÉ DE L’ARABE). Cette pièce était classée parmi les Elégies dans les recueils de 1819 et de 1820. Par contre, deux romances de 1819 et de 1820 ont été supprimées dans l’édition de 1822. Ce sont : N’as plus pouvoir dormir tout près toi dans cabane (CHANSON CREOLE) et l’Amour lui-même avait formé Sophie (JONE ET SOPHIE).