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Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore/04

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IV.

ÉLÉGIES DE 1825



IV.

ÉLÉGIES DE 1825 ÉLÉGIES || ET || POÉSIES NOUVELLES, || par Mme Desbor- des Valmore. || Paris, || chez Ladvocat, libraire || MDCCCXXV.(1) In-12 de 2 feuillets préliminaires non chiffrés (faux-titre portant au verso : Imprimerie de Firmin-Didot, Imprimeur du Roi, rue Jacob, n° 24 ; titre imprimé, blanc au verso) et 248 pages ; les 4 dernières occupées par la table. Couverture rose (ou gris verdâtre) imprimée, répétant le titre dans un enca- drement. Publié à 4 francs. (1) Le 4 mars 1830, Marceline écrivait à propos de ses Élégies, à son amie Caroline Branchu : A vous dire la vérité, Caroline, je n’ai pas eu de bonheur d’attacher de prix à ces pauvres élégies dont vous me parlez avec bonté. Je les ai toutes écrites devant les murailles de ma chambre et comme si je disais un peu de mes ennuis qui n’intéressaient personne. Je n’avais aucune éducation littéraire, et il y a cent choses de travers qui me causeraient maintenant de la honte et du chagrin, si je n’etais absorbée dans d’autres pensées. Je vous les offre de bon caur, telles qu’elles sont, et je suis affligée d’avoir su trop tard un désir que je n’aurais pas osé espérer. Votre beau nom, qui m’a toujours été si cher, n’y sera done pas pour cette édition qui était imprimée, et ce sera pour la prochaine. Je vous saurai un gré éternel de me l’avoir demandé. Que pouviez-vous me dire qui me prouvât davantage que vous m’aimez comme je vous aime ?, , (Publié par Ben- jamin Rivière dans la Correspondance intime). 60 POÉSIES DE 1825 Enregistré dans la Bibliographie de la France le 11 dé- cembre 1824 (1). ÉDITION ORIGINALE, contenant 56 pièces, toutes inédites en volume, soit : VINGT ÉLÉGIES (1-20) : 1. Le printemps est si beau ! Sa chaleur embaumée (LE PRINTEMPS). 2. Il m’aima. C’est alors que sa voix adorée (L’ATTENTE). En juin 1833, son ami Gergerès s’entremit pour faire im- primer cette pièce dans La Gironde, la nouvelle revue bor- delaise de Lacour. 3. Ne viens pas, non ! Punis ton injuste maîtresse (L’IM- PATIENCE). 4. Dans la paix triste et profonde (L’INDISCRET). Le secret de Marceline fut connu, sans doute, de bien des gens, qui n’avaient rien de plus pressé que d’entretenir la pauvre femme des tromperies de son amant. Pour la première fois, Marceline se laisse ici emporter par la colère, jusqu’à réunir dans ses malédictions l’amant et l’indiscret et leur re- procher amèrement le mal qu’ils lui font. E. Géraud, poète et critique bordelais, a parlé de cette élégie dans les Annales de la Littérature et des Arts du 12 février 1825. 5. Pour la douzième fois, hier, sur ma demeure (LA FÊTE). 6. Quoi ! ce n’est plus pour lui, ce n’est plus pour l’at- tendre (L’ISOLEMENT). 7. Mes yeux rendus à la lumière (L’ACCABLEMENT). 8. Quand il pâlit un soir et que sa voix tremblante (SOU- VENIR). (1) "No 6547. Élégies et poésies nouvelles. Par Mme Desbordes-Valmore. In-18 de 7 feuilles. Imprim de F. Didot, à Paris. A Paris, chez Ladvocat. 22 POÉSIES DE 1825 61 9. Ah ! prends garde à l’amour, il menace ta vie (A Me GEORGINA NAIRAC). Marceline avait été introduite grâce à Sophie Gay qui l’avait recommandée à la maîtresse de maison, dans ce salon de la rue du Palais Gallien, 27, où se retrouvaient tous les beaux esprits de Bordeaux (Courteault, Madame Desbordes-Valmore à Bordeaux). Voici, d’ailleurs, une lettre où Sophie Gay dépeint à Mar- celine la famille Nairac (avril 1823) : "Je vous adresse une petite lettre pour mon ancienne amie, Mme Nairac. C’est la meilleure, la plus fidèle qui soit au monde, et le malheur ne l’a pas épargnée plus que nous. Un fils de vingt ans est mort dans ses bras, il y a dix-huit mois:c’était son enfant chéri. Vous comprenez sa douleur. Il lui reste une fille excellente, quoique d’une couleur un peu exagérée; mais c’est celle du pays, et, d’ailleurs, cette couleur ne ternit aucune de ses qua- lités. C’est la folie d’une jeunesse malheureuse, car cette bonne fille est née avec cent mille livres de rente, et elle ne se marie pas, aujourd’hui, parce qu’elle n’a pas de dot., C’est dans le salon de l’armateur Nairac que Marceline rencontra le poète Edmond Géraud et Alfred de Vigny qui l’appelait " le plus grand esprit féminin de ce temps., , Mar- celine avait une affection profonde pour Georgina Nairac, cette "fille excellente quoique d’une couleur un peu exagérée, dont parle Sophie Gay ; et elle n’oublia jamais les tendres entretiens qu’elle avait eus avec sa jeune amie sous les om- brages de Lormont, la propriété que les Nairac possédaient sur les bords de la Garonne. Georgina mourut le 6 janvier 1825 (Cf. Bertrand Guégan, ouvrage cité, t. I., p. 408). 10. Son image comme un songe (SOUVENIR). Dans les Annales de la Littérature et des Arts (12 fé- vrier 1825), Géraud déclare que cette élégie " est écrite d’un style qui respire la passion sans blesser la justesse. „ 11 11. Que veux-tu ? je l’aimais. Lui seul savait me plaire (A MA SŒUR). & 62 POÉSIES DE 1825 Sophie Gay écrivait à Marceline le 25 décembre 1822 : "M. de Vigny me relisait, l’autre soir, votre charmante élégie : Que veux-tu ? je l’aimais… ! Il en était comme nous dans l’en- chantement. Je répète souvent : Que l’amour a de pleurs quand il est dédaigné ! «  Le vers » Tout change, il a changé, est une variante ma- gnifique du fameux vers de Lamartine : Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. 12. Qu’ai-je appris, le sais-tu ? Sa vie est menacée (A MA SŒUR). Après sa première rupture avec Marceline, l’amant est parti en voyage, et il vient de rentrer, gravement malade. Marceline exprime ici toute l’inquiétude et le désespoir que lui cause cette nouvelle. 13. Vous dont l’austérité condamne la tristesse (POINT D’ADIEU). Marceline ne cessa jamais de croire, et l’idée de l’éternité allégea souvent ses peines. Cette pensée se mêlait chez elle aux incidents les plus divers de la vie. C’est ainsi qu’un jour elle écrivit à Valmore : "Mes dents qui te charmaient, me font bien souffrir. Mais sois tranquille : nous en aurons un jour de plus durables. Je ne comprends bien que l’éternité, et je t’aime trop pour ne pas la souhaiter ardemment avec toi…., , (Paris, 25 février 1840). 14. Que j’aimais à te voir, à t’attendre, Albertine ! (AL- BERTINE). Albertine, dira Lucien Descaves, nous apparaît dans dix élégies "comme sur autant de petites médailles frappées à son effigie. (Voir la note sur Les deux amitiés). 15. Toujours je pleure au nom de mon enfant (SOUVENIR). POÉSIES DE 1825 En 1821, la Minerve littéraire (p. 49) et l’Almanach dédié aux dames pour l’année 1822 publiaient le poème suivant de H. de Latouche : A MME DESBORDES-VALMORE Ton sexe, à qui l’Amour a décerné l’empire, Sait triompher encor aux combats de la lyre. Comme elle (Corinne) tu vivras dans un long souvenir : Soit qu’Amour, dans tes chants dictés pour l’avenir, Célèbre sa douceur et ses lois éternelles, Soit que tes vers, trempés de larmes maternelles, De ton fils qui n’est plus consolent le tombeau, Ton fils, ange du ciel et si jeune et si beau ! Tel le bouton naissant, fugitive espérance, Cache un ver ennemi qui le ronge en silence : La nymphe qui, la veille, admirait ses couleurs, Ne le retrouve plus en visitant ces fleurs. 63 12 Marceline éprouvait la plus grande difficulté à trouver des titres pour ses poésies. Voilà pourquoi nous avons tant de Souvenir, tant d’A ma sœur, etc… D’ailleurs elle l’avoue elle-même à Duthilloul en lui envoyant des vers (11 octo- bre 1829) "… Vous trouverez une romance inédite dans ma lettre, et je vous prie de lui donner un titre, car je ne sais jamais en trouver (Collection de la Bibliothèque de Douai). 16. " Mère, petite mère Il m’appelait ainsi (LE RÊVE DE MON ENFANT). Dédié " à Madame Pauline Duchambge, ,. Marie-Barbe-Charlotte-Antoinette Pauline du Montet était née à la Martinique vers 1778. Elle épousa vers 1796 Désiré Duchambge, trésorier général de la Martinique, qui était d’ori- gine douaisienne. Elle le quitta par amour pour le composi- teur Auber. Mais cet homme, à qui ses succès théâtraux va- laient d’innombrables conquêtes, abandonna bientôt la pauvre 64 POÉSIES DE 1825 Pauline. Celle-ci ne s’en consola jamais et, comme Marceline durant sa vie entière, elle porta, si l’on peut dire, son cœur en écharpe. D’après Lucien Descaves, Pauline et Marceline se seraient connues entre 1817 et 1820 ; d’après M. Jacques Boulenger, elles se connaissaient "au temps de la liaison de Me Desbor- des. " Nous penchons pour cette seconde hypothèse, que la dédicace de cette élégie nous paraît confirmer ; en effet, il y a toujours chez Marceline un rapport étroit entre le sujet de ses poésies et la personne à qui elle le dédie. Pauline Duchambge, qui mourut dans la plus grande pauvreté, a composé des ro- mances célèbres et des pièces pour le piano et la guitare. Nous reparlerons d’elle à propos de l’amitié touchante qui unissait la poètesse et la musicienne. 17. Te souvient-il, ma sœur, du rempart solitaire (LA GUIR- LANDE DE ROSE-MARIE). Publiée d’abord dans La Muse Française (1823). Une pièce intitulée La Rose flamande et recueillie dans les Poésies posthumes de 1860, nous apporte quelques rensei- gnements sur cette Rose-Marie qui fut, avec Albertine Gantier, une des premières amies de Marceline. Elle s’appelait Rose Dassonville et habitait à Douai, rue de la Maison-de-Ville. Si ces renseignements sont bien vagues, ceux que Marceline nous donne dans la Guirlande sur sa propre enfance, sont inexacts en partie. Ainsi elle raconte qu’elle avait quitté Douai à douze ans (c’est-à-dire vers 1798) et qu’elle y était revenue deux ans après. Or nous savons que Marceline n’est revenue de la Gua- deloupe qu’en Novembre 1802. Par conséquent, Marceline s’est rajeunie de deux ans dans cette pièce, ou bien son absence a duré quatre ans. Quand elle revint à Douai, elle ne retrouva plus son frère qui s’était engagé dans l’armée. Son père oc- cupait encore sa vieille maison natale avec ses deux sœurs, et la famille était plongée dans la plus affreuse misère. Marceline ne retrouva pas, non plus, son amie Rose-Marie qui venait de mourir et dont la mère ne la reconnut même pas. POÉSIES DE 1825 65 La Guirlande de Rose-Marie est transcrite dans l’Album n° 7 de la Bibliothèque de Douai. Elle est suivie de cette note de la main de Marceline : "Pauvre petite ! j’ai su par sa mère qu’elle m’avait appelée presqu’en mourant. Ce souvenir m’a toujours poursuivie., , 18. Vous dont la voix absente enhardit mon courage (A MADAME SOPHIE GAY). Cette pièce se trouve dans l’Album n° 7 de la Bibliothèque de Douai ; elle y est datée de " Lyon, octobre 1822. 11 Madame Sophie Gay (1776-1823) était plutôt une femme du monde qu’une femme de lettres. Elle fut de la pléiade des Grâces du Directoire et trôna dix ans à Aix-la-Chapelle où son mari était receveur général de l’Empire. Revenue à Paris, Sophie Gay ouvrit un salon qui connut une grande vogue sous le règne de Louis-Philippe. C’est en 1822, à Lyon, qu’elle rencontra pour la première fois Mme Desbordes-Valmore ; le 24 octobre 1822, peu après son retour à Paris, elle lui écrivait : "Et moi aussi je suis triste. Je regrette et j’ai la férocité de me plaire à vous savoir de même, ma chère Marceline (car votre Madame m’est odieux et je vous prie de la garder pour vos connaissances). Oui, le souvenir de notre dernier entretien dans ce petit salon où il y avait tant de gens et personne, je le conserverai éternelle- ment. Il m’a semblé que je vous entendais même dans ce que vous ne disiez pas et que je vous laissais voir ce que je ne m’étais pas avoué à moi-même. Jamais je ne me suis trouvée sous l’empire d’un charme pareil, et je ne voudrais pas, pour rien au monde, m’exposer à vous voir le jour où j’aurais un secret à cacher. La moindre flatterie de votre cœur vous ou- vrirait le mien, et l’imbécile laisserait tomber sa proie… En voilà bien long ! C’est pour vous encourager à me dire tout ce qui vous passera par la tête et le cœur, comme sur ce petit canapé où les vers, les larmes, le crêpe rose, tout fournissait à notre causerie…. Et voici la lettre par laquelle Sophie Gay remerciait Mar- celine de lui avoir dédié ces vers (Paris, 2 février 1823) : "Quels G. Cavallucci— Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore 5 66 POÉSIES DE 1825 vers divins, chère Marceline ! Qu’ils vous ressemblent et que je suis fière de les avoir inspirés ! Jamais émotion plus douce n’a pénétré mon cœur. Car c’est à mon amitié pour vous que je les dois ; c’est à ce sentiment que je voulais fuir, qui m’a tant blessée, et dont je ne médisais si vivement avec vous que parce que je le sentais s’emparer de moi. Mais je n’en médis plus, et le bonheur que j’en recueille aujourd’hui, m’ôte jusqu’au souvenir de ce bienfait, et dites-vous : "Je console un cour malheureux, (Note de Bertrand Guégan, ouvrage cité). 19. On avait couronné la vierge moissonneuse (LE VIEUX CRIEUR DU RHÔNE). Publiée d’abord dans le Réveil (octobre 1822), dans les Tablettes historiques et littéraires de la ville de Lyon (23 no- vembre 1822 ; titre : Le crieur du Rhône), dans l’Almanach des Muses de Lyon et du Midi de la France, 1823 (Titre : Le crieur du Rhône), dans l’Almanach des Muses de 1823 (titre : L’aveugle ou le crieur du Rhône), dans les Tablettes roman- tiques de 1823 et dans l’Album des poètes contemporains (1824). C’est dans les termes suivants que Sophie Gay annonce à Marceline la publication de cette poésie dans le Réveil : "… J’ai à vous instruire de l’apparition de votre Crieur du Rhône dans le Réveil. Un peu surprise de le rencontrer là et, craignant d’être soupçonnée d’une indiscrétion dont je rou- girais, j’ai demandé à l’un des rédacteurs de ce journal qui leur avait procuré cette bonne fortune. Il m’a répondu qu’il tenait cette romance d’un ami de M. Alibert à qui vous l’avez envoyée. Ainsi n’accusez que lui du succès qu’elle obtient déjà., (Paris 24 Octobre 1822). 20. Le vieux crieur allait contant l’histoire (LA SUITE DU VIEUX CRIEUR DU RHÔNE). Cette pièce avait paru d’abord dans la Muse française (1823-1824). POÉSIES DE 1825 67 QUATRE IDYLLES (21-24) : 21. Et moi je n’aime plus la fontaine d’eau vive (LA FON- TAINE). 22. Ce jour si beau, ma mère, était-ce un jour de fête (UNE JEUNE FILLE ET SA MÈRE). 23. Eh quoi ! c’est donc ainsi que tu devais m’attendre (LA VISITE AU HAMEAU). Dans l’Album n° 7 de la Bibliothèque de Douai, cette poésie est intitulée : Le Matin ou le rendez-vous des deux amies. Marceline y raconte une visite qu’elle fit à sa fille Ondine, alors âgée de six mois, en compagnie de Betzi Vinay, fille du médecin du Grand Théâtre de Lyon (Ondine était en nourrice dans les environs de Lyon). Sophie Gay écrivit à Marceline à propos de cette idylle : "Paris, 2 mars 1823. Les vers que Betzi vous a inspirés nous ravissent. Notre jeune mère Elisa (Mme O’Donnel, fille de Sophie Gay) pleure du plus tendre de son âme en répétant:Me condamner jalouse à la reconnais- sance; car elle n’a pas nourri son premier enfant. D’où vient que ces derniers vers me causent plus d’émotion que tous les autres ? C’est, sans doute, parce qu’ils me transportent, comme par magie, dans ce petit salon où je les entendis à travers des voix indifférentes. C’était un chant mélodieux qui se mêlait au bruit d’un orchestre indifférent. C’était la confidence d’un cœur à un autre:rien ne m’a jamais paru plus intime. Cepen- dant, ce jour-là, quatre de ces vers m’ont échappé, ou vous ne me les avez pas dits; car ils m’ont frappée de surprise Devinez-les et, si vous m’en parlez franchement, vous verrez à ma réponse qu’ils ont encore ajouté à tout ce que j’éprouve pour vous. " L’âge d’Ondine dans la Visite au hameau, date cette pièce du printemps de 1822. 24. Venez mes chers petits, venez mes jeunes âmes (LE SOIR D’ÉTÉ). 68 POÉSIES DE 1825 VINGT-TROIS ROMANCES (25-47) : 25. Dans la foule, Olivier, ne viens plus me surprendre (LE SECRET). Parue dans le Chansonnier des Grâces de 1825. 26. J’eus en ma vie un si beau jour (LE BEAU JOUR). 27. Qu’as-tu fait d’un aveu doux à ton espérance ? (LA JALOUSIE). 28. Il m’attend : je ne sais quelle mélancolie (LE RENDEZ- VOUS). Parue d’abord dans le Chansonnier des Grâces de 1825. M. Bertrand Guégan a bien voulu nous remettre une lettre de M. Quidant relative à cette romance, lettre qu’il tenait de son cher et regretté ami Albert Caplain. "Je tiens de mon père, écrit M. Quidant, une petite aventure romanesque que l’auteur de mes jours eut avec Marceline Desbordes-Valmore. La voici : "En 1840, un jeune musicien s’éprit follement de Marce- line qui, elle ne partageant nullement cet amour insensé, envoya une charmante pièce de vers à son adorateur. Mais le piquant de l’aventure est l’esprit avec lequel la tendre et douloureuse Marceline choisit le titre : Il m’attend. Hélas ! c’est ce que fit toute sa vie l’infortuné amoureux, qui pour se consoler mit en musique la romance… Albert Caplain possédait, en effet, cette romance, qui portait la signature d’Alfred Quidant. " 29. Seule avec toi dans ce bocage sombre (LE SOIR). 30. Hélas ! que les vieillards savent de tristes choses ! (LES SERMENTS). 31. Il m’a demandé l’heure, oh ! le triste présage (BONSOIR). 32. Dans sa course brûlante (L’ORAGE). 33. Le ciel sera-t-il beau demain ? (QUE JE TE PLAINS). POÉSIES DE 1825 69 34. Il le faut, je renonce à toi (LA SÉPARATION). 35. Si ta marche attristée (C’EST MOI). 36. Un moment suffira pour payer une année (UN MOMENT). 37. Hélas ! que je dois à vos soins ! (LA RECONNAISSANCE). Parue d’abord dans la Collection de romances chanson- nettes et nocturnes de A. Romagnési (2e volume, 1824), sous le titre La pénible reconnaissance, puis en 1825 dans l’Album lyrique, avec la même musique. 38. S’il avait su quelle âme il a blessée (S’IL AVAIT SU). 39. Désirer sans espoir (ON ME L’A DIT). 40. Sans oublier, on peut fuir ce qu’on aime (SANS OUBLIER). 41. Heureuses pastourelles ! (CELLE QUI NE RIT PAS). 42. Je ne sais plus d’où naissait ma colère (JE NE SAIS PLUS, JE NE VEUX PLUS). 43. Le soleil de la nuit éclaire la montagne (LA VEILLÉE DU NÈGRE). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1824, sous le titre Le naufragé, avec musique de Ch. Plantade ; puis dans l’Hommage aux Dames de 1825 et dans les Annales romantiques de 1825. Dans l’Album n° 7 de la Bibliothèque de Douai, au feuillet 77 il y a un dessin que Constant Des- bordes a exécuté pour " Le naufragé ou la veillée du nègre „i ce dessin est daté de septembre 1823. 44. Bon captif, la fée Urgande (A M. BÉRANGER). "Poursuivi devant la Cour d’Assises de la Seine pour les chansons anti-royalistes et anti-cléricales de son second recueil (Chansons, 1821, 2 volumes, in-18), Béranger avait été con70 . POÉSIES DE 1825 damné, le 8 décembre 1821, à trois mois de prison et 500 francs d’amende. La reproduction des chansons incriminées et la réu- nion des débats en volume attirèrent à l’auteur un second procès au cours de sa détention. Mais le jury donna raison à l’avocat Dupin et à Berville qui plaidait pour l’imprimeur. „ (Bertrand Guégan, ouvrage cité). 45. Il est un bosquet sombre où se cache la rose (CHANT D’UNE JEUNE ESCLAVE, imité de Moore). Publiée dans le Chansonnier des Grâces de 1821, sous le titre : Le fleuve Bendémir et dans l’Hommage aux Demoiselles de 1825, sous son titre définitif. Dans l’Album nº 13 de la Bi- bliothèque de Douai on retrouve cette pièce avec la mention : "Paris, 1820 11* 46. Un barde a vu sa reine fugitive (UNE REINE). Dans l’Album n° 7 de la Bibliothèque de Douai, cette pièce est suivie de la mention : "1820, dans l’automne. 47. De Thalie (A MADEMOISELLE MARS). Publiée d’abord dans le Souvenir des Ménestrels de 1821 avec musique de F. Paër. Anne-Françoise-Hippolyte Boutet, dite Mars cadette, était née à Rouen en 1778. Elle débuta au théâtre Feydeau et entra en 1799 à la Comédie Française, où elle s’acquit une juste cé- lébrité par ses interprétations inimitables de Molière, de Ma- rivaux et de Beaumarchais. Dans un des articles qu’il a con- sacré à Mme Desbordes-Valmore, Edouard Fétis écrit : " C’est à Bruxelles, en 1818, que les deux artistes se rencontrèrent et que des relations d’intimité s’établirent entre elles. Mlle Mars vint donner à la Monnaie une série de représentations, ayant dans presque chacune d’elles, pour la seconder, Mme Desbor- des-Valmore, dont le talent sympathique et la distinction per- sonnelle lui inspirèrent un attachement pour toute la vie., (Indépendance Belge, 27 août 1893). De son côté, Marceline avait pour M¹le Mars une affection et une admiration très grandes. Dans l’Atelier d’un peintre, ce roman où elle se met en scène POÉSIES DE 1825 71 sous le nom d’Ondine, elle décrit avec enthousiasme la grande actrice à la voix merveilleuse. La jeune fille avait accompagné son oncle Constant à la Comédie-Française pour entendre Talma dans Hamlet. Une autre pièce fut jouée où elle entendait pour la première fois Mars. "Elle était bien belle cette femme ; car Ondine la laissa régner sur sa tristesse tout le temps qu’elle apparut, tout le temps qu’elle parla. Il est vrai que c’était ra- vissant d’entendre parler ainsi, jamais voix humaine n’a recélé tant d’attraction et de puissance. M. Léonard (1) rêva qu’il écoutait la voix jeune et limpide de Marianne ; Ondine ne put la comparer à rien ; elle se grava unique, inoubliable, au fond de sa mémoire !, 11 Quelques pages plus loin, Ondine rêve à Me Mars : "Dieu ! qu’elle était belle avec ses grands yeux noirs pleins d’étoiles et de rayons !….. Cette voix où l’on croit entendre rouler des perles !….. (Atelier d’un peintre, tome II, ch. VIII). SIX CONTES (48-53): 48. Venez bien près, plus près qu’on ne puisse m’entendre (LE PETIT MENTEUR). Paru d’abord dans la Muse française, 1823; dans l’Hom- mage aux Demoiselles de 1824, et dans l’Abeille du Parnasse, sans date. 49. Au fond d’une vallée où s’éveillaient les fleurs (LES DEUX ABEILLES). Paru d’abord dans l’Hommage aux Demoiselles de 1825 (2). Cette poésie est dédiée par Marceline à son oncle, Cons- tant Desbordes. Né à Douai le 1 février 1761, Constant Des- (1) Constant Desbordes. ce En (2) Nous connaissons une poésie (inédite) de Marceline, intitulée : Les abeilles de Madame de Genlis (Collection Maurice Delort). Cette pièce de 32 vers, écrite à Lyon, est un dialogue entre la jeune fille et les abeilles. Il se peut que soit une pièce de circonstance, un texte de cantate qui ait été mis en musique. tout cas, les Abeilles de Madame de Genlis n’ont aucun rapport avec les Deux abeilles. 72 POÉSIES DE 1825 bordes montra de bonne heure des dispositions pour le dessin. Dès qu’il eut atteint sa seizième année, il vint à Paris étudier la peinture sous la direction de Nicolas Brenet qui fut le maître de Gérard. Marceline l’a décrit longuement dans l’Atelier d’un peintre sous le nom de Léonard ; elle l’y représente comme un bonhomme au cœur d’or, un peu rude, vertueux, très pauvre, naïf, désintéressé, ne vivant que pour son art : type rebattu et que l’on voit d’ici, mais qui se caractérise par une grande piété et gravité de mœurs (J. Boulenger). Marceline nous décrit aussi dans son roman l’atelier de son oncle : il était situé dans un cloître en ruines, dont on voyait encore les restes en 1864, et où habitaient une douzaine de peintres, parmi lesquels Girodet, pour qui l’oncle Constant avait une vénération extrême. Cons- tant Desbordes fit plusieurs fois le portrait de Marceline. La première fois qu’il peignit sa nièce, celle-ci n’avait que quatre ans. Voici d’ailleurs la description charmante que Marceline a faite de ces séances de pose dans l’Atelier d’un peintre : "Vous étiez haute comme ma grande boîte à couleurs (c’est l’oncle qui parle), quand je faisais votre portrait, vous assise sur votre petite chaise, tenant gravement votre poupée dans vos bras et lui faisant manger vos gâteaux, que vous digériez fort bien toute seule, généreuse enfant… J’ai gardé ce petit portrait, curieux d’époque et de contraste. Je crains seulement qu’il ne vous rappelle ce que je vous chantais alors sur vos trois vêtements du matin, qui n’étaient jamais de la même lon- gueur. Vous en ressouvenez-vous ? — Non, mon oncle. C’est étonnant, car ce fut une de vos premières douleurs de coquet- terie. Elle était déjà manifeste, et vous aviez quatre ans ! Et comme j’étais plus gai qu’à présent, j’essayais de fouetter votre amour-propre en chantant : Elle est à trois étages Dans son ajustement. - D’abord ma satyre vous rendait immobile et comme vous étiez attentive et oppressée, je reprenais plus fort : Elle est à trois étages Dans son ajustement. POÉSIES DE 1825 73 Votre mère me lançait des yeux… de mère quand on s’at- taque à sa progéniture ; et vous alliez vous réfugier à l’ombre de sa jupe et vous osiez de là me crier : "Non !, , Vous sentiez que c’était un refrain salutaire. Alors, quand vous cachiez votre figure rouge et en larmes dans les genoux de votre faible mère qui m’eût battu de bon cœur, je dansais autour de vous deux, en chantant de toutes mes forces : Dans son ajustement ! Dans son ajustement !, Marceline avait une affection immense pour cet oncle, bien qu’il eût été trés sévère pour elle et qu’il ne lui eût pardonné que très tard sa " faute, de jeunesse (Voir la note du Pauvre Pierre). Constant Desbordes eut une vieillesse triste et besogneuse. Il mourut le 30 avril 1828. Quand Marceline, qui se trouvait à Lyon, apprit cette nouveile, elle lui écrivit cette lettre étrange et bouleversante, et qui n’a d’autre pendant dans la littérature que la lettre qu’Eugénie de Guérin écrivit dix ans plus tard à son frère mort : "Mon oncle ! — Adieu, mon oncle ! — Il y a une heure que je le sais. Tout est fini. — Adieu !… "Et j’ouvrais cette lettre sans défiance, car celle d’avant- hier m’avait tranquillisée. Vous étiez mieux, mon oncle. Je ne craignais rien en rompant ce cachet. Je cherchais une nouvelle certitude de votre convalescence. Hélas ! mon Dieu, à la se- conde ligne, j’ai reçu un coup dans le cœeur, je l’ai reconnu ! J’ai cru sentir des fils se casser dans ma tête et un nuage a passé sur moi. — Adieu, mon oncle ! — Mais regardez-moi main- tenant des yeux de votre âme qui m’a tant aimée. "Vous êtes bien sûr que je vous l’ai bien rendu. —Quel lien se brise pour moi ! Comme je sens qu’il a commencé avec ma vie, mon oncle ! J’étouffe de la douleur de ne pas vous avoir revu. Mais regardez-moi bien jusqu’au fond du cœur, ai-je assez souffert de vos peines ? Elles entraient dans les mien- nes, elles pèseront toujours sur ma mémoire et troubleront jusqu’à la douleur de votre souvenir ! Vous avez été bien mal74 POÉSIES DE 1825 heureux ! Mes enfants m’ont vue pâlir et chanceler, mais ils n’ont pleuré d’abord qu’à me voir pleurer. Je n’ai rien dit. Comment trouver le courage de frapper, même l’enfance, par un mot ?…. Adieu, mon oncle ! Avez-vous revu votre mère ? Embras- sez aussi mon père pour moi. Vous êtes bien heureux, bien exaucé si vous les avez revus. Moi, je suis bien triste ! Je suis atteinte jusque dans l’avenir. Je demandais si ardemment à Dieu de vous y trouver ! de vous y payer du chagrin de mon ab- sence ! Dieu ne m’aime pas… Qu’il vous reçoive dans son sein ! Adieu, mon oncle !.. "Quel désespoir ! Quoi ! Je ne partirai pas pour courir vers vous ? Non ! Il n’y a plus que votre ombre qui vient me tendre les bras…., , (Lettre publiée par A. Pougin). Le musée de Douai conserve quelques tableaux de Cons- tant Desbordes : un portrait de son père, un portrait de lui- même et une grande composition intitulée : l’Invention de la vaccine qui lui avait été commandée par l’Etat en 1812 ; on y reconnaît le docteur Alibert, Marceline et ses deux scurs Cécile et Eugénie. 50. Tremblante, prise au piège et respirant à peine (LA SOURIS CHEZ UN JUGE). Cette pièce est antérieure au 14 octobre 1823, comme le montre une lettre de Sophie Gay à Marceline, publiée par M. J. Boulenger d’après l’autographe conservé dans le fonds Spoelberch. 51. D’une sourde blessure encor faible et malade (FABLE IMITÉE DU RUSSE). "Fables russes tirées du recueil de M. Kriloff et imitées en vers français et italiens par divers auteurs… publiées par M. le comte d’Orloff, Paris, Bossange, 1825 (2 volumes in-8")., Tel est le titre du recueil pour lequel Marceline avait été in- vitée de mettre en vers français une fable russe dont on lui avait fourni le canevas. Plusieurs poètes français y avaient colPOÉSIES DE 1825 75 laboré, parmi lesquels nous citerons : Arnauld, Soumet, Mme Amable Tastu, Rouget de l’Isle, Delphine et Sophie Gay. Le 4 septembre 1822, cette dernière écrivait à Marceline le billet que voici : "L’Académie a dû vous adresser la fable russe qu’elle vous prie de mettre en vers. J’ai déjà fait la mienne tant bien que mal. Delphine, très fière d’avoir été choisie par ces messieurs pour en traduire une à côté de vous, se dépê- che de finir la sienne…., , Mais la fable de Marceline ne cor- respondait pas aux données ; elle était trop longue et pleine de digressions fastidieuses ; aussi le comte d’Orloff ne la publia point. Dans un Album non numéroté de la Bibliothèque de Douai, cette fable porte pour titre : Le rossignol et l’oiseau grec. 52. Il était dans le monde une goutte d’eau pure (LA GOUTTE D’EAU). Au député Jars, qui lui avait envoyé des remarques sur cette poésie, Marceline écrivait de Bordeaux, le 18 août 1823 : "Vos avis sur cette Goutte d’eau sont d’une grande justesse: je les ai mis à profit, peut-être moins heureusement que je l’aurais dû. Toutefois j’ai corrigé autant que j’ai pu cette moitié qui vous a déplu, et qui me déplaît aussi présentement. Si vous voulez voir le fruit de vos observations, je vous ren- verrai cette pièce et quelques autres sur lesquelles il me faudra vos observations intègres., (Lettre publiée par Arthur Pougin). Malgré les corrections qu’elle subit, cette poésie est restée fort mauvaise; Marceline, qui s’en rendait parfaitement compte, ne l’a jamais réimprimée, ni en recueil, ni en volume. 53. Un bruit de fête agitait mes compagnes (LE BAL DES CHAMPS OU LA CONVALESCENCE). ET TROIS "POÉSIES DIVERSES, (54-56) : 54. Salut ! rivage aimé de ma timide enfance (LE RETOUR A BORDEAUX). 76 POÉSIES DE 1825 S’il fallait en croire Marceline, les liens qui la rattachaient à Bordeaux remonteraient fort haut. Du côté paternel, elle af- firmait être issue d’une famille protestante qui y habitait au XVIIe siècle (Paul Courteault, Mme Desbordes-Valmore à Bordeaux). Ce qui est plus certain, c’est que Marceline vint à Bordeaux avec sa mère vers 1800-1801 afin de s’y embarquer pour la Guadeloupe. 55. Oh ! qu’il ne fût, m’écrivait une amie (LE BILLET D’UNE AMIE). Il est assez vraisemblable que Marceline ait pensé aux malheurs de son amie Pauline Duchambge en écrivant cette poésie. Nous savons, en tout cas, qu’elle envoya ces vers à l’infortunée musicienne, le 3 novembre 1824. 56. Tout perdu dans le soin de ma jeune famille (L’AU- TRUCHE ET LE PÉLICAN).