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Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore/25

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XXV.

POÉSIES INÉDITES
DE 1860




XXV.

POÉSIES INÉDITES
DE 1860



POÉSIES INÉDITES || DE || MADAME DESBORDES-VALMORE || publiées par || M. Gustave Revilliod || Genève || Imprimerie de Jules Fick || 1860.

In-8° de 4 feuillets préliminaires non chiffrés (1 feuillet blanc, faux-titre, titre dans un encadrement gravé sur bois par F. Burillon, titre de la première partie avec le mot Amour dans un petit médaillon floral du même graveur) ; 281 pages, 1 page non chiffrée d’errata au verso de la page 281, et 1 feuillet non chiffré (catalogue des publications de Fick).

Couverture crème imprimée dans un encadrement gravé sur bois (le même que celui du titre). La plupart des exemplaires de cette édition ont été recouverts d’un cartonnage de toile bleue, décoré de fers à froid.

Un certain nombre d’exemplaires ont été brochés sous des couvertures à l’adresse du libraire parisien Dentu.

Il a été tiré quelques exemplaires sur papier vergé teinté.

Édition originale, publiée après la mort de Mme Desbordes-Valmore par Gustave Revilliod. Elle contient 117 pièces qui n’avaient jamais été recueillies en volume, sauf neuf qui sont tirées, soit des Anges de la Famille (7), soit de Pauvres fleurs (2).

Le 31 août 1851, Marceline écrivait à son mari : « Dis à Jacques Langlais qu’en lui prenant les deux mains, je lui crie une prière : c’est que, s’il voit son imprimeur, son éditeur, son libraire, enfin, celui qu’il m’a dit, il persiste à lui dire que j’ai un volume à éditer : le volume de poésies, enfin, que nous avons envoyé à Bruxelles, et qui est arrivé trop tard, m’écrit-on. M.A. Jamar, croyant que j’avais refusé ses offres trop modestes, a entrepris autre chose et recule à son tour l’époque de cette publication. C’est le cas de nouer, s’il se peut, avec la Sarthe et l’Anjou. »

Sept jours après, Marceline mandait encore à son mari : « Si tu revois bientôt Langlais, parle-lui de mes pauvres vers, puisqu’il en faut chercher de l’argent. Je viens d’en faire pour le bibliophile Jacob qui m’en a demandé ardemment pour un Keepsake superbe. »

Deux ans plus tard, le livre n’était pas encore placé, bien que Brizeux s’y fût employé avec un dévouement admirable. M. Guégan a conservé la lettre que Marceline écrivit le 16 juin 1853, en réponse à la missive où le poète de Marie et des Bretons lui annonçait l’échec des négociations qu’il avait entreprises :

« Je me sens plus touchée, lui écrivait Marceline, des peines que vous avez prises pour moi, que si vous aviez réussi ; car vous êtes sans la joie de m’avoir secourue. Pourtant, songez que c’est une extrême douceur de vous sentir intéressé à mes grands ennuis; mais vous n’aurez plus à vous y intéresser d’ici longtemps. Il sera bon de laisser oublier ce pauvre livre et le besoin que j’avais d’en faire… un peu de ce qui coûte si cher dans la vie. Peut-on mettre son salut sur une si petite planche ? Mais le naufrage explique tout.

« À vous humble et sincère tant que je serai

Marceline Desbordes-Valmore »

Les dernières poésies de Marceline ne parurent que sept ans plus tard, un an après la mort de la poétesse : c’est l’édition Fick que prépara G. Revilliod, l’un des plus ardents admirateurs de Mme Desbordes-Valmore.

Amour

1. Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire (UNE LETTRE DE FEMME).

Verlaine, citant cette pièce dans son étude sur Madame Desbordes-Valmore (Les poètes maudits), écrit pour tout commentaire : « Est-ce assez divin ! »

2. Ce fut un jour pareil à ce beau jour (JOUR D’ORIENT)

Cette poésie se trouve dans l’Album n° 4 de la collection de Douai ; elle y porte la date : 6 juin 1857.

3. Allez en paix, mon cher tourment (ALLEZ EN PAIX).

Cette pièce se trouve dans l’Album n° 4 (Collection de Douai), sous le titre : Jour d’Orient ; elle est datée du 6 juin 1857, comme la précédente.

M. Lucien Descaves cite cette pièce « gracieuse et tendre » dans sa Vie douloureuse, et fait suivre les vers des réflexions que voici : « Cette pièce est datée 6 juin 1857, Mme Valmore a soixante et onze ans ! Et elle y pense encore — toujours !

Et elle s’écrie :

Mais si de la mémoire on ne doit point guérir,
À quoi sert, ô mon âme, à quoi sert de mourir !

N’en avait-elle pas, un jour, averti doucement son mari sous le couvert d’un portrait d’Albertine, l’amie d’enfance à jamais regrettée : « On n’oublie pas. On reste jeune en dedans. Je suis prise quelquefois de transports que je n’ose pas te montrer. Va, l’âme est impérissable, et tout ce qui est gravé dessus l’accompagne à l’éternité. » Ainsi, jusqu’à la fin, se manifestait la survivance du premier amour, et sa fraîcheur, dans un cœur de cristal.

4. Sur la terre où sonne l’heure (LES CLOCHES ET LES LARMES).

5. Hirondelle ! hirondelle ! hirondelle ! (UN CRI).

Marceline envoya cette poésie à Duthillœul, son fidèle ami douaisien, en l’accompagnant de ces quelques mots émouvants : « Vous comprendrez pour la pl… (illisible) l’amertume qui coule encore dans tous mes souvenirs relatifs à mon frère. Il m’est resté plus cher que s’il avait été puissant et riche. Son épreuve a été bien dure, et bien peu d’honneurs ont consolé cet homme ! Comment voulez-vous que j’oublie que vous l’avez regardé avec vos bons yeux sans dédain ? Allez, Monsieur Duthilloul, il s’en ressouvient, où il est ; et Dieu s’en ressouvient aussi, comme je l’ai dit à Monsieur Dubois qui m’a redit ses dernières paroles ! C’est pourquoi je vous envoie cette sorte de ballade sauvage qui m’est sortie du cœur en pensant à tout cela ! » (9 juillet 1855. Lettre inédite de la Bibliothèque de Douai).

La collection d’où nous avons extrait ce billet, nous apprend encore que Marceline envoya la même poésie à Pauline Duchambge, le 15 janvier 1856 ; elle l’intitulait alors : Cri dans l’air.

« Tu dis, chère âme fidèle, que la poésie me console. Elle me tourmente, au contraire, comme une amère ironie. C’est l’indien qui chante tandis qu’on le brûle… »

Enfin, dans l’Album n° 4 de la collection de Douai, Marceline intitule cette poésie : Un cri vers l’Orient !

6. Va-t-il écrire à sa maîtresse (LA FEUILLE VOLÉE).

Dans l’Album nº 3 de la collection de Douai, cette poésie porte le titre : Billet volé par un oiseau.

7. Veux-tu connaître l’avenir (SIMPLE ORACLE).

8. Orages de l’amour, nobles et hauts orages (LES ÉCLAIRS).

9. J’ai voulu, ce matin, te rapporter des roses (LES ROSES DE SAADI).

Cette poésie fut écrite sans doute pour Sainte-Beuve, qui venait de rendre un grand service aux Valmore ; Marceline l’en remercie dans une lettre du 22 février 1848 :

« Voici ce que je pourrais vous dire, véritable Saadi de nos climats : " J’avais dessein de vous rapporter des roses ; mais j’ai été tellement enivrée de leur odeur délicieuse qu’elles ont toutes échappé de mon sein. »

« Si vous saviez quelle détresse cachée vous venez d’adoucir, vous tressailleriez dans votre âme d’une joie divine. Je tremblais quand vous m’avez quittée. Je n’ai pu vous rien dire. Vous étiez aussi très ému, je le crois, et vous deviez l’être, même ignorant l’étendue de la peine que vous veniez secourir. Un pauvre athée n’eût pu résister à cette preuve de l’existence de Dieu. » (Spoelbergh de Lovenjoul, Sainte-Beuve inconnu).

10. Les rumeurs du jardin disent qu’il va pleuvoir (LA JEUNE FILLE ET LE RAMIER).

Sainte-Beuve écrit fort justement du dernier vers (Amants, vous attendez ! de quoi vous plaignez-vous ?) : « Ce dernier vers n’est-il pas un vers oublié de La Fontaine ? » (Causeries du Lundi, XIV).

11. L’eau nous sépare, écoute bien, (L’ENTREVUE AU RUISSEAU).

Cette poésie avait paru dans le Chansonnier des Grâces de 1830 et dans l’Hommage aux Dames de 1833, accompagnée de la musique de Paër.

12. Fontaine, fontaine… (L’IMAGE DANS L’EAU).

13. Pitié de moi ! j’étais l’eau douce (L’EAU DOUCE).

Cette pièce se trouve dans l’Album n° 3 de la Coll. de Douai ; elle porte comme titre : La vie et, comme date : février 1848.

14. Si tu n’as pas perdu cette voix grave et tendre (LA VOIX D’UN AMI).

Le lecteur sait combien Marceline était sensible au timbre de la voix. Cent fois dans sa correspondance et dans ses poèmes elle fait allusion à la voix de Valmore qui était remarquablement belle. La jeune épouse, que la poétesse écrivait en 1820, contient déjà le vers :

Qu’il m’apporte ces mots avec ta voix chérie !

Quand on considère la place que tient la voix de l’amant dans la poésie de Marceline, on est induit à penser que c’est par la beauté de cette voix que la poétesse avait été séduite.

Dans l’Attente, qui fait partie des Élégies de 1825, on rencontre ces vers qui constituent un aveu indiscutable :

« … C’est alors que sa voix adorée
M’éveilla toute entière et m’annonça l’amour. »

Dans le même volume, l’élégie À ma sœur débute par ces mots :

« Que veux-tu ? Je l’aimais. Lui seul savait me plaire.
Ses traits, sa voix, ses vœux lui soumettaient mes vœux… »

Une autre pièce, qui porte encore le titre d’Attente, mais qui figure dans les Pleurs de 1833, contient ces deux vers où se trouve transformé de la façon la plus émouvante, le thème de la voix :

« Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir,
Je tressaille, j’écoute… et j’espère immobile. »

Dans maint autre poème, il est question de cette voix « tendre et voilée » de cette « voix saisissante, éternellement puissante » sur Marceline, de cette « flamme sonore. »

Tous les biographes de Marceline ont cherché à mettre un nom sur cette voix mystérieuse. Selon L. Descaves, c’était celle du docteur Alibert, et l’éminent écrivain cite à ce propos le témoignage de L. Bourdon : « Il professait sans gravité ; mais sa parole avait du charme, et le son de sa voix était enchanteur. » L. Descaves ajoute : « La remarque doit être juste ; car Beaugrand la confirme en disant que, dans sa vieillesse, Alibert avait conservé sa voix fraîche et harmonieuse. » (La vie amoureuse de M. D.-V.).

Pour M. J. Boulenger (Mme D.-V., sa vie et son secret), c’est la voix de H. de Latouche que Marceline célèbre, et cette assertion est appuyée par des citations nombreuses. « Sa voix, écrit M. de Comberousse, était un peu voilée, mais d’autant plus pénétrante » ; et George Sand : « Il avait une voix douce et pénétrante, une prononciation aristocratique et distincte. » « Il avait de la sirène dans la voix, écrit encore Sainte-Beuve » ; Émile Deschamps : « Sa conversation était séduisante comme sa voix » ; et Jules Lefèvre : « Sa voix, la plus caressante et la plus affectueuse… »

Le moment est venu, puisque nous parlons de Latouche, de discuter les opinions que divers valmoriens ont émises à son sujet.

« Si l’on veut absolument que Latouche soit Olivier et qu’Olivier soit Latouche, écrivait M. Lucien Descaves dans la Vie amoureuse de Marceline Desbordes-Valmore (pp. 166-67), il faut admettre que Marceline, dans sa candeur ou son cynisme, n’ait eu rien de plus pressé, une fois mariée, que d’introduire son ancien amant dans son ménage ; et il faut prêter, d’autre part, à Valmore assez de complaisance pour le juger capable, sachant ce qu’il sait certainement, de consentir à l’indigne replâtrage.

« Encore une fois, et c’est la dernière, les deux suppositions me paraissent aussi gratuites l’une que l’autre à l’égard d’un mari et d’une femme dont rien n’entache l’union intime et tendre.

« Car Marceline aima Valmore ; on n’en peut pas douter après avoir lu, imprimées, les lettres qu’elle lui adressa pendant trente-cinq ans et dont la Bibliothèque de Douai est dépositaire. C’est le bréviaire de l’amour conjugal. Comme il y a les religieuses, il y a les épouses de l’Adoration : Marceline en est une. Leurs séparations sont des déchirements ; mais elle en souffrit plus que lui ; car elle n’est pas seulement peuplier, elle est tourterelle, et, pour elle, écrire, c’est encore roucouler. Quand elle rentre brisée de fatigue dans une pauvre chambre d’hôtel, elle ne se couche pas avant de lui avoir raconté sa journée et surtout de s’être mise humblement à ses pieds. C’est un homme inquiet et méconnu qui a toujours besoin de confiance en soi. Elle lui en donne, et sincèrement, d’un cœur et d’une fibre aussi sensibles l’un que l’autre. »

M. Jacques Boulenger écrivait d’autre part (Le secret de Marceline, p. 167) : « Si nous admettons que le jeune homme de Marceline, le père de son premier enfant, c’est Latouche ; il nous faudra admettre du même coup d’autres choses qui sont fâcheuses. »

Dans le Temps du 2 octobre 1925, Paul Souday admettait qu’il y avait eu « deux jeunes hommes de Marceline » : l’un Olivier, qui aurait été Audibert ou le docteur Alibert, et l’autre le « mufle », tant recherché, H. de Latouche.

Quant à nous, nous avons longtemps hésité entre les différentes opinions. Mais après avoir étudié les documents que M. Frédéric Ségu nous a apportés dans son ouvrage considérable sur l’auteur de Fragoletta[1], nous sommes d’avis que le « jeune homme » l’inconnu le père enfin du premier enfant de Marceline, c’est Latouche.

Retraçons donc l’histoire des amours de Marceline et de Latouche, à la lumière des documents que M. Fr. Ségu ajoute à ceux que nous avaient déjà livrés MM. Jacques Boulenger, Lucien Descaves et Bertrand Guégan.

C’est au cours de l’été 1808 que Marceline rencontra chez l’actrice Délia Amoreux celui qui devait être son amant. Marceline, sans ressources et sans emploi, habitait alors chez son oncle Constant, dans l’ancien couvent des Capucines. Hyacinthe de Latouche, son aîné d’un an, était marié et père d’un jeune enfant. Le 25 juin 1810, deux ans après la rencontre chez Délia, naissait à Paris Marie-Eugène, le fils naturel de Marceline. En décembre 1811, nous retrouvons en Normandie, chez une de ses sœurs, la pauvre Marceline que son amant a brutalement quittée.

Au printemps suivant, Latouche, qui a obtenu un congé, abandonne femme et enfants ; il parcourt à pied ou à cheval le Midi de la France, « l’Helvétie entière et cette belle Italie qu’enchantent les rivages des deux mers[2] ».

En décembre 1812, il est de passage à Rome,

Rome, où ses jeunes pas ont erré, belle Rome[3]

Il rentre en France en 1814 et renoue avec Marceline, qui joue à l’Odéon depuis le 29 avril 1813. En 1815, les deux amants rompent d’un commun accord ; puis, en septembre de la même année, Marceline accepte un engagement à Bruxelles, au théâtre de la Monnaie. Elle a emmené son fils Marie-Eugène en Belgique ; mais celui-ci, de santé fort délicate, meurt le 10 avril 1816, à l’âge de cinq ans et demi. Le 4 septembre de l’année suivante, Marceline épousait à Bruxelles, l’acteur Lanchantin, dit Valmore, plus jeune qu’elle de sept ans. Une fille lui naquit, qui mourut en nourrice à l’âge d’un mois seulement. Puis les deux époux rentrèrent à Paris vers la fin de l’été 1818.

Le 5 octobre, Latouche écrivait à Marceline comme à une femme qu’on n’a jamais rencontrée : il irait lui présenter ses devoirs chez elle. Marceline, jouant la comédie, lui répondit en termes cérémonieux… et caressants. Les relations étaient renouées.

Quand parut le livre de M. Frédéric Ségu, les valmoriens crièrent au blasphème. Nourris des protestations d’amour dont Marceline n’a cessé d’accabler son mari, ils ne pouvaient croire à la duplicité de la poétesse.

En effet il est encore assez difficile de croire que l’affection extraordinaire qu’elle témoignait à son mari n’ait pas été sincère. Il n’est pas moins difficile d’expliquer que le mari n’ait pas su qui était le père de Marie-Eugène, ni qu’il ne se soit jamais aperçu de rien ; car les relations de Latouche et de Marceline furent traversées d’incidents orageux et bizarres, dont leurs familiers ne furent pas sans percevoir les échos. « Le grand amour de la poétesse lui remonta du cœur dans la tête et n’en délogea plus », avait écrit M. Lucien Descaves après avoir montré combien Marceline aimait son mari. « Ce n’est pas un homme, c’est un souvenir qu’elle aima » après son mariage, avait affirmé M. Jacques Boulenger. Mais M. Fr. Ségu, à qui nous devons la révélation de pièces capitales, a fait précéder des lignes que l’on va lire la pénible histoire des amours de Marceline : « Marceline Desbordes a connu les joies et les troubles de la passion coupable. Tout était déchaîné autour d’elle, plaidera-t-on ; plus de règles, plus de frein ; sa vie même n’explique-t-elle pas ses fautes en partie ? Qu’on l’aime donc parce qu’elle a beaucoup péché, mais qu’on permette au nom de la morale de dénoncer et de condamner les tristes entraînements de ces amours romantiques. » (op. cit. p. 26).

Latouche fait de son mieux pour que Marceline oublie les torts qu’il a envers elle. Comme nous l’avons déjà dit, il corrige les vers de son amie, il traite avec le libraire Louis au sujet de la 2e édition des Poésies de Marceline (1820) ; il publie même dans la Minerve littéraire une pièce de vers sur la mort de Marie-Eugène qui avait fait nier, et pour cause, que Latouche fût le père de cet enfant tant pleuré. C’est sans doute à cette époque que Marceline écrivit les strophes révélatrices de l’Étonnement, qui parurent dans le Chansonnier des Grâces de 1831, puis dans les Pleurs de 1833, et dont l’épigraphe, signée du pasteur Ancillon, n’est pas moins éloquente : « Amour ! tu es le seul bonheur de la vie ; et cependant tu es le bonheur sans repos ! »

Mais voici l’Étonnement :

D’où sait-il que je l’aime encore ?
Je ne le dis pas… je l’ignore,
Je ne descends plus dans mon cœur,
Je crains d’y rapprendre un malheur.
Et de l’absence que j’abhorre
Lui qui prolongea la froideur,
D’où sait-il que je l’aime encore ?
Que sa mémoire me fait peur !
Il dit que l’amour sait attendre,
Et deux cours mariés s’entendre l
Et ce lien défait par lui,
Il vient le reprendre aujourd’hui.
Il dit nous comme à l’aube tendre
D’un jour heureux qui n’a pas lui :
Il dit que l’amour sait attendre :
J’écoutais… et je n’ai pas fui I
Je n’ai trouvé rien à répondre ;
Dans sa voix qui sait me confondre
Le passé vient de retentir,
Et ma voix ne pouvait sortir.
J’ai senti mon âme se fondre ;
Tout près d'un nouveau repentir,
Je n’ai trouvé rien à répondre ;
Non ! je n’ai pas osé mentir !
Dieu ! sera-t-il encor mon maître ?
Sa tristesse dit qu’il veut l’être ;
Sans cris, sans pleurs, sans vains débats,
Comme il veut ce qu’il veut tout bas.
Oui ! je viens de le reconnaître,
Rêveur, attaché sur mes pas.
Dieu ! sera-t-il encor mon maître ?
Mais, absent, ne l’était-il pas ?

Ce dernier vers est-il assez décourageant pour tous ceux qui pensent que, dès son mariage, Marceline aima Valmore d’un amour sincère ?

Dans la deuxième quinzaine de mars 1821, Marceline rejoignait son mari à Lyon, où tous deux étaient engagés au Grand-Théâtre. Le 2 novembre suivant naissait Ondine, à laquelle Marceline Valmore donnait le prénom bizarre d’Hyacinthe, qui était le prénom de Latouche.

Des brouilles passagères surviennent entre les deux amants, qui ne se voient qu’à de rares intervalles ; car Marceline partage la vie errante de son mari.

Après avoir quitté Lyon, elle séjourne à Bordeaux, à Lyon, puis à Rouen. En février 1823, Marceline prie Madame Sophie Gay de redemander le portrait qu’elle a imprudemment offert à Latouche. Cependant le « Loup de la Vallée » mettait ses relations au service de son amie. En 1825, il fait des démarches auprès de Mme Récamier pour qu’elle obtienne du duc de Montmorency qu’il abandonne à Marceline sa pension d’académicien. C’est sur les conseils de la belle Egérie, sollicitée à nouveau par Latouche, que le duc commandera trois portraits au pauvre oncle Constant, dans le cours de l’année 1828. Latouche fait paraître des vers de Marceline dans le Mercure du XIXe siècle (1825-1826), dans la Psyché ; il en recueille et en choisit d’autres pour le libraire Ladvocat. « Une fois en ma vie, mais pas longtemps, écrira Marceline au poète Antoine de Latour qui lui avait demandé des renseignements biographiques (1836), un homme d’un talent immense m’a un peu aimée jusque-là de me signaler, dans les vers que je commençais à rassembler, des incorrections et des hardiesses dont je ne me doutais pas. Mais cette affection clairvoyante et courageuse n’a fait que traverser ma vie, envolée de côté et d’autre. »

En 1827, Marceline dédie à Latouche le Bouquet sous la Croix[4] qui paraît dans les Annales romantiques. En 1833, Marceline, revenue à Paris pour faire engager Valmore aux Français, publie son recueil des Pleurs qui contient huit épigraphes de Latouche, et l’Atelier d’un peintre, qui n’est qu’une transposition de sa propre histoire : l’héroïne est délaissée pour une coquette, que son amant poursuit jusqu’en Italie. Ce Yorick, ce « loup » qu’elle aime, lit avec passion les Poésies d’André Chénier, dont précisément Latouche avait donné la prenière édition.

Latouche ne cesse d’obliger son amie, de solliciter pour elle ministres et directeurs. Pas un jour il ne l’oublie, tandis que ses devoirs d’épouse retiennent Marceline auprès du lamentable comédien qu’aucun théâtre n’adopte. Au mois de juillet 1838, les Valmore sont à Milan, où les a appelés un impresario sans argent et sans scrupules. Marceline y écrit, un jour, le Billet de femme[5] que nous allons citer d’après un Carnet autographe de Marceline (Collection Lucien Descaves) :

Puisque c’est toi qui viens serrer encore
Notre lien.
Puisque c’est toi dont le regret m’implore,
Écoute bien :
Les longs serments, rêves trempés de charmes,
Écrits et lus,
Comme Dieu veut qu’ils soient payés de larmes,
N’en écris plus.

Nos jours lointains, glissés purs et suaves.
Comme des fleurs,
Nos jours blessés par l’anneau des esclaves
Pesants de pleurs,
De ces tableaux dont la raison soupire
Ôtons nos yeux,
Comme l’enfant qui s’oublie et respire,
La vue aux cieux.

Comme la plaine après l’ombre ou l’orage
Rit au soleil,
Séchons nos pleurs et reprenons courage,
Le front vermeil.
Ta voix, c’est vrai, se lève encore chérie
Sur mon chemin.
Mais ne dis plus : « à toujours », je t’en prie,
Dis : « à demain ».

Si c’est ainsi qu’une seconde vie
Peut se rouvrir,
Pour s’écouler sous une autre asservie[6],
Sans trop souffrir ;
Par ce billet, parole de mon âme,
Qui va vers toi,
Sans bruit, ce soir où t’espère une femme,
Viens et prends-moi !

Vers la fin d’avril 1839, Marceline confia Ondine et Inès à Latouche, qui les garda une dizaine de jours dans la maison qu’il habitait à Aulnay. Mais une brouille des plus graves survint entre les deux amants à propos de Louise Ségaut, une maîtresse de Latouche dont Marceline, sans doute, était jalouse ; à propos aussi d’Ondine que Latouche voulait enlever. On croyait — et Marceline laissait croire — que cet homme de 54 ans éprouvait une sombre passion pour cette enfant qui n’avait pas encore atteint sa dix-huitième année. Sainte-Beuve, mêlé à cette affaire, estimait particulièrement « odieux » cet amour, lui qui était au courant de bien des choses — mais pas de toutes — et qui écrivait aux Olivier, le 15 juillet de l’année précédente : « Savez-vous que les belles élégies brûlantes de Mme Valmore sont pour Latouche, le loup de la vallée, dont elle ne s’est pas encore réveillée, dit Guttinguer. » Ici se place une correspondance des plus étranges entre Marceline et son mari ; et l’on doit admettre qu’il était vraiment peu perspicace, cet homme si jaloux, pour n’avoir pas lu entre les lignes très embarrassées qu’il avait à lire presque tous les jours. En réalité, si Latouche aimait Ondine, c’était d’un amour pur, et il en avait le droit, car il était son père.

M. Ségu a retrouvé, en effet, dans la collection de Martigné une lettre inédite de Latouche à Charles Duvernet, datée du 20 août 1839 et qui porte le cachet d’Antony :

« … Je suis profondément triste, écrit Latouche, pour croire que la vie vaille à présent la peine d’un mouvement, d’un soin. Je craindrais de vous accabler de ma seule présence. Tout s’en va pour moi dans l’existence. Depuis que je ne t’ai vu, j’ai perdu une espérance encore. Je voulais vivre de la vie d’un autre et me faire un avenir de l’avenir d’un être charmant : la destinée ne l’a pas voulu. Tu penses bien qu’il ne s’agissait pas d’une femme, mais d’un enfant. Je le crois mien ; je voulais m’emparer de son sort. La mère est ingrate et jalouse ; elle l’emmène à cent lieues de moi ! Je ne sais plus que croire et demander à Dieu, en me couchant, si ce n’est de ne m’éveiller pas demain… »

Ainsi Latouche n’est pas seulement le « jeune homme » dont nous cherchions le nom ; il a été l’amant de Marceline après son mariage.

Et maintenant relisons quelques lignes d’une lettre que Marceline écrivait à son mari, huit mois avant la naissance d’Ondine : « Ah ! mon cher Prosper, que je m’ennuie sans toi ! En te quittant (Valmore venait de partir pour Lyon), je suis rentrée tristement à la maison. Qu’elle est grande et silencieuse ! Je me suis couchée, comme un petit loup, dans notre lit : c’était comme un désert. J’ai pensé à toi, à ta fatigue et j’étais aussi fatiguée… Cher Prosper, pense à moi. Tu m’occupes, je crois, plus que si j’étais à ton côté ! Je n’ai pu résister au besoin de t’écrire quelques lignes pour tromper mon impatience. En as-tu un peu de me revoir ? Il me semble que oui, si je juge ton cœur par le mien : la certitude de la tendresse est le seul bien que j’aie au milieu de toutes nos petites infortunes. Je t’embrasse de cœur et d’âme, et te prie de m’attendre toi-même : tu feras faire du feu. Adieu, mon ami, mon cher ami, au revoir ! Encore un peu, j’étais à la diligence hier pour tâcher de partir le 20, mais la bonne Jeuclié m’a empêchée. Ah ! c’est que je m’ennuie. Aime ta Line et ton amie. »

Comprenne qui pourra ! Mais c’est à cause de cette lettre et de mille autres qu’on a eu tant de peine à se laisser convaincre par M. Ségu !

Latouche ne veut pas accepter sa défaite. Il correspond avec le mari, s’efforce de le convaincre qu’il n’est pas de meilleur ami que lui ; il rôde autour d’Ondine, soudoie des gens pour l’enlever, enfin il se livre à cent manifestations déraisonnables. Au mois de février 1840, il rend à Valmore le portrait peint par l’oncle Constant que Marceline lui avait donné, mais après y avoir collé une lettre pour « attester sa coopération à la pension refusée, et qui fait rougir pour lui » (telles sont les propres expressions de Marceline dans une lettre à son mari).

Latouche habite maintenant avec Pauline de Flaugergues. Le 19 septembre 1840, Marceline, qui s’est installée au 345 de la rue Saint-Honoré près de l’ancienne maison de son amant, écrit à Prosper Valmore : « Ne conçois pas la plus légère crainte sur l’avenir avec L… Je n’irai jamais la première, d’abord parce que tu ne le veux pas, et parce que je ne le veux pas moi-même et que je ne dois pas le vouloir. » Nous laisserons le lecteur commenter à sa guise les mots que nous avons soulignés.

L’année suivante, Hyacinthe Valmore signait « Ondine ». Latouche avait cessé toutes relations avec le ménage Valmore.

Le 7 mars 1851, Sainte-Beuve mandait à Marceline : « Il est mort, ces jours-ci, un de vos anciens amis sur qui je voudrais écrire avec impartialité et justice », et il la priait de lui envoyer « un jugement senti sur ce brillant, coquet et inquiet esprit » qu’était Latouche.

Onze jours après, Marceline lui adressait cette lettre émouvante :

« 18 Mars 1851. — Un grand accablement m’a empêchée de vous répondre. Pardonnez-moi, je l’ai essayé plusieurs fois ; mais dans quel coin de mon sort laborieux trouver de la solitude pour me recueillir ?

« Pensez, cette fois, que c’est presque sur une tombe qu’il faut demander un peu d’ordre à mon esprit abattu. Comment oserais-je, de là, juger celui d’un autre ? Quel jugement peut-on écrire avec des larmes dans les yeux ?

« Oui, vous avez raison, ce serait par éclair, à mon insu, que vous saisiriez les impressions gardées dans ma mémoire, la mémoire comprimée de cet esprit incompréhensible qui vous occupe. Mais nous ne nous voyons pas. Comment faire ? Votre voix me ranimerait et je trouverais des paroles pour vous répondre. Ici, je suis trop en moi-même. C’est vraiment un triste asile, et je ne voudrais pas mêler un mot de tristesse personnelle à ma lettre. Mais je suis frappée à terre par tant de pertes irréparables ! Ces cris sourds m’atteignent de partout comme une terrible électricité, et je sens bien que personne ne me tient compte de ce dernier coup de foudre — que Dieu peut-être, qui sait tout, qui plaint tout ! J’étais déjà en deuil, et à peine ai-je soulevé le voile, qu’il faut le rabattre sur mon âme, et je n’en peux plus !

« D’ailleurs, je n’ai pas défini, je n’ai pas deviné cette énigme obscure et brillante. J’en ai subi l’éblouissement et la crainte. C’était tantôt sombre comme un feu de forge dans une forêt, tantôt léger, clair, comme une fête d’enfant ; un mot d’innocence, une candeur, qu’il adorait, faisait éclater en lui le rire franc d’une joie retrouvée, d’un espoir rendu. La reconnaissance alors se peignait si vive dans ce regard-là, que toute idée de peur quittait les timides. C’était le bon esprit qui revivait dans son cœur tourmenté, bien défiant, je crois, bien avide de perfection humaine, à laquelle il voulait croire encore.

« Il semblait souvent gêné de vivre, et quand il se dégoûtait de l’illusion, quelle amertume revenait s’étendre sur cette fête passagère !… Admirer était, je crois, le besoin le plus passionné de sa nature malade, car il était bien malade souvent, et bien malheureux Non, ce n’était pas un méchant, mais un malade, car l’apparition seule d’un défaut dans ses idoles le jetait dans un profond désespoir, ce n’est pas trop dire. Il en avait un quand nous l’avons connu. Jamais il n’en parlait ouvertement dans nos entretiens, qu’il cherchait sans doute pour distraire un passé plein d’orages. Quelle organisation fut jamais plus mystérieuse que la sienne ? Pourtant, à force de charme, de douceur sincère, mon oncle, qu’il aimait tout à fait, mon oncle, d’un caractère droit, pittoresque et religieux, le jugeait simple, candide, affectueux. Il l’a été ! Il l’a été ! Et heureux, et soulagé aussi de pouvoir l’être par cette affection toute unie !

« On l’a cru jaloux, littérairement parlant. Il ne l’a jamais été. Mais injuste, prévenu, oh ! oui. Sa colère et son dédain étaient si grands, quand il se détrompait d’un talent, d’une vertu, d’une beauté dont la découverte et la croyance l’avaient rempli de joie ! Après, quelle ironie contre sa propre simplicité ! Comme il se déchirait d’avoir été volé, disait-il, par lui-même ! Il souffrait beaucoup ; croyez-le et ne l’oubliez jamais. Il s’attendrissait d’une fleur et la saluait d’un respect pieux. Puis, il s’irritait d’oublier qu’elle est périssable. Il levait les épaules et la jetais dans le feu. C’est vrai.

« La politique ardente n’a-t-elle pas beaucoup aigri l’aménité native mêlée à son énergie ? Je l’ai souvent pensé. Un désintéressement incorruptible, qui lui eût fait supporter la misère sans une plainte, l’a rendu sans pitié pour les faiblesses de l’ambition, ou l’indolence qu’il appelait crime dans le sentiment patriotique. Le secret de ses grandes solitudes est peut-être là.

« La patience minutieuse au travail était portée chez lui à un excès fatal à sa santé, comme à ses succès. Il s’y clouait en martyr. On eût dit alors (je le sais par d’autres que moi) que son cœur et sa tête s’emplissaient par degrés de fumée, et qu’elle étouffait quelquefois l’élan, l’abandon, le fluide, l’inspiration, que c’était alors comme une lampe qui n’a pas d’air. Si je dis mal ce qu’il me semble, vous devinerez le dessous. Ce n’est pas de faire de la critique, mon Dieu ! Mais c’est plaindre son malheur et sa torture !

« Son enthousiasme pour la littérature allemande et pour la transformation de la nôtre l’a beaucoup subjugué. Depuis j’ai osé m’étonner que sa poésie, bien qu’élégante, mais cérémonieuse peut-être, se fût à peine dégagée de l’esclavage dont il avait horreur, comme le prouvaient ses transports d’admiration pour les hardiesses cavalières de M. de Musset et les nouveautés de vous tous, qui le ravissaient d’espérance !

« Depuis lors, je n’ai plus rien su de distinct, ni pu regarder de près ce génie, devenu si amer. C’est par échos lointains, rares, tristes aussi, qu’il nous cherchait. Son livre de Clément XIV nous a rappelé ses entretiens les plus charmants avec mon oncle, qui l’excitait ; Fragoletta m’a rempli d’étonnement et de terreur ; Grangeneuve nous a ramenés depuis à nos instincts de le plaindre et d’espérer pour lui. Depuis, peut-être à force de contenir son imagination et sa parole écrite, il en a trahi la liberté et l’éclat. Ses derniers livres, je n’ai pas osé les lire !… Je vous le redis, peut-être inutilement ; mais son esprit parlé était plus irrésistible quand il se croyait bien écouté et bien compris, et qu’il respirait de sa maladie noire. Seul, il songeait trop au public, qui juge à froid, juge formidable et sans appel ! La flamme souffrait alors d’une rêverie trop longue. L’épouvante du ridicule paralysait l’audace qu’il applaudissait dans les autres. Il n’était pas homme à subir les humiliations de la terre, et il ne courait plus par l’effroi de tomber !… Pour lui, plutôt périr immobile que d’exciter le rire en s’aventurant, ce rire qu’il n’épargnait pas toujours, dont il se repentait souvent ! Ne le croyez-vous pas aussi ? N’avez-vous pas bien judicieusement observé qu’il est loin d’avoir fait le mal qu’il pouvait faire ? C’est d’une justice et d’une charité profondes ce que vous dites là.

« Quel immense empire n’a-t-il pas dû obtenir sur ses colères ! Quelle grandeur silencieuse de ne s’être pas vengé, lui dont l’orgueil brûlant s’est cru tant de fois si mortellement offensé, car le craindre, c’est l’insulter ! Il faut trouver dans ce courage qu’il a eu, muet et solitaire, de quoi racheter toutes les larmes qu’il a fait couler. Vous le pensez, n’est-ce pas ? Oh ! pensez-le, dites-le, comme vous savez tout dire, pour être équitable, car il y a des choses qui sont entendues entre ciel et terre, et qui peuvent consoler partout !

« Décidez si cette âme ombrageuse n’a pas limité elle-même son essor, si les souffrances du corps n’ont pas obscurci cette gloire qui s’annonçait si haute !

« Voilà tout ce qu’entre vous et moi je puis formuler de ma pensée… En quoi peut-elle aider la vôtre ? Du moins, dans ce monde et partout, c’est ainsi que je vous la dirai toujours, parce que je crois en vous, à votre indulgente amitié pour mienne, et pour l’obscurité de ma raison.

Marceline Desbordes-Valmore. »

15. Un ami me parlait et me regardait vivre (L’AMI D’ENFANCE).

16. Il a parlé. Prévoyante ou légère (TROP TARD).

La même poésie a paru avec de la musique de Pauline Duchambge, sous le titre : Ne m’aime pas ; le texte en est très remanié.

17. Attends, nous allons dire adieu (DERNIÈRE ENTREVUE).

18. Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage (L’ESCLAVE ET L’OISEAU).

19. Un danger circule à l’ombre (DANS L’ÉTÉ).

20. Pauvre enfant, dans un jour d’effroi (L’ENFANT TRISTE).

21. Fierté, pardonne-moi (***)

22. Qui me consolera ? — Moi seule, a dit l’étude (LE SECRET PERDU).

23. Il est de longs soupirs qui traversent les âges (AU LIVRE DE LEOPARDI).

24. Tu m’as connue au temps des roses (SIMPLE HISTOIRE).

25. Légère, on la portait ! c’était comme une fête (LA JEUNE COMÉDIENNE. À Fontenay-les-Roses).

Cette poésie se retrouve dans l’Album n° 3 (Coll. de Douai), sous le titre, raturé d’ailleurs par Mme D.-V. : « La jeune comédienne Laurence, la chanteuse à Fontenay-aux-Roses. »

26. Si ta vie obscure et charmée (CROIS-MOI).

Cette poésie avait été publiée avec de la musique de Bézard.

27. Quand vous suiviez ma trace (POURQUOI !) En 1844, Marceline avait envoyé cette pièce à Boitel, directeur de la Revue du Lyonnais. Ces vers avaient alors pour titre : Quand j’avais quinze ans. La poétesse accompagna soon envoi d’une lettre à son vieil ami, d’où nous extrayons un passage relatif à cette poésie :

« Je n’ai que le temps de vous dire au revoir, et de fermer ce paquet où j’oubliais de vous dire que je renferme quelques vers si peu dignes d’entrer où loge l’âme de M. de Laprade. Mais qu’est-ce que cela fait ? Un peu d’ombre va bien dans un tableau. » (À Boitel, 7 février 1844. Dossier Mariéton).

28. De l’ardente cigale (CIGALE).

29. Amour, divin rôdeur, glissant entre les âmes (***).

Famille

30. Va, mon âme, au-dessus de la foule qui passe (LE NID SOLITAIRE).

Cette pièce est contenue dans l’Album n° 4 (coll. de Douai), sous le titre : Le nid (AUX JOURS D’ORIENT). Elle avait été imprimée en 1851, dans le Musée des Familles.

31. Le soleil brûlait l’ombre, et la terre altérée (SOIR D’ÉTÉ).

32. Entrez mes souvenirs, ouvrez ma solitude (LOIN DU MONDE).

33. J’appris à chanter en allant à l’école (LA FILEUSE ET L’ENFANT).

Cette pièce a été reprise en 1868 dans les Poésies de l’Enfance.

34. Oui, j’avais des trésors… j’en ai plein ma mémoire (UN RUISSEAU DE LA SCARPE).

35. Dans l’enclos d’un jardin gardé par l’innocence (UNE RUELLE DE FLANDRE. À Mme DESLOGES, née Leurs).

Adèle Desloges avait écrit plusieurs recueils de vers. Marceline parle d’elle dans une lettre adressée à son frère Félix :

« Un aimable hasard m’a fait rencontrer l’ancien ami de notre bon père, qui m’en a parlé avec une effusion de mémoire et d’attachement qui m’a beaucoup émue. Tu t’en ressouviendras. Monsieur Leurs ou de Leurs, dont nous regardions le jardin en allant chercher du lait par la ruelle qui conduit au Barley. Son grand âge ne paraît pas, et je t’assure qu’on voit encore qu’il a dû s’appeler le Beau de Leurs. Sa fille, Mme Desloges, est une femme très douce et très distinguée dans les lettres. Lui était le bon ami de l’excellent Monsieur Martin du Nord » (8 octobre 1849. Collection de la Bibliothèque de Douai).

36. Je n’ai vu qu’un regard de cette belle morte (À ROUEN, RUE ANCRIÈRE).

Cette poésie fut écrite vraisemblablement après une visite que Marceline fit à Rouen en 1850 ; elle voulait revoir sa sœur Eugénie mourante.

Ses sœurs et son frère se débattaient, comme elle, à cette époque, dans une misère lamentable. Voici quelques extraits de lettres adressées à Félix, malade et découragé, à l’hospice de Douai, où il mourut le 26 mai 1851 :

« … Mais les anxiétés poignantes de nos misères actuelles, celles d’Eugénie et de Cécile, me font quelquefois acquiescer, en soupirant, à te savoir si humblement abrité devant notre maison paternelle. Elle a été aussi souvent bien orageuse et bien battue à tous les vents d’épreuve. N’oublie jamais de la saluer de ma part, et de me rappeler au souvenir de ma grand’mère, de notre bon père et de ma chère et gracieuse maman, poussée au loin dans un si grand naufrage. Cher Félix ! c’est triste et beau de se ressouvenir ! C’est véritablement aimer et espérer aussi ! » (8 août 1847, Collection de Douai).

« … Les nouvelles que je reçois de nos chères sœurs sont fort déchirantes sur leur position. Drapier est sans aucun travail. Richard n’en a plus du tout. Les voilà dix à manger tous les jours sans gagner l’eau du ciel. Tous ces détails te navreraient inutilement le cœur » (21 mai 1848).

Enfin, en 1850, elle écrit à Hippolyte, du chevet de sa sœur Eugénie :

« … Je ne peux me résoudre à te peindre la tristesse de ce lit auprès duquel je t’écris ; tu ne le devines que trop. N’as-tu pas vu, pour t’en ressouvenir toujours ? Assez donc sur ta pauvre marraine. Le mouvement de la maison, l’habitude des autres de la voir languir, quelques courses extérieures et le contentement sérieux d’être venue où je devais venir me soutien- nent au milieu de tant d’émotions doloureuses. Je suis plus convaincue que jamais qu’il y a une étrange correspondance du ciel à la terre, et beaucoup de soutiens invisibles qui nous empêchent de tomber dans nos devoirs les plus difficiles. » (Rouen, 29 août 1850).

Revenue à Paris après l’enterrement d’Eugénie, elle écrit à son ami Frédéric Lepeytre : « Allez Frédéric, je vous aime bien pour vous répondre et soulever le poids terrible que je rapporte d’un voyage où j’ai été recevoir les derniers embrassements d’une sœur adorée, part vive de moi-même toujours absente. Mon ami, quel tremblement convulsif dans mon existence, et que j’ai posé tristement votre lettre sur mon front alourdi de telles larmes ! J’ai bien peur de vivre au prix de tels coups. Les paroles fuient, et tant mieux ! Je ne voudrais pas prolonger un récit qui certainement vous afflige et ne vous rappelle que trop vos calvaires, à vous… » (12 sept. 1850. Lettre publiée par Hippolyte Valmore).

37. Vieux puits emmantelé de mousse et de gazon (LE PUITS DE NOTRE-DAME, À DOUAI).

Cette pièce, qui a été réimprimée en 1868 dans les Poésies de l’Enfance, a été écrite pour Ondine « qui avait voulu voir le pays de sa mère. » Ondine passa deux mois à Douai, chez Mme Saudeur, pour se remettre des fatigues de l’étude. « M. Liré (le docteur) que j’ai vu, écrit Marceline à sa fille, veut lui-même que tu ne fasses rien du tout en ce moment. Sa nièce est très bien rétablie d’avoir suivi ce régime. Elle s’était comme toi brûlé le sang et le cerveau par excès d’étude… Ton organisation est la mienne, chère image ! et tu as bien plus appris que moi. De là vient le trouble un peu fréquent de ta santé, et mon ressentiment involontaire contre l’excès de ton amour pour le travail. Je t’aime tant, Line ! et j’ai la conviction si profonde que tu as tout en toi sans les tortures extrêmes du travail, que ce que je désire le plus au monde, c’est de te voir souvent danser, manger, dormir et courir, afin de rétablir l’harmonie du ciel et de la terre… » (28 juin 1840).

Pour la remercier de fleurs qu’Ondine lui avait adressées de Douai, Marceline écrit à sa fille cette lettre charmante : « Amour tendre de ta mère, chère cueilleuse d’herbe et de fleurs, tout est arrivé embaumé et frais. Une petite mouche douaisienne s’est envolée de la chambre, en s’échappant de la caisse, et un rémichon m’a saluée de la part de ma grand’mère. Je t’embrasse étroitement et me hâte de remettre ce peu de lignes à Jules, qui a fait avec nous le dîner le plus salé du royaume. Il est conservé pour dix ans contre la peste.

« Je t’aime, petite méchante.

« Oui ! j’ai vu M. Duhem, il me plaît. Nous avons recueilli ensemble toutes les fleurs du rempart. Figure-toi son étonnement en me trouvant une figure grosse et rouge comme un melon cuit au vin. J’étais et je suis encore affreuse. Mais je vous aime tant ! » (Lettre sans date, publiée par B. Rivière).

38. C’est là que j’ai vu Rose Dassonville (LA ROSE FLAMANDE). Voir la note sur La guirlande de Rose-Marie. (cf. Poésies de 1825, n° 17).

39. Beau fantôme de l’innocence (L’INNOCENCE).

40. Toi qui ris de nos cœurs prompts à déchirer (LAISSE NOUS PLEURER).

41. L’orage avait grondé, ma tête était brûlante (À MA SŒUR CÉCILE).

Voir la note sur la pièce Jours d’été (livre… nᵒ…) où il est question de cette sœur.

42. Un soir, l’être éclairait notre maison (À MON FILS, AVANT LE COLLÈGE).

Cette pièce a été reprise dans les Poésies de l’Enfance, 1868. Dans le troisième vers (Ton aïeul tout rêveur te prit sur tes genoux) Marceline fait allusion à son beau-père, vieux comédien qui vivait avec eux ; le père de Valmore mourut au mois d’août 1833.

La vie errante, que les Valmore étaient obligés de mener, rendit très difficile l’instruction des enfants ; grâce au docteur Pierquin de Gembloux, le dernier amant de Caroline Branchu, Hippolyte avait été reçu en 1832 au pensionnat Froussard à Grenoble.

Nous reproduirons ici quelques passages de lettres que Marceline envoya à Froussard pendant et après le voyage à Grenoble :

Paris, 8 novembre 1832.

« Je me hâte vers vous, Monsieur, autant que le permettent mes forces, et l’inflexible qui m’arrête en chemin, pendant quelques jours — je parle de la saison. — Il tombe de la neige ; mais après un peu de repos, je reprends mon voyage et je remets mon fils entre vos bras !

« Monsieur et Mme Silvain Blot, qui retournent à Lyon dans quelques jours, ont insisté avec toute la chaleur de l’amitié pour se charger d’Hippolyte, et me renvoyer à Rouen ; mais mon cœur s’est retourné à l’idée de ne pas accompagner mon enfant. C’est impossible ! J’ai besoin de vous le remettre à vous-même, Monsieur ! Vous me donnerez la force de m’en séparer ; je n’aurai ce courage qu’après avoir rempli toute ma mission.

Lyon, 26 novembre 1832.

« Au moment de quitter Lyon, où je suis arrivée silencieuse et triste, je me retourne vers vous et je vous tends les bras, comme si je vous quittais encore. Il me semble que mon fils est maintenant si près de votre cœur, que je ne vois plus l’un sans voir l’autre. Monsieur, entendez-moi ! Sans le secours de vaines paroles, trop faibles pour une âme que vous avez mieux vue, je crois, à travers quelques regards, où elle vous parlait de mon cher enfant.

Rouen, 18 décembre 1832.

« … Mais rien ne tient lieu d’un fils absent, et mon retour a été d’une mélancolie profonde. Repasser seule partout où il s’agitait autour de moi… Je ne peux pas vous dire ! Je n’ai pu prendre de nourriture sur cette route déserte pour moi, et je ne me suis soutenue qu’avec du café au lait ; pourtant ma santé n’est pas altérée. Pardonnez-moi d’espérer que vous n’y êtes pas indifférent. »

43. Dire qu’il faut ainsi se déchirer soi-même (À MON FILS, APRÈS L’AVOIR CONDUIT AU COLLÈGE).

Cette pièce se retrouve dans les Poésies de l’enfance (1868).

44. Ô champs paternels hérissés de charmilles (RÊVE INTEMITTENT D’UNE NUIT TRISTE).

Cette pièce figure dans l’Album N° 3 de la Bibliothèque de Douai ; elle y est datée : novembre 1846.

Inès, née à Bordeaux en 1825, avait toujours été très fragile, et souvent très malade. Son état empira en 1844 et l’on peut dire qu’elle agonisa pendant près de deux ans. Marceline, désespérée, relate les progrès de la maladie dans de nombreuses lettres adressées à son mari et à ses amis. En voici quelques passages particulièrement navrants :

18 octobre 1844 (à Prosper Valmore).

« La santé de ma chère Inès me fait devenir folle de douleur par les crises imprévues que sa croissance lui cause. Elle a eu des évanouissements fréquents qui nous ont causé beaucoup d’effroi ; car je n’avais jamais vu ces absences apparentes de la vie. Juge, dans un être si étroitement uni au vôtre ! Le médecin a beau jurer qu’il n’y a pas de’danger réel dans cette lutte, je n’en suis pas moins consternée et malheureuse.

« … Comment as-tu subi les jours glacés qui viennent de nous geler ici ? As-tu trouvé moyen de t’en garantir, même en faisant du feu ? Nous, nous n’en pouvions faire à cause de la fumée, sans ouvrir les portes et les fenêtres. »

28 décembre 1844 (à Caroline Branchu).

« Ma chère Inès me jette dans des anxiétés que je n’ai pas besoin de te décrire. Voir souffrir son enfant, c’est plus que souffrir ! Quel cœur de femme saura mieux me comprendre que le tien, ma vraie sœur en tout ! »

15 mai 1845 (à la même).

« Inès ressent les mêmes tortures dans l’estomac, siège de sa maladie. Tu m’en demandes le nom, ma bonne Caroline : on la nomme une gastralgie. L’irritation s’est déplacée, en effet, pour descendre dans les entrailles, et enfin elle avait paru diminuer. Mais le temps affreux qui ramène presque l’hiver a ramené aussi chez ma pauvre enfant les atroces souffrances, dont elle avait respiré un peu durant quelques jours (sic). Elle ne prend qu’à peine des aliments pour les rejeter aussitôt. Quelle vie pour une jeune fille ! Toujours au lit et dans les larmes ! car le caractère de cette maladie est une profonde tristesse. (Originaux à la Bibliothèque de Douai).

Inès mourut quelques jours après que sa mère eut composé cette poésie. Hippolyte a raconté, dans une notice de l’édition Lemerre, dans quelles conditions Marceline l’avait écrite :

« Une nuit entre autres, vers la fin de l’année 1846, après avoir veillé quatorze nuits sa fille Inès qui se mourait, la nature succomba. Jetée toute vêtue sur un lit improvisé, elle attendait le sommeil qui vint, mais sans chasser la fièvre. Un songe enleva bientôt son esprit loin de la réalité cruelle. Ondine, sa fille aînée, Ondine rieuse et dansante apparaît au milieu d’un frais paysage de Flandre. La blonde enfant, toute de grâce, de vie et d’imprévu, apporte une trêve aux angoisses de sa mère. Des vers d’une mesure insolite se forment comme d’eux-mêmes en cet esprit qui veille dans le corps endormi et reproduisent, en la précisant, la création du rêve. La volonté n’est certes là pour rien. Si le poète avait eu conscience de ce qui se passait autour de lui sous l’empire des tortures éprouvées, il n’eût pas écrit, ou bien il eût cherché à donner la mesure et la rime aux tristes pensées, aux effrois qui secouaient si brutalement son cœur ; il eût raconté ses tourments, peut-être consigné dans ses vers le désespoir de la jeune victime qui criait : « Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir ! » Mais n’est-il pas à croire que dans ce moment de prostration complète, la pauvre femme ne s’appartenait pas et n’était plus là qu’un instrument ? Qui donc touchait les cordes de cette harpe humaine ? Et ce n’est pas la seule circonstance de sa vie ou ce phénomène se soit présenté, mais c’est assurément la plus frappante. »

Quelques mois plus tard, Marceline écrira ces lignes douloureuses à son frère Félix :

15 juin 1847.

« … Mais si notre bon père et maman peuvent voir d’où ils sont ce que souffrent leurs enfants, je les plains, nous aimant toujours comme ils nous ont aimés ! Ce sont là des idées bien tristes ! Bien consolantes aussi pourtant ! Car le plus douloureux de toutes serait de penser que nous ne sommes plus rien pour ceux que nous pleurons toujours !

« Du reste, mon bon frère, il ne m’est pas permis d’appuyer sur les pensées profondes qui m’oppressent le cœur. Je n’ai pas assez de force, renversée comme je le suis sous les coups dont la Providence m’a frappée. Ma mémoire n’est encore qu’une torture pareille au supplice des criminels. Que la pitié du ciel en fasse un jour de la résignation ! À présent je n’en ai pas…

« Je cherche quelques adoucissements dans le travail. Mais écrire quoi que ce soit m’est impossible ; car toutes mes idées retournent vers ma bien-aimée Inés, mon adorable fille absente !

« … Le pauvre Drapier vient de m’écrire qu’après une attente accablante, il vient enfin d’obtenir une place de neuf francs dix sous par semaine ! » (Collection de la Bibliothèque de Douai).

45. Vous entriez, Ondine, par cette porte étroite (ONDINE À L’ÉCOLE).

Cette poésie se retrouve dans les Poésies de l’Enfance (1868) ; elle figure aussi dans l’Album N° 3 (Bibl. de Douai), sous le titre : Ondine à l’École chez Mme Lescot-Haudebourg.

Marceline se donnait beaucoup de peine pour l’éducation de ses deux filles ; mais le caractère difficile et renfermé d’Ondine l’affligeait à l’extrême. Les lettres qu’elle adressait à son mari et à ses amies sont pleines de doléances sur sa fille aînée ; en voici quelques passages :

23 juillet 1839,

« Ne suis-je pas toujours en transe, de l’ardeur un peu ambitieuse de Lise ? Je t’assure que c’est un supplice de ne pouvoir l’arrêter un moment, sinon pour dormir : ce dont elle s’acquitte en effet fort bien ! Dieu merci ! »

2 août 1839.

« Sois sûr qu’elle aimera beaucoup un voyage à Lyon, et je n’ai pas encore la conviction douloureuse qu’elle ait de l’éloignement ou de la froideur pour nous. Je la crois seulement ambitieuse, et je sais qu’elle est fort renfermée… Je croyais pouvoir t’écrire hier ; mais j’ai été écrasée de fatigue, d’une séance solennelle chez M. Lévy, qui fermait le cours pour six semaines. On a donné les prix, fait des lectures, chanté, joué du piano. Il y avait deux cents mères et enfants. Line a eu le prix partagé entre trois pour la poésie. Comme c’était pour le Baptême du nouveau prince, cela ne m’a fait que peu de plaisir. »

12 déc. 1839.

« C’est un ange de fer que cette petite ! »

12 janv. 1840.

« Nerveuse, douce, impatiente, entière et soumise, elle

m’enchaîne et m’occupe beaucoup… »
29 Mai 1839, à Caroline Branchu.

« Cette aimable fille ne fera jamais que ce qu’elle voudra, crois-moi en cela aussi… »

le 20 août 1842 (à la même).

« Je t’envoie donc ma chère fille avec sa palme à la main ; car elle a obtenu l’acacia blanc au concours de sa classe, et tu la recevras comme un ange radieux qui va demander de la santé à ton savant docteur. »

46. Où vas-tu, fille chérie (ELLE ALLAIT S’EMBARQUER ENCORE). Cette poésie a été réimprimée dans les Poésies de l’Enfance (1868).

Marceline s’était toujours opposée au voyage d’Ondine en Angleterre. Quand Péla, la fille de Mme Branchu, qui vivait à Londres, proposa à Marceline de faire soigner sa fille par le docteur Curie, chez lequel elle habitait, la poétesse jugea cette proposition insensée. Voici en quels termes elle en fit part à Ondine qui se trouvait en vacances à Douai : « Péla, toujours mélange d’hyène et de séraphin, est furieuse que tu n’ailles pas à Londres, comme elle me l’a proposé dans un grand plan pour la santé et une profession pour toi. Je ne t’en ai même pas parlé parce que, vois-tu, l’idée de me séparer de toi ressemble exactement à l’arrachement de ma tête… » (Lettre du 6 août 1840, publiée par B. Rivière).

Cependant, une année plus tard, au mois d’août 1841, Ondine partit pour Londres, où elle passa trois mois. Voici une invitation que Marceline envoya à Sainte-Beuve, pour qu’il rendît visite à sa fille avant le départ :

« Improptu

« Si vous étiez toujours notre ange
Et sans qu’un tel vol vous dérange,
Léger, vous viendriez demain,
À votre jeune sœur serrer un peu la main.


« Elle s’en va vers l’Angleterre
Pour se reposer de la terre ;
On la mettra sur un vaisseau,
Où je l’irai chercher, malgré ma peur de l’eau !

« Là !

« Je suis confondue de voir partir Ondine, même pour si peu d’instants.

« Nous vous tiendrons une cuillerée de chocolat tout prêt, demain vendredi, de neuf à midi, si vous pouvez mêler cette douceur à mon sacrifice. Moi, je vais la chercher dans trois semaines, pour la ramener aux examens définitifs. Cette sage petite fille mérite bien d’aller regarder nos bons ennemis sous le nez. » (Paris, jeudi, août 1841. Lettre publiée par Spoelbegh de Lovenjoul, dans Sainte-Beuve inconnu).

Marceline alla chercher sa fille au mois de novembre. Les traversées étaient dures avec les mauvais bateaux dont on disposait alors, et Marceline n’était pas précisément exempte d’appréhensions, comme on peut le voir par ces mots que nous avons relevés dans l’Album No 3 de la Bibliothèque de Douai :

« Dieu ! guidez-moi vers mon enfant ! (Boulogne, au bord de la mer) ».

Envoyant un mot de Londres à son mari, elle écrira : « La mer m’a beaucoup émue, surtout quand il a fallu me jeter à la grâce de Dieu, dans les bras de six hommes, en sortant du bateau à vapeur en rade, pour toucher dans un tout petit bateau qui venait nous chercher de Douvres. » (Londres, 9 nov. 1841).

Le retour d’Angleterre fut plus pénible. « Me voilà ! chère bien aimée, écrit-elle à Caroline. J’arrive de Londres, ma fille avec moi, bien portante, et je te serre contre mon cœur à étouffer le tien ; car tu es l’adorable origine de tout ce qui m’est arrivé d’heureux par ta fille.

« Je ne te dirai rien de ma double traversée, tu connais tout par toi-même, … et ce tout a été horrible en revenant. Bêtes et gens, tout a été tordu du mal de mer. J’ai fait cinq mille lieues sur ce terrible élément, mais je n’avais pas vu pire. Nous sommes arrivés à Boulogne à une heure de nuit. Enfin tout est bien à présent, et Dieu partout ! » (29 nov. 1841).

Quelques jours plus tard, la poétesse mande à Mélanie Waldor :

« … j’étais aux prises avec une maladie, et je n’ai pas encore quitté mon lit depuis seize jours. Ce voyage en Angleterre m’avait brisée de fatigue, et, s’il faut le dire, j’ai eu bien peur. Nous étions en mer dans la nuit du 14 au 15 novembre. Nuit de tant de sinistres, et je ramenais ma bonne Ondine ! (13 décembre 1841. Lettre inédite de la Bibl. de Douai).

En mars 1842, Ondine, qui toussait à nouveau, retourna à Londres où elle resta, cette fois, plus d’un an, malgré toutes les supplications de Marceline. Les lettres de cette époque dénoncent toutes se impressions. C’est ainsi que le 9 mars 1843, elle écrit à Caroline :

« Si j’étais moins pauvre, je serais partie avec M. Massol. Qu’importe un peu de faiblesse, qu’importe la mer même que je crains beaucoup ! Je l’ai vue horrible, elle s’est calmée en ce temps ; et j’aurais moi-même revu et ramené mon enfant ! Son père n’en dort plus ! Moi, est-ce que je dors ?... Enfin, le moment est près où tout rentrera dans l’ordre naturel, où je ne m’entendrai plus reprocher de partout, d’avoir envoyé mon enfant dans le climat le plus funeste aux santés délicates. Ma fille, revenant guérie par l’homme le plus éclairé de son temps, le célèbre homœopathe Curie, fera taire toutes ces réflexions torturantes, et je n’aurai que de libres actions de grâce à rendre à la Mère des Mères. Prie-la pour moi, avec tes bons yeux de flamme et ton cœur d’amour ! Rappelle-lui la prière que j’ai laissée à ses pieds dans ta petite église. Ô ma chère Caroline ! elle calme d’un regard tous les orages ; elle essuie toutes les larmes, et j’en ai beaucoup répandu depuis deux ans ! (Autographe à la Bibl. de Douai).

La nervosité de Marceline ne cessait de croître. À la fin, n’y tenant plus, elle alla chercher sa fille qu’on retenait à Londres, et qui d’ailleurs ne souhaitait pas rentrer. Le 20 juillet, elle annonçait à Mlle Mars son retour en France :

« À mon retour de Londres, j’ai couru pour vous embrasser et vous porter ma joie ; car je ramenais ma fille, et j’avais le prix de beaucoup de chagrins. Vous étiez partie l’avant-veille. Moi, je ne suis restée à Londres qu’un demi-jour, et je l’ai quitté avec Ondine à trois heures du matin. Ce voyage a été protégé par la Providence qui me poussait. La visite a été vive ; Mme Le F. [Paméla] m’a accablée d’injures et traitée de femme sans cœur et sans argent. En devoir à une telle personne est une des plus grandes humiliations de l’infortune. Enfin, j’ai ma fille ! » (Collection de la Bibliothèque de Douai).

Le caractère d’Ondine avait beaucoup changé ; Marceline s’en plaint à son ami Lepeytre :

« Ondine, sans être robuste, est mieux de santé qu’à son retour de Londres. Elle y a, par malheur, laissé ses sympathies ; nous ne nous entendons plus du tout. Nos rapports sont doux, mais froids. Nous possédons sa forme bien-aimée ; le fond est en Angleterre. Le luxe de cette maison et le bizarre de deux caractères de femmes ont dénaturé le sien : elle est toujours aimable, mais ce n’est plus nous qu’elle aime. Ne vous séparez jamais de vos enfants ! » (Lettre du 2 octobre 1842, publiée par Hippolyte Valmore).

47. J’ai presque perdu la vue (LA MÈRE QUI PLEURE).

Cette pièce, qui a été réimprimée dans les Poésies de l’enfance (1868), a sans doute été écrite pendant le séjour d’Ondine à Londres.

48. Qui sait si votre enfant qui flotte dans vos larmes (À UNE MÈRE QUI PLEURE AUSSI).

Cette poésie se retrouve dans les Poésies de l’Enfance (1868).

La fille de Frédéric Lepeytre, le grand ami de Marceline, était morte en juillet 1847, un an après la mort d’Inès. C’est cet événement qui a inspiré ce poème à Marceline. Voici, d’ailleurs, la lettre que la poétesse écrivit aux parents accablés par ce malheur : « Est-ce un rêve affreux qui tombe dans une réalité de larmes ? Non, personne n’aurait inventé de frapper ainsi mon cœur qui tient à peine. Votre maison est à présent ce qu'était la mienne — ah! pauvres amis ! — ce qu'est et ce que sera notre mémoire, nos jours et nos nuits, et ce qui va suivre. Ah ! vous aussi vous pleurez de ces larmes-là! Qui peut s'en faire une idee, dites! quand on ne les a pas pleurées.

« Une inquiétude sourde m'éveillait par moment sur Marseille (Marseille pour moi c'est votre maison). Il y a trois jours seulement, en glissant toute seule et fondant en larmes en plein soleil, une idée que je n'appelais pas est venue à moi. Cette enfant même que je bénissais Dieu de vous avoir donnée, et que j'ai toujours vue de loin, si gaie et si légère, je lui ai tendu les mains: « Au moins, me disais-je, elle est gaie ! quoiqu'un peu liée à moi, si triste! Merci pour eux, Seigneur ! » Voilà une vérité bien terrible; qu' en dites-vous ? Il y a des lumières incomplètes, c'est vrai, mais qui montrent où l'âme est menacée par un coup prochain. Je l'ai reçu hier soir. Mon cher Valmore a cru pouvoir me le cacher quelques instants, mais j'ai voulu voir, et votre nom est sorti bien triste de ma bouche, mon cher Monsieur Frédéric. Je me suis sentie à la fois bien près et bien loin de la mère et de l'enfant que j'aimais, que j'aime, mais d'une teinte si différente aujourd'hui ! On ne croit jamais à de telles choses possibles. Seulement j'étais inquiète. Pourtant le poids me restait; car penser que l'absence change des âmes comme les vôtres, ce serait vraiment ne plus croire à l'âme.

« Vous connaissez la mienne, prenez-la. Je sens qu'elle n'est pas anéantie dans son propre malheur, et que nous sommes doublement frères, ruinés d'une de nos plus belles espérances. C'est acheter bien cher sa possession éternelle qui nous attend (Lettre du 12 juillet 1847, publiée par H. Valmore).

49. Je suis la prière qui passe, (L'ÂME ERRANTE).

Marceline cite quelques vers de cette poésie dans une lettre à Mme Camille Derains. Elle venait peut-être de l'écrire,... à moins que ces vers n'aient alors correspondu à son état d'âme:

« Entre vous et moi nous vivons somnambules, sans la moindre hésitation ni crainte de nous heurter. Je crois vraiment POÉSIES INÉDITES DE 1860 que nous nous voyons en dedans… Notre existence physique et morale est tellement remplie de phénomènes, que je ne vous dis rien de ceux qui entourent ma vie : Je suis la prière qui passe Sur la terre où rien n’est à moi…. 379 Voilà la rêverie qui me reprend. Elle est en contraste douloureux avec l’activité que demande ma situation ; mais quand j’appuie ma pensée, alors je ne peux plus agir que par un effort qui me fait souffrir infiniment. J’ai toujours été ainsi. Cette lutte fait que je suis plus gaie que gaie, et aussi plus triste que triste…, (Lettre du 11 mars 1857, publiée par H. Valmore). 50. Une femme pleurait des pleurs d’une autre femme (DEUX MÈRES. A Caroline Branchu). Voir la note 46 pour la poésie intitulée : Elle allait s’embar- quer encore. On notera que l’invocation déjà citée de l’Album n° 3 ("Dieu, guidez-moi vers mon enfant Boulogne, au bord de la mer) sert de refrain aus deux dernières strophes de 8 vers de ce poème, qui fut aussi écrit " à Boulogne, au bord de la mer,. 117 51. Epouse aujourd’hui fortunée (LA FIANCÉE DU VEUF). Ondine épousa le 16 janvier 1851 Jacques Langlais, avocat, journaliste et député de la Sarthe. Il était veuf et père de deux enfants. Ondine avait conservé ses fonctions de dame inspectrice des instituts de demoiselles dans le département de la Seine. Elle avait obtenu ce poste en 1848, grâce à l’appui d’Armand Marrast. Elle prenait sa tâche très au sérieux ; les rapports qu’elle rédigeait témoignent de l’intérêt qu’elle prenait aux questions pédagogiques. Elle continuait aussi d’écrire : ses poésies et ses traductions de poètes anglais et latins faisaient l’admi- ration de sa mère. Sa santé, très affaiblie par ses multiples occupations et par la naissance d’une fille qu’elle s’obstinait à allaiter elle-même, l’obligea à s’aliter. Malgré les soins que 380 POÉSIES INÉDITES DE 1860 lui prodigua la tendre Marceline, elle mourut le 12 février 1853, du même mal qu’Inès. Citons cette lettre bien charmante, qu’Ondine adressait à son frère Hippolyte, de Saint-Denis d’Anjou, où elle s’était rendue avec son mari et sa mère pour se soigner : "Dans quelques jours, nous serons ensemble, cher frère, et il faut tout le besoin que nous avons de nous voir, pour nous consoler de rentrer dans ce Paris qui nous fait peur. Je n’ose pas penser à cette rue de Seine:il me semble que je vais retrouver là l’horrible hiver de l’an passé. Ici on oublie tout, on se plaint par genre, mais sans amertume; on n’entend point de sonnette. On s’éveille pour dire : "Va-t-on déjeuner ?, On se promène à âne et on rentre bien vite pour demander : "Va-t-on dîner ? Il y a des fleurs, des herbes, des senteurs de vie qui vous inondent malgré vous-même ; il y a une atmosphère d’insou- ciance qui vous berce et vous rend tout facile, même la souf- france. Que n’es-tu là ! Tu prendrais ta part à tant de biens ! Tu nous aiderais à traduire Horace dans un style élégant et phylosophique come celui-ci : 11 "Cueillons le jour, buvons l’heure qui coule, Ne perdons pas de temps à nous laver les mains ; Hâtons-nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain…… "Ne fais pas attention au pluriel rimant avec un singulier, c’est une licence que la douceur de la température nous fait admettre. Nous devenons véritables angevins:molles, comme dit César ou un autre…, , (Saint-Denis d’Anjou, octobre 1852. Lettre publiée pas Boyer d’Agen.) Mais Marceline était moins optimiste; elle s’effrayait de 1’" état de maigreur, de sa fille. Elle écrit au docteur Veyne qu’Ondine doit "avoir le ver solitaire ; car nuit et jour elle mange sans apaiser sa faim. Elle est immuable dans son système de se traiter par l’homéopathie. (Saint-Denis d’Anjou, 20 octobre 1852. Lettre publiée par B. Rivière). Ondine rentre à Paris ; son état s’aggrave, et sa mère est POÉSIES INÉDITES DE 1860 381 obligée de s’installer auprès d’elle, nuit et jour, pour la soigner. Relevons encore cette lettre navrante que Marceline écrit, à cette époque, au docteur Veyne : Je n’ose écrire, ni parler, sur un des plus durs intérêts de ma triste vie. Je concentre tout ce que j’ai de force et de courage pour marcher, pour veiller, pour souffrir, et garder en moi les tortures que Dieu m’envoie… Dans l’impossibilité où je suis de vous appeller à moi, je vais à vous, je vous conjure de voir votre ami, M. Camille Raspail, de mêler vos avis aux siens et l’intérêt de votre cœur à celui qu’il nous témoigne. Je ne puis aller vous voir, passant toutes mes journées près de ma chère Ondine. La solitude absolue qu’elle a voulue l’exalte souvent au lieu de la calmer. Tous ses esprits sont envahis de terreur muette. Elle prend toutes mes espérances et mes consolations pour des erreurs de mère, et sourit tristement à mes soins., , (de Passy, 19 décembre 1852. Lettre publiée par B. Rivière). Enfin, voici quelques mots que Marceline envoie à Sainte- Beuve, pour lui annoncer la mort d’Ondine : "Parmi tous, vous seul, je crois, devinez l’étendue de ma douleur. Je vous remercie de tous les sentiments qui vous la révèlent. Je vous remercie d’une larme de pitié qui vous vient aux yeux pour moi, et du serrement de cœur fraternel que sa perte vous cause, je le sens. Vous l’avez bien connue. Vous lui avez donné de la lumière pure. Vous avez aimé l’innocence de son sourire… Elle l’avait encore en fuyant… Oui, je vous remercie pour elle, sainte et douce créature. Je vous remercie pour moi et pour vous, d’avoir été son ami. Laissez-moi me signer la vôtre, Marceline Desbordes-Valmore., , (Paris, 15 Février 1853. Lettre publiée par A. Pougin). 52. Je ne dis rien de toi, toi la plus enfermée (INÈS). Sainte-Beuve, dans son volume sur Mme Desbordes-Valmore, décrivait Inès comme une jeune fille "délicate, poétique, une sensitive douloureuse, méfiante d’elle-même, tendrement jalouse, ; l’enfant de ce monde, disait sa mère, qui a le plus besoin de caresses !, 382 POÉSIES INÉDITES DE 1860 Marceline, dans ses lettres à son mari, parle souvent des soucis que lui causait Inès. Elle manifeste parfois un certain optimisme : Orléans, 8 mai 1839. "Sois tranquille sur Inès, son avenir est tracé. L’amour et la force du travail, l’esprit d’ordre et de rangement en feront une femme essentielle. Elle donnera des leçons de piano et tiendra sa maison ou la nôtre, avec des qualités essentielles au bonheur intime. Mais bientôt elle ne peut s’empêcher de confesser un peu de dépit : 26 octobre 1839. "Au tourment de ton absence se mêle une lassitude étrange de supporter de certains dégoûts attachés à des tendresses profondes, payées d’innocentes gratitudes. Inès me consterne par son caractère aigre et mécontent. Elle est dans une irritation ouverte d’avoir un mauvais piano, et toutes mes preuves d’amour ont été sans fruits. Des plus, elle m’a dit ses répugnances vani- teuses pour aller au cours qu’elle déteste. J’en sais bien la cause, c’est que sa sœur y a eu des succès. Cette triste jalousie se renouvelle sous toutes les formes… Ces graves enfantillages m’ont fait pleurer toute la journée., Un peu plus tard, elle écrit : 12 Paris, 8 novembre 1839. "Nous parviendrons à l’assouplissement du cœeur d’Inès. Elle a de belles et inaltérables qualités, mais elle est rude et ambitieuse. Sa sœr est ambitieuse, mais avec plus de grâce, et tient même à la parure. Mais il faut qu’elle m’aide à désarmer sa cadette qu’elle offense par des airs un peu méprisants. " (Correspondance publiée par Boyer d’Agen). 53. Ma mère, entendez-vous quand la lune est levée (LA VOIX PERDUE. Ma fille Inès). Cette pièce avait paru en 1850 dans le Musée des Familles. POÉSIES INÉDITES DE 1860 383 La voix d’Inès était d’une douceur pénétrante ; et comme la voix de Marceline, elle "faisait pleurer. Les progrès de la maladie donnaient à cette voix des accents déchirants, qui torturaient le cœur de la mère, lorsque l’enfant faisait de vains efforts pour moduler certains airs flottant dans sa mémoire ; ils ne sortaient plus qu’étouffés, de cette gorge brûlante et dessé- chée. Celle qui la veillait en l’écoutant, pleurait dans la chambre à côté (Note de Lacaussade, édition Lemerre, III, 251). Frédéric Lepeytre avait une fille de l’âge d’Inès, qui s’appelait Blanche. Marceline parlait souvent à son ami marseillais des dons musicaux de ses enfants. Le 23 décembre 1839, elle lui écrivait : "Blanche est-elle toujours musicale ? Mon Inès, ma Blanche à moi, suit cette vocation d’instinct. Elle chante avec ses doigts tant qu’elle à de temps et de force., , Le 31 octobre 1844, elle mande au même correspondant : "La voix mélodieuse d’Inès est bien enfermée et son piano solitaire ! Et un an après : "La voir debout, marcher un peu, sourire et rire, prendre quelque nourriture, ce doit être, à mes yeux, la santé comparée aux tortures que je lui ai vu subir ; mais tout est incomplet, tremblant, extasié chez cette petite sainte enfant, si bien organisée pour chanter les tendres cantiques. Mélodieuse jusq’aux doigts, si légers et déjà si habiles sur le piano, qu’elle regarde main- tenant les larmes aux yeux., (Lettre publiée par H. Valmore). Dans l’album relié de cuir noir de la Bibliothèque de Douai, une jolie photographie d’Inès est collée au feuillet 25. Foi. 54. Si je pouvais trouver un éternel sourire (TRISTESSE. Au docteur Veyne). Le docteur Veyne, qui avait soigné toute la famille de Marceline avec le plus grand dévouement, recevait aussi avec la meilleure grâce tous les amis et parents milades que la poétesse lui envoyait. Voici quelques lettres que celle-ci lui adressait pour le remercier des soins qu’il avait donnés à Inès. 384 POÉSIES INÉDITES DE 1860 Décembre 1846. "Mon ami, je voudrais soulever les ténèbres, où Dieu m’a jetée. Je ne l’ai pu que dans un rêve désespéré. Là, je vous ai serré avec une sainte reconnaissance contre mon cœur brisé. Que ce témoignage monte avec ce que j’aime et retombe comme une bénédiction sur votre généreuse vie ! Sa mère qui vous chérira toujours. Marceline Valmore. 17 5 Février 1848. "Cette boîte était destinée à mon enfant pleurée. Elle l’a tenue dans ses mains chéries. Je prie notre bien-aimé docteur de la garder dans les siennes : le souvenir d’un ange y donne un prix. Dieu seul et moi savons de quel trésor elle eût voulu la remplir en vous l’offrant, bien cher ami ! Tous ces rêves charmants. ne peuvent être évanouis, puisque je les ai entendus, et que mon cœur respire encore. Prenez-les !, , (Lettre inédite conservée à Douai). Quatre ans après la mort d’Ondine, Mme Desbordes- Valmore, souffrant du mal qui devait bientôt l’emporter, écrivait au bon docteur cette lettre émouvante (3 février 1857) : "Il vous est bien démontré, cher et fidèle ami, que j’ai renoncé à toute prétention de m’acquitter jamais envers vous, même à la simple douceur de vous offrir parfois ces humbles présents de l’âme, qu’une âme comme la vôtre accueille avec plus d’émotion que le prix de tant de soins… Et quels soins ! Inscrits au ciel depuis dix ans déjà !… pour vous porter bonheur ici ! C’est ma croyance sous tant de larmes ! "Mais toutes les ruines accomplies (je parle de moi) n’amè- nent pas le desséchenient du cœur, et vous y nagez en pleine tendresse, cher et généreux ami médecin, selon Dieu, vrai Sama- ritain du pauvre et du blessé ! "Ainsi vous puiserez, dans l’écritoire qu’Hippolyte vous porte au nom de sa mère, tous vos décrets de santé et de consolation terrestre dont les malheureux ont besoin, et qu’ils sont sûrs d’obtenir en s’adressant à vous, charité vivante !, , (Autographes à la Bibliothèque de Douai). POÉSIES INÉDITES DE 1860 385 Citons encore ce billet envoyé à F. Lepeytre qui venait del perdre sa fille Blanche ; c’est la meilleure illustration que nous puissions trouver à Tristesse : "L’effroi d’affliger ceux qui m’entourent est l’unique sauve- garde qui les assure de moi. Causer une douleur à un cœur vivant me donne jusqu’à la force de feindre un courage que je n’ai pas. Je ne connais plus d’autre énergie que la feinte, et c’est inexplicable d’être si absolument défaite en soi, quand il reste tant à aimer, quand on croit par l’instinct, par la raison, par la volonté, à l’immense pouvoir et à l’immense bonté de Dieu qui nous rendra tout, parce qu’il l’a promis sur sa parole de Dieu et de père, Frédéric ! Mais que voulez-vous ? Je reste poignardée comme vous l’êtes. Je ne me sens plus vivre, parce que je sens toujours mourir mon enfant. Tout est là., , (27 octo- bre 1847. Lettre publiée par H. Valmore). 55. Il est du moins au-dessus de la terre (REFUGE). 56. Eglise ! église où de mon âme (RETOUR DANS UNE ÉGLISE). 57. Ma mère est dans les cieux, les pauvres l’ont bénie (QUAND JE PENSE À MA MÈRE). Cette pièce a été réimprimée dans les Poésies de l’Enfance (1868). 58. Ah ! l’enfer est ici ; l’autre me fait moins peur (LES SANGLOTS. A Pauline Duchambge). A la dernière des pages si ferventes qu’il a consacrées à Mme Desbordes-Valmore, Paul Verlaine écrit : "Résumons. notre admiration par cette admirable citation, ,. Puis, cette pièce citée, il poursuit : "Ici la plume nous tombe des mains et des pleurs délicieux mouillent nos pattes de mouche. Nous nous sentons impuissant à davantage disséquer un ange pareil ! Et, pédant, puisque c’est notre pitoyable métier, nous proclamons à haute et intelligible voix, que Mme Desbordes-Valmore est tout bonnement la seule femme de génie et de talent de ce G. Cavallucci — Bibliographie de Marceline Desbordes-Valmore 25 386 POÉSIES INÉDITES DE 1860 siècle et de tous les siècles, en compagnie de Sappho peut-être et de Sainte Thérèse (Les Poètes maudits, page 70) (1). 59. Par un rêve dont la flamme (UNE NUIT DE MON ÂME). 60. Pleurez, comptez les noms des bannis de la France (LES PRISONS ET LES PRIÈRES). Ce poème a été inspiré par la Révolution de 1848. Voici quelques extraits de lettres de Marceline, dont cette révolution fait le sujet : 14 juillet 1848. "Ton bon neveu Hippolyte n’a pas fait le coup de feu parmi ces guerres fraternelles, les plus déchirantes de toutes les guerres, quoique les hommes de toutes les nations soient aussi nos frères ; mais la différence de mœeurs, de langage forme une sorte de séparation volontaire et rend moins tendre par ce mot étranger, qui sépare d’eux nos symphathies d’entrailles. C’était donc bien affreux d’entendre les mêmes voix, les mêmes paroles durant ces agressions mutuelles, qui faisaient ruisseler un sang si cher, si généreux ! Mon bon frère, mon cher ami, que c’était triste !… On a toutefois exagéré considérablement le chiffre des victimes réciproques. Il y en a bien assez pour cinquante ans de larmes ; car on compte rigoureusement seize cents, hors les blessés, qui succombent encore tous les jours. Il y a eu de part et d’autre des traits de violence, de colère cruelle, mais bien plus de traits sublimes, de pitié, de clémence, d’amour ; après quoi le courage français n’a manqué nulle part. Que Dieu juge et pardonne !, , 1er Septembre 1848. Je prie la Vierge et Dieu de m’inspirer. Mais le moment est grave et tant de peine à la fois attristent pour moi jusqu’au (1) Carducci lui-même ne reconnaît que deux poétesses : Sapho et Marceline. Lire à ce sujet, surtout quant à l’influence de Desbordes-Valmore sur Paul Verlaine, l’essai critique de l’éminent Professeur Ferdinando Neri, paru pour la première fois dans la Nuova Antologia, du 16 septembre 1915 et reproduit dans l’ouvrage "Il maggio delle Fate, pp. 165-83 (Casa Ed. Gius. Gambino, Torino). POÉSIES INÉDITES DE 1860 387 soleil, aux arbres qui m’ont toujours été si bons dans mes afflictions, et l’Eglise non plus n’a plus son charme ; car ce n’est plus de la mélancolie que j’y porte, c’est le souci rongeur et caché d’une amitié impuissante pour les miens ! 6 mars 1849. "Vous êtes tous bien malheureux, de quelques nations, de quelques opinions que vous soyez ! Aussi l’amour et la pitié devraient vous entrelacer comme une longue chaîne d’amis qui remonte à notre père Sauveur. Je suis si souvent noyée de larmes dans ma tendresse inutile pour nos pauvres parents et tout ce qui souffre sur la terre… 28 juin 1849. "Il vient de se passer à Paris des événements si sombres qu’ils ressemblaient encore une fois à une autre vie. Si l’enfer existe, nous l’avons entrevu. La mort tirait à coup de flèches partout. On ne la voyait pas et l’on tombait. Je ne peux plus me tenir ferme après tant de pertes d’amis et le spectacle des rues pleines de convois où ceux qui suivaient ne rentraient pas tous chez eux !, ,. 61. Comme l’ardent mineur ensevelit sous terre (AU CITOYEN RASPAIL). Marceline ne s’occupait pas de politique, mais elle s’apitoyait sur tous les prisonniers, sur tous les déportés. Aussi la voit-on se préoccuper sans cesse de Raspail, qui avait été condamné en 1849 à cinq ans de détention. Elle voyait dans le prisonnier de Doullens un bienfaiteur du peuple, un martyr humanitaire, et elle ne cessa de le suivre de sa pensée et de ses vœux dans l’exil et le bannissement. Touché de cette amitié douce et fidèle, Raspail écrivait à la poétesse des lettres enthousiastes, où il la nommait" sa Muse. A quoi Marceline répondait avec sa modestie coutumière : J’ai une prière à vous faire, et vous me l’accorderez au nom de votre tendre et candide fille : ne me donnez jamais celui de muse. Non, ce n’est pas moi ; je suis si triste, si vraie, chère 388 POÉSIES INÉDITES DE 1860 âme généreuse, que je ne mérite pas l’ombre de la moquerie, si innocente qu’elle soit de votre part. Vous voyez bien que je sais à peine l’orthographe de tout ce que mon cœur de mère vous écrit, (octobre 1855. Lettre publiée par Sainte-Beuve, Mme D.-V.). Pendant la maladie d’Ondine, Marceline avait demandé des conseils à Raspail. Quand sa fille mourut, elle écrivit à son héros une lettre désespérée, où nous relevons cette phrase : "Tout est fini, sinon l’immense regret que vous n’ayez pas été là pour la sauver ! 62. J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée (LA COU- RONNE EFFEUILLÉE). Cette pièce avait paru dans les Confidences Poétiques (1850), sous le titre : Ferveur. Cette pièce reparut le 20 mars 1856, sous le titre Refuge dans le numéro 42 de la Revue Française. Sainte-Beuve a écrit sur un exemplaire de la dite revue qui est en la possession de M. de Favreuil : "Je donnerais pour cette seule pièce tout le bagage poétique de Mme Collet, (On notera que le célèbre critique orthographie avec deux le nom de l’ennuyeuse amie de Flaubert). 63. Pardonnez-moi, Seigneur, mon visage attristé (RENON- CEMENT). 64. Que mon nom ne soit rien qu’une ombre douce et vaine (***). Marceline considérait ce quatrain comme un épilogue à son œuvre poétique et il est singulier qu’on ne l’ait point gravé sur sa tombe. ENFANTS ET JEUNES FILLES. 65. Ah ! si j’étais le cher petit enfant (POUR ENDORMIR L’ENFANT). Pièce réimprimée dans les Poésies de l’enfance (1868). POÉSIES INÉDITES DE 1860 389 66. Mère, un cheval est à la porte (SELON DIEU). Cette pièce a été reproduite dans les Poésies de l’En- fance (1868). 67. Petits enfants heureux, que vous savez de choses (AUX NOUVEAU NÉS HEUREUX). 68. Vous qui n’avez jamais parlé (AUX NOUVEAU NÉS PARTIS). 69. Mère, je veux crier et faire un grand tapage (LE PETIT MÉCONTENT). Cette pièce avait été publiée dans le Musée des Familles (1846), et dans les Anges de la Famille (1849) ; elle a été réim- primée dans les Poésies de l’Enfance (1868). 70. J’ai vu bien des enfants mal éclos dans ma vie (LE PETIT BRUTAL). Cette pièce a été réimprimée dans les Poésies de l’En- fance (1868). 71. L’enfant disait au nuage (LE NUAGE ET L’ENFANT). Cette pièce avait déjà paru dans les Anges de la Famille (1849) et dans le Musée des Familles (1855) ; elle a été réimprimée dans les Poésies de l’Enfance (1868) et dans les Contes et scènes de la vie de famille (1865). 72. Les enfants sont venus vous demander des roses (OUVREZ AUX ENFANTS). Cette poésie a été reprise dans les Poésies de l’Enfance (1868). 73. Voix d’enfants, ô voix qui chantez (LA PRIÈRE DES ORPHELINS). Cette pièce a été reproduite dans les Poésies de l’Enfance (1868). 390 POÉSIES INÉDITES DE 1860 74. Lève sur tes genoux ta plus petite fille (A M. DUBOIS, Directeur de L’Hôpital de Douai, Sa petite fille). Cette poésie se retrouve dans les Poésies de l’Enfance (1868). M. Dubois, économe de l’hôpital général de Douai, entourait de soins et d’égards la vieillesse ombrageuse de Félix ; il rem- plaçait Marceline au chevet de son frère. "… la Providence vous a envoyé le meilleur des hommes. pour vous diriger, écrivait Marceline au pauvre Félix, le 5 juillet 1849. Quelle bonne et sérieuse influence un si honnête homme peut étendre sur son administration ! "M. Dubois, tel que tu me le dépeins, vivra dans la mémoire de son pays, parce qu’il en comprend le vrai malheur et la vraie religion, aidant les riches à être généreux, aidant les pauvres à être résignés. "Cette gloire dans l’ombre monte bien haut ; qu’en dis-tu, Félix ? Je ne désespère pas d’aller un jour serrer la main à l’un de mes plus chers et plus honorés compatriotes. Ce vœu est un de ceux qui m’attirera le plus puissamment dans ce pays qui m’est demeuré si vivant dans l’âme. J’irai, s’il plaît à Dieu, remercier moi-même Monsieur Dubois de t’avoir aidé…, , (Auto- graphe à la Bibliothèque de Douai). Félix avait demandé à Marceline d’écrire des vers pour son bienfaiteur ; celle-ci lui répondit le 24 mai 1850 : "Les vœux en vers que tu souhaites pour le mois de juillet sont à peu près au net : trois strophes, comme je les penserais en prose pour la fête de mon propre père, si j’avais le bonheur de lui souhaiter sa fête et d’être enfant !.. Je ne le suis plus que dans le fond de mon âme, qui reste toute jeune et tendre comme mon père l’a faite. Quel âge a donc l’enfant de Monsieur Dubois ?, , (Lettre conservée à la Biblio- thèque de Douai). Les trois strophes de Marceline figurent dans un des Albums de la Bibliothèque de Douai. Elles sont précédées du titre : "La jeune enfant de Monsieur Dubois à son père, le jour de sa fête. }} POÉSIES INÉDITES DE 1860 391 75. Maman ! comme on grandit vite (LA GRANDE PETITE FILLE). Cette pièce avait été publiée en 1849 dans les Anges de la Famille ; elle a été réimprimée dans les Poésies de l’En- fance (1868). 76. Si j’étais assez grande (L’ENFANT AU MIROIR. A Mlle Émilie Bascans). Cette pièce avait paru en 1849 dans les Anges de la Famille et en 1868 dans les Poésies de l’enfance. Dans son livre sur Marceline Desbordes-Valmore, sa vie et son secret, M. Jacques Boulenger écrit de cette jeune fille (p. 288) : "Mlle Sophie Lagut, née en 1800, avait épousé à trente-huit ans Ferdinand Bascans, d’une année plus jeune qu’elle. C’était un ami d’Armand Marrast. Naguère gérant d’un journal d’opposition, La Tribune de Sarrut, il avait récolté en cette qualité je ne sais combien de duels, trois accusations capitales devant le conseil de guerre, soixante-cinq saisies, autant de procès, trente-deux mois de prison, deux arrestations préventives, et plus de 60.000 frs d’amendes ou de frais de justice ; après quoi, devenu l’heureux époux de Me Lagut, il s’était mis à enseigner avec douceur la philosophie et la littérature à l’insti- tution de sa femme, sise 70, rue de Chaillot… Il a eu deux filles, Emilie et Emma., , C’est dans ce pensionnat qu’Ondine débuta comme sous-maîtresse ; elle y gagnait 500 frs par an. 77. Ah ! je suis inconsolable (LA JEUNE PENSIONNAIRE). Cette poésie avait paru dans les Anges de la Famille (1849), dans les Confidences Poétiques (1850) sous le titre Frivolité ; elle fut réimprimée en 1868, dans les Poésies de l’Enfance. 78. On gronde l’enfant (LA PETITE PLEUREUSE À SA MÈRE). Cette poésie avait été pubbliée dans les Anges de la Famille (1849) et dans le Musée des Familles (1850) sous le 392 POÉSIES INÉDITES DE 1860 titre Pleurs et fleurs ; on la retrouvera dans les Poésies de l’Enfance (1868). 79. Bonjour, la jeune fille (L’OISEAU). Cette pièce avait paru déjà en 1849, dans les Anges de la Famille. 80. Poursuivant les nuées (LES DANSES DE LORMONT). Voir la note pour la poésie intitulée A Georgina Nairac (Poésies de 1825, n° 9). 81. Ah ! la danse ! la danse ! (LA DANSE DE NUIT). 82. Eh ! pourquoi pleures— tu ! Ta colombe était vicille (LE FANEUR ET L’ENFANT). Cette pièce été réimprimée dans les Poésies de l’Enfance (1868). 83. Enfant, d’une pierre lancée (LE CHIEN ET L’ENFANT). On retrouvera cette pièce dans les Poésies de l’Enfance (1868). 84. Pardon ! n’est-ce pas vous que j’ai vu une fois (REN- CONTRE D’UNE CHÈVRE ET D’UNE BREBIS). Le deuxième vers de l’avant-dernière strophe doit se lire : "Ah ! que votre âme est molle et lente à s’enflammer !, , 85. Pourquoi vous a-t-on mis ce casque sur la tête ? (LES PROMENEURS). POÉSIES DIVERSES. 86. Ton nom au plus distrait donne de la mémoire (A. M. BOUILLY). L’académicien Bouilly disait de Marceline qu’elle était une " embaumeuse de vieillards, ,. (A. Pougin, op. cit. p. 101). "M. Bouilly, écrivait la poétesse à son oncle Constant (21 juin POÉSIES INÉDITES DE 1860 393 1826), voulait me faire un rôle de princesse déguisée quand j’étais à Feydeau, parce que M. Grétry disait que j’avais l’air d’une petite détrônée. Je ne me souviens pas d’avoir régné nulle part ; je n’ai senti ni mon sceptre, ni ma couronne. 17 87. Que vous soyez pour tous la charité qui pleure (A MADAME ***) 88. O fille de Molière ! ô voix de son génie (A MADE- MOISELLE MARS). "Belle ombre ! viens planer sur nos fronts pleins de larmes ; D’un seul mot reconnu fais-y crouler les charmes ; Et juge alors, délice et regret de nos yeux, Du ciel et de la terre où l’on t’aime le mieux., Mademoiselle Mars, l’amie fidèle et dévouée de Marce- line mourut au mois de mars 1847. Un premier jet de cette pièce, que nous avons eu entre les mains, se termine par une troisième strophe, dont voici le texte : Le 7 avril 1847, Marceline mandait de Paris à son frère Félix : "A peine avais-je été frappée de la perte foudroyante de Monsieur Martin du Nord, que je suis saisie de douleur par celle de Mademoiselle Mars, cette bien-aimée de toute ma vie. Je l’adorais dans son génie et dans sa grâce inimitable. Je l’aimais profondément comme amie fidèle, que nos infortunes n’ont jamais refroidie. Au milieu de sa fatale maladie, elle était encore agitée du désir de placer mon cher Valmore à Paris. Mon bon Félix, je t’en prie, dis une prière pour cette femme, presque divine. Si tu savais quelle part profonde elle a pris à mon malheur de mère, tu l’aimerais comme on aime un ange ; et c’est comme tel que je la pleure. Je suis donc une femme bien désolée, mon pauvre ami. (Lettre conservée à la Bibliothèque de Douai). 89. Quand vous m’avez écrit tout ce que femme ou mère (LE SOLEIL LOINTAIN. A Madame Marie d’Agoult). 394 POÉSIES INÉDITES DE 1860 Cette poésie se retrouve dans l’Album nº 3 (Coll. de Douai), sous le titre : A Marie d’A., , Elle avait paru, en 1846, dans La Corbeille sous le titre Plainte à Mme M. D. (signée Marce- line Valmore). Mlle de Flavigny, pianiste de talent, avait épousé le comte d’Agoult qui signait en littérature Daniel Stern. Elle était la muse et l’amie de Chopin, d’Émile Girardin et de Liszt. Nous emprunterons à une lettre que Marie d’Agoult écrivait à Marce- line, quelques lignes qui témoigneront du ton amical qui régnait entre les deux femmes : "Je voudrais vous réunir un jour à dîner avec M. de Lamennais. Vous me direz le jour où vous seriez libre. Je sais qu’il serait heureux de vous voir. M. de Vigny aussi, qui vous appelle le plus grand esprit féminin de notre temps…" 90. La mort vient de frapper les plus beaux yeux du monde (MADAME ÉMILE DE GIRARDIN). Marceline connaissait depuis longtemps Sophie Gay et sa fille Delphine, et elle partageait l’admiration que tout Paris lui portait. Dans son livre sur Une Muse et sa Mère, Hector Malo narre le fait qui suit : Quand Sophie Gay et sa fille passèrent par Lyon pour se rendre en Italie, "Delphine s’accouda au balcon de son hôtel, belle, imposante comme la Rachel de la Bible, couverte de cheveux blonds qui retombaient sur toutes ses roses. La foule émerveillée passe et repasse devant elle. Valmore assiste à la scene. Il court chercher sa femme, vite vite, pour lui faire voir, ce que, dit-il, elle ne verra jamais. L’em- pressement de la foule oblige Delphine à fermer sa fenêtre par une chaleur torride ; encore les curieux la regardent-ils à travers les vitres. Marceline juge ainsi Delphine Gay à cette époque : Je sus bientôt par moi-même qu’elle était bonne, vraie comme sa beauté. En l’examinant avec attention, on ne tombait que sur des perfections, dont l’une suffit à rendre aimable l’être qui la possède. Delphine épousa, le 1er juin 1831, Emile de Girardin, le fondateur de La Presse. Au lendemain même de la mort de Mme de Girardin, POÉSIES INÉDITES DE 1860 395 Marceline envoya ce poème à Girardin, en l’accompagnant des lignes que voici : "Je confie ces vers à votre chère loyauté ; si vous ne les trouvez pas dignes de cette belle pleurée, il ne faut pas les donner. Ce que j’ai souffert en les écrivant ne me serait pas compté. Ce n’est pas pour vous que je dis cela ; car vous êtes trop porté à pardonner tout à ceux qui pleurent !, , Dès que Michelet eut lu ces vers, il adressa ce billet à Marceline : " 22 novembre 1855. La voilà sauvée, Madame ! Une ligne de vous, c’est l’immortalité. Le sublime est votre nature ; mais vous avez été des plus intrépide en la montrant au foyer même. Nous vous baisons la main, tout émus de ce grand cœur. J. Michelet (Lettre publiée par A. Pougin). 12’M. Georges Heilbrun possède l’exemplaire des Poésies de 1860 qui a appartenu à Emile de Girardin. Cet exemplaire est relié en chagrin violet et frappé sur les plats d’un G. gothique. Le texte du volume est corrigé en un endroit, en un seul ; c’est au premier vers de la présente pièce qu’on lit après la correction : "La mort vient de fermer les plus beaux yeux du monde 91. Cette rose ravie aux roses du jardin (LA ROSE EFFEUILLÉE, de Cowper). Cette pièce avait paru dans le Chansonnier des grâces de 1829, sous le titre:La rose de Cowper; on la retrouve dans un album de Douai, mais avec de nombreuses variantes. Ondine Valmore a traduit des poésies de W. Cowper. Dans les papiers de Marceline qui appartiennent à la Bibliothèque de Douai, on conserve la traduction en vers qu’Ondine fit d’une pièce de Cowper : Jacques Boulenger l’a publiée dans le Secret de Mar- celine (page 298). 92. Attiré vers le ciel par d’invisibles charmes (MADAME HENRIETTE FAVIER). 93. Cáche-les dans ton cœur, toi dont le cœur pardonne (A MA SŒUR CÉCILE). C’est au verso d’une lettre adressée à Cécile que Marceline a tracé ce quatrain ; la lettre porte la date : « 19 août 1852 ».

94. Tant de flamme a brûlé sa vue (À MADAME DE TAV…, DEVENUE AVEUGLE).

95. Son âge encore tenait à l’espérance (À GEORGES P…, TUÉ PRÈS DE SON PÈRE EN 184…)

96. Semez sur lui des fleurs, des fleurs, jeunes pleureuses ! (LES FLEURS DE JEAN PAUL. Sur un enfant).

Ces vers ont été inspirés par une poésie de Jean-Paul Richter, le célèbre et étrange « Jean-Paul » que les Allemands appellent l’« unique ».

97. Calme et sainte maison par beaucoup enviée (À MADEMOISELLE ISAURE PARTARRIEU. Elle avait mis mon portrait parmi ses colombes).

98. Quand mon ombre au soleil tremble seul et s’incline (L’AMIE).

99. Toute fleur bénit sur la terre (L’AUMÔNE).

Cette pièce a été réimprimée en 1868 dans les Poésies de l’Enfance.

100. L’air est brûlant, la valse tourne et vole (L’INVITATION À LA VALSE).

101. Une église sans lumière (L’ANGE ET LA COQUETTE).

Cette poésie a paru pour la première fois dans le Papillon du 16 Mars 1834. 102. L’autre nuit, le voisin qui pleure (LE VOISIN BLESSÉ).

103. Cesse de m’apprendre (OÙ VAS-TU ?)

104. Vois-tu, si j’avais ta beauté (LES DEUX MARINIÈRES).

105. Jardin de ma fenêtre (LALY GALINE SEULE).

Cette pièce, extrait de Pauvres Fleurs (1839), avait été réimprimée en 1840 dans la Revue de Paris, sous la signature : Valmore-D.

106. Entends-tu le canon du fort (LES DEUX MARINIÈRES).

Pièce extraite de Pauvres Fleurs (1839).

107. Si j’étais la plus belle (LA FIDÈLE).

108. J’entends sonner dimanche (UN DÉSERTEUR).

Cette romance avait été publiée en 1835 sous la forme de morceaux de musique, avec de la musique de Chassevent et de Pauline Duchambge.

Le 14 juin 1844, Marceline répondait à un correspondant qui lui avait demandé une poésie inédite : « Monsieur, rien d’inédit, rien de complet, que l’humble et dernier chant d’un soldat que je vous envoie bien tard peut-être ! Mais toutes sortes d’incidents me justifient, sans parler du regret réel que j’éprouve de n’avoir à vous offrir que ce lointain souvenir d’une prison de Flandre où j’ai vu le pauvre déserteur, qui me paraissait penser à ce que j’ai beaucoup affaibli par de petites rimes. » (Lettre inédite, Collection H. de Favreuil).

109. À toi le monde ! à toi la vie (LA PAUVRE FILLE).

110. La fileuse file en versant des larmes (FILEUSE).

111. Entends-tu sonner l’heure (LE RÊVE À DEUX).

Cette pièce figure dans l’Album n° 4 de la Bibliothèque de Douai avec le sous-titre : Aux jours d’Orient.

112. Tu fais de longs jours (LE TRÈFLE À QUATRE FEUILLES).

Cette pièce avait été publiée vers 1845 dans le Keepsake Les Marguerites ; elle y avait pour titre : Tu portes bonheur.

Monsieur A. H. de Favreuil possède dans sa collection plusieurs rédactions de cette poésie ; dans l’une d’elle, le poème est intitulé : Trèfle étoilé, et il est dédié : À Madame Elisa Busnach, née Rodrigues Fradin. Une autre rédaction a pour titre : l’Étoile verte

Le 6 février …, Marceline envoyait cette poésie à un directeur de journal (peut-être monsieur Duthillœul ?) en l’accompagnant du billet que voici :

« J’ai tardé longtemps, Monsieur, dans le chagrin, de répondre par cette médiocrité que je vous envoie, au don que l’on me fait d’un beau journal où j’ai lu des vers distingués de nos chers poètes. Mais vous savez que tout ce que je possédais vient d’être imprimé, et que je n’ai pas même le choix dans ces choses plus ou moins faibles que me jette un rayon de soleil ou de lune, bien rarement encore ; car d’autres soins, vous le savez aussi, me tiennent tout entière. Ne donnez donc pas ce brin d’herbe, si vous le trouvez humble par excès ; mais gardez-le comme preuve de ma fidélité à toute promesse et reconnaissance. » (Lettre inédite de la collection H. de Favreuil).

113. Ouvrez, ouvrez ! Je suis bonne nouvelle (ESPÉRANCE).

Cette pièce a été réimprimée dans les Poésies de l’Enfance (1868).

114. Caravane aux voix enflammées (LES OISEAUX).

Cette poésie se retrouve dans les Poésies de l’Enfance (1868).

115. Si porteuse d’ailes (PRIÈRE envoyée au Mont Carmel pour les prisonniers du Mont Saint Michel, 1843).

116. Les toits étaient dorés par le couchant (LE BANNI).

117. Quand les Anges entre eux se parlent de la terre. (FRAGMENT).

  1. Un romantique républicain, H. de Latouche (1785-1851). Paris, les Belles-Lettres, 1932.
  2. Lettre inédite à Madame Duvernet, publiée par Fr. Ségu, pp. 36-37.
  3. Cf. la pièce célèbre de Bouquets et Prières.
  4. V. Poésies de 1830, n° 12.
  5. Cette pièce fait partie de Pauvres fleurs.
  6. Valmore, que nous savons jaloux, ne lisait donc jamais ni les lettres de sa femme, ni ses carnets, ni ses ouvrages !