Biographie nationale de Belgique/Tome 1/ARNOUL IV

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ARNOUL IV, fils aîné de Louis III, comte de Looz, régnait déjà en 1227 ; car il intervint, cette année, en qualité de comte de Looz, dans une charte par laquelle Thierri de Heinsberg légua une partie de ses biens à l’abbaye de Herckenrode (Wolters, Cod. dipl. loss., p. 106). Deux ans après, il épousa Jeanne, fille de Louis, comte de Chiny, qui, outre le comté de Chiny, lui apporta en dot les terres de Givet, d’Agimont et d’Embise.

En 1234, répondant à l’invitation du pape Grégoire IX, Arnoul prit la croix et participa avec ses troupes à la croisade dirigée contre des hérétiques du diocèse de Brème connus sous le nom de Stedings ou Stadingers. C’étaient des étrangers, pour la plupart Hollandais ou Frisons, auxquels les archevêques de Brême avaient concédé des terres sur les bords du Weser, de la Hont et de la Jade, dans les districts qui composent aujourd’hui le duché d’Oldenbourg. Ils avaient chassé leurs prêtres et, suivant quelques historiens, voulaient contraindre le peuple à retourner à l’idolâtrie ; mais il est plus probable qu’ils s’étaient bornés à adopter les erreurs des Albigeois. Arnoul assista au combat livré à Oldennesch, sous le commandement de Gérard de Lippe, archevêque de Brême, combat où les rebelles furent en partie taillés en pièces et en partie noyés dans le Weser.

Depuis cette expédition, la vie d’Arnoul fut constamment absorbée par des guerres ou par des négociations importantes. En 1238, il prêta le secours de son armée à l’évêque de Liége, Jean d’Eppes, contre les attaques de Waleran, seigneur de Montjoie et de Fauquemont, qui avait brûlé la ville de Theux et, après avoir ravage le pays de Franchimont, était entré à main armée dans la principauté. Ils poursuivirent Waleran jusqu’au pied de sa forteresse de Poilvache, située dans le voisinage de Dinaut, sur des rochers presque inaccessibles. Arnoul y resta jusqu’au moment où les Liégeois, à cause de la mort de Jean d’Eppes, crurent devoir opérer leur retraite. En 1239, il réconcilia Henri II, duc de Brabant, avec Wauthier Berthout, seigneur de Malines, et lui donna en mariage Marie, fille de sa sœur et de Guillaume, comte d’Auvergne ; à la même occasion, le duc de Brabant et le comte de Looz se garantirent, pour eux et leurs successeurs, la paisible possession de leurs domaines, avec promesse de lutter de toutes leurs forces contre ceux qui voudraient y porter atteinte. En 1240, il écrivit, avec le duc de Brabant, le duc de Limbourg, le comte de Gueldre et plusieurs autres princes, une lettre au pape Grégoire IX, pour l’engager à se réconcilier avec l’empereur Frédéric II. En 1241, il se rendit à Liége, pour y signer, avec d’autres feudataires de l’Empire, une déclaration de foi et d’hommage au même Empereur, dont il reçut en échange la garantie de tous les droits et de toutes les possessions de la maison de Looz. Il promit solennellement à l’Empereur de rester fidèle à son fils Conrad, roi des Romains ; ce qui ne l’empêcha pas d’assister, sept ans plus tard, à Cologne, au couronnement de Guillaume II, comte de Hollande, que les partisans du pape Innocent IV, après l’excommunication de Frédéric, avaient placé sur le trône impérial. En 1244, on le voit engagé dans une guerre avec Henri de Heinsberg, guerre dont les causes ne sont pas bien connues, mais qui se termina par la trêve conclue, le 20 juillet de cette année, à Loithe près de Venloo, entre Conrad Ier, archevêque de Cologne, le duc de Brabant et le comte de Saine, d’une part, le comte de Juliers et son frère Waleran, de l’autre. Cet acte de pacification renferme, au sujet des démêlés d’Arnoul et de Henri de Heinsberg, la clause suivante : « Le comte de Looz s’engage à restituer à noble homme Henri de Heinsberg et aux siens tout ce qui pourrait leur avoir été enlevé par lui et par les siens ; et le sire de Heinsberg en agira de même envers Arnoul, comte de Looz, et les siens. » Mantelius présume qu’Arnoul IV, intimement allié au duc de Brabant, était sorti du château de Stockem pour envahir les terres voisines du sire de Heinsberg, que des liens féodaux attachaient au comte de Juliers. En 1248, prévoyant le brigandage et l’anarchie qui devaient envahir l’Allemagne à la mort de Frédéric II, Arnoul conclut une confédération avec l’évêque de Liége, le duc de Brabant et le comte de Gueldre, pour la défense de leurs territoires respectifs. En 1255, il concourut puissamment à la soumission des habitants de Liége, de Saint-Trond et de Huy, qui s’étaient révoltés contre l’évêque Henri de Gueldre.

Arnoul IV jouissait, au plus haut degré, de l’estime et de la confiance de ses contemporains et, de même que son prédécesseur Arnoul III, il profita, plus d’une fois, de cette haute position, pour remplir le rôle d’arbitre et de conciliateur entre les princes voisins. Le 15 juin 1247, il rendit, avec Conrad, archevêque de Cologne, et quelques autres, un jugement arbitral destiné à mettre un terme aux dissentiments survenus, au sujet du comté de Berg, entre la comtesse Ermengarde et son fils aîné Adolphe. Le 4 octobre 1265, il concourut, avec Henri de Gueldre, évêque de Liége, à une autre sentence arbitrale ayant pour but de réconcilier les habitants de Cologne avec leur archevêque Engelbert II. En 1269, le même Henri de Gueldre s’en remit à la décision du comte de Looz, pour déterminer le nombre de personnes par lesquelles il devait faire hommage à l’archevêque de Reims. En 1272, il fut nommé arbitre dans un différend qui avait surgi entre le chapitre de Saint-Servais de Maestricht, d’une part, les officiers du duc de Brabant et les habitants de la ville, de l’autre. Nous avons déjà parlé de l’accord conclu, sous ses auspices, entre le duc de Brabant et le seigneur de Malines.

Mais les négociations et les combats n’empêchaient pas Arnoul IV de se vouer, avec autant d’intelligence que de générosité, à l’amélioration du sort de ses sujets. Au mois de mai 1232, il accorda à Hasselt, qui n’était encore qu’un village, tous les priviléges et toutes les libertés dont jouissaient les bourgeois de Liége, à condition de ne pas toucher aux droits régaliens du comte et de respecter ses revenus ; et ce fut lui qui, au grand avantage des habitants, fit creuser le canal qui amène les eaux du Demer à l’intérieur de la ville et qui est désigné aujourd’hui sous le nom de Nieuwen Demer. En 1240, il concéda les mêmes droits aux habitants de Curange, avec la seule restriction que, dans les cas graves ou douteux, leurs échevins, avant de prononcer la sentence, seraient tenus de prendre l’avis de leurs collègues de Hasselt. En 1251, il éleva Bilsen au rang de ville et octroya de nombreuses immunités à ses citoyens. « Il aimait, dit Villenfagne (Essais critiques, t. I, p. 162), à rendre ses sujets heureux sous l’empire des lois ; mais il ne voulut pas, d’un autre côté, qu’ils se révoltassent contre leurs souverains, ainsi que faisaient souvent les Liégeois, qui ne savaient vivre en paix avec leurs princes. »

A l’exemple de ses ancêtres, Arnoul fit de grandes largesses aux maisons religieuses, notamment aux abbayes d’Orval, d’Averbode, d’Orienten et d’Oeteren[1]. Il confirma tous les privilèges du chapitre noble de Munsterbilsen et déclara exemptes de toutes exactions les personnes exerçant quelque office au nom de l’abbesse. Sa loyauté et ses sentiments de justice lui valurent une grande faveur de la part de Thomas, abbé de Saint-Trond. Par des lettres, probablement émises en 1241, l’abbé lui donna en fief libre, pour lui et ses successeurs, tous les retranchements ou forts avec pont-levis situés dans l’alleu de l’abbaye, à condition de protéger celle-ci contre les attaques auxquelles elle se trouverait en butte.

Mantelius rapporte qu’Arnoul IV, victime de sa passion pour les joutes brillantes de la chevalerie, mourut d’une blessure, reçue à Neuss, dans un tournoi qui avait réuni toute la noblesse de la basse Allemagne. Il place cet événement en 1256 ; mais Villenfagne (Essais critiques, t. I, p. 164) prouve, en se fondant sur deux chartes de ce comte, que son décès doit être reculé jusqu’en 1272. Or, s’il en est ainsi, on peut difficilement admettre qu’Arnoul, parvenu à un âge avancé, eût encore envie de rompre des lances sous les yeux des châtelaines.

De Jeanne, comtesse de Chiny, Arnoul laissa cinq fils et trois filles. Jean, l’aîné, lui succéda au comté de Looz.

J.-J. Thonissen.

Auteurs cités sous la vie d’Arnoul V.


  1. Comme trait caractéristique des mœurs de l’époque, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que, d’accord avec sa femme Jeanne, Arnoul concéda aux religieux d’Orval le pâturage de quatre cents porcs dans la forêt de Chiny. Le diplôme est daté de janvier 1258.