Bourdaret - En Corée, 1904/Chapitre X

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Librairie Plon (p. 266-290).


CHAPITRE X


De Seoul à Song-to. — Paysage printanier. — Ma petite caravane. — Arrivée au village de Pa-djou. — L’auberge coréenne. — Curiosité des habitants. — Village de Tchang-dane. — Arrivée à Song-to. — Aspect de la ville.


Par une belle matinée d’avril, je me mets en route pour Song-to et Pieun-yang, les anciennes capitales du « Pays de la Fraîcheur matinale », en suivant la grande route du Nord-Ouest, parcourue jadis par les guerriers qui obligèrent les souverains de Corée à tant de déplacements précipités, et par les ambassades annuelles de l’empereur de la Chine, la grande suzeraine, apportant les souhaits et les désirs de leur souverain, Fils du Ciel, le calendrier et quelques cadeaux, en échange du tribut de vassalité.

Déjà — depuis quelques jours — le printemps a paré de fleurs la campagne, et les genêts, les azalées, les abricotiers et les pêchers couvrent les coteaux de leurs brillantes couleurs. C’est le moment de la visite des tombes, de la fête des Morts. Les collines bosselées sont couvertes de monde. Les enfants, chargés d’énormes gerbes de fleurs, s’agitent autour de leurs parents occupés à gazonner les tumulus. De loin, les vêtements blancs, verts ou rouges, mêlés aux couleurs foncées prescrites ces jours derniers, donnent encore l’impression de grandes fleurs sorties miraculeusement du tapis à peine verdoyant des collines, peuplées pour quelques heures d’une foule attentive et recueillie.

Après un long hiver froid et gris, la moindre verdure, les premières fleurs ont un charme exquis. Ajoutons à cela un soleil éclatant et un ciel d’une pureté extraordinaire sur lequel se détachent les montagnes, les rochers, le feuillage sombre des pins qui couronnent les crêtes, et l’on comprendra que ce simple tableau suffit à faire oublier la mauvaise odeur des cités, la boue des jours de pluie, et donne envie de voir des champs, des rizières, des montagnes nouvelles, après un long séjour entre les murs de la capitale, autour des ruines du passé ou des bâtisses en construction, dans la poussière d’une ville mal entretenue.

Avril, mai et le commencement de juin sont les mois les plus agréables pour voyager en Corée, à cause de la parure fleurie des vallées, de la fraîcheur du temps qui permet les ascensions sans avoir à souffrir de l’ardeur du soleil.

Pour voyager, à moins d’être tout à fait habitué à la nourriture et au couchage du pays qui sont l’une et l’autre fort peu compliqués, il est nécessaire de se munir de quelques provisions, d’ustensiles de cuisine, d’une couchette, car tout ce que l’on peut trouver dans l’intérieur se résume en riz, remplacé dans le Nord par de l’orge, ou des haricots, en œufs et en poulets.

Comme couchage, une natte et un petit chevet en bois, sont à la disposition du voyageur, dans les auberges, s’il n’a pas eu la précaution d’emporter une couchette. Si l’on veut voyager vite, il faut se contenter absolument de ce qu’on trouve à l’auberge ; encore est-il nécessaire d’emporter du thé et une bouilloire que rien ne peut remplacer à l’étape.

Ma modeste caravane se compose de deux chevaux de bât, conduits par leur « mapou » (palefrenier) portant mon matériel de campement et de cuisine, et d’un domestique chinois auquel est confié l’entretien de mon cheval australien qui demande des soins un peu plus compliqués que ceux donnés aux chevaux du pays, d’une endurance et d’une solidité remarquables. Ce domestique se révéla aussi maître-coq de premier ordre. Il avait d’ailleurs fait son instruction culinaire, en 1900, avec l’armée des alliés en Chine, et était passé maître dans l’art de confectionner les soupes à l’oignon et les poulets braisés. Cela, avec des conserves et du thé, permet de voyager en grand seigneur.


Nous quittons Seoul, le 15 avril de bon matin, par un ciel gris qui se découvre peu à peu.

L’étape du soir est fixée à Tchang-tane, à cent vingt lis (soixante kilomètres environ). Le conducteur des chevaux de bât objecte bien que c’est beaucoup trop loin, qu’habituellement on ne fait que quarante kilomètres ; mais, voulant m’arrêter à Song-to, le lendemain, je finis par le convaincre facilement. D’ailleurs pour les « mapou » l’étape est toujours trop longue.

Mon Chinois s’installe commodément sur les bagages légers portés par l’un des chevaux, étonné de ce changement brusque dans le poids de sa charge. Le Coréen, lui, fera la route tout le temps à pied, selon l’habitude : il ne monte jamais ses chevaux, marchant à côté de celui de tête, excitant de la voix et du fouet ces querelleuses et hargneuses petites bêtes qui se battent et se mordent continuellement. Mon grand cheval les exaspère, et ils veulent constamment se jeter sur lui, avec une insouciance héroïque qui les empêche de calculer la disproportion de taille.

Après la Passe de Pékin, la route descend dans la vallée des Muguets, au fond de laquelle coule la rivière des Sables, puis remonte et continue ainsi à se dérouler en montagne russe, à travers de jolies petites vallées encaissées entre des collines de peu de hauteur, couvertes ici et là de bois de pins. Sur les versants, de véritables champs d’azalées jettent leur note brillante ; les petits villages que l’on aperçoit, cachés au pied des collines, sont abrités derrière une rangée de saules au feuillage encore indécis, tandis que dans les vergers, les têtes blanches et roses, vaporeuses, des abricotiers et des pêchers éclatent dans la verdure nouvelle.

Nous atteignons bientôt la riante petite vallée (le bois de Boulogne) qui donne l’accès le plus commode au Pouk-hane, autre lieu d’excursion des Seouliens, qui trouvent là, pour quelques heures, le calme et le bon air dans les bonzeries accrochées à ses flancs de granit sombre.

En cette saison, par un ciel limpide, la visite des monastères, qui sont nombreux autour de Seoul, offre un attrait particulier. Ce sont des sanctuaires assez propres, entretenus par des bonzes hospitaliers et ravis de montrer les trésors de leurs autels, consistant en bouddhas de bois doré, en tableaux représentant, en couleurs vives et tranchées, des scènes religieuses, en brûle-parfums, souvent d’un remarquable travail artistique. Les arbres en bourgeons et les fleurs ornent coquettement l’entrée et les jardins de ces monastères, où l’on peut trouver déjà des Coréens en villégiature, des chercheurs de rimes venus là s’inspirer, dans le calme reposant de ces jolis sites, tous choisis avec un rare sentiment de la nature.

Sur le vert sombre des pins, peuplés de pigeons ramiers et de loriots, se détachent nettement les toits gris à bordure blanchie à la chaux des bonzeries, et leurs charpentes multicolores aux arabesques brillantes. Le décor est complété par les fleurs roses des arbres fruitiers et les robes blanches des bonzes. Il rappelle certains « kakémonos » japonais, très étroits et très hauts, sur lesquels un artiste minutieux a simplement dessiné, dans un coin, tout en haut, d’un pinceau habile et léger, un sujet minuscule, mais plein de grâce et d’une finesse extrême. C’est à cela que ressemblent — au printemps — tous ces temples, qui bientôt disparaîtront sous l’ombrage d’arbres séculaires. Ce sont, comme je l’ai dit, les lieux préférés des poètes. J’ai entendu vanter souvent l’âme poétique, le goût avec lequel les lettrés savent rendre l’impression qu’ils ressentent devant la nature ; comment ils savent décrire la mélodie des cascades ou des clochettes claires des monastères, dans le silence d’une aube naissante, ou le gazouillis charmant des oiseaux enivrés du retour du printemps.

Nous dépassons bientôt les contreforts du Pouk-hane, dont les pics dentelés s’aperçoivent encore un moment, avant de disparaître derrière les premières collines. Les petites vallées se succèdent, et comme nous sommes encore près de la capitale, nous rencontrons, dans cette première journée, tous les modes possibles de transport.

D’abord le plus ordinaire, le plus commun, le bœuf puissant et paisible, admirable bête de travail, de taille élevée, aux cornes bien plantées, portant une charge de bois de cent à cent vingt kilos, sous laquelle il disparaît, ne laissant voir que sa belle tête et quatre jambes nerveuses et fines. La masse entière fait un brusque écart à notre approche, entraînant le conducteur dont on ne voit que les jambes sous le grand chapeau de paille qui le protège du soleil. Par respect, il enlève à notre rencontre la pipe de ses dents, et pousse des aï-gou ! aï-gou ! extraordinairement expressifs à la vue du grand cheval que je monte ; tout à l’heure il demandera au « mapou » : « Quel est ce Japonais, où va-t-il, et que fait-il ?… »

Puis ce sont des caravanes de petits chevaux qui passent en trottinant. Les cavaliers s’empressent de mettre pied à terre, car la politesse veut qu’un inférieur ne passe pas à cheval à côté d’un supérieur, et les Européens sont regardés comme tels ; les chevaux, eux, ont moins de civilité et hennissent furieusement au passage.

Ça et là des militaires en tournée regagnent les petits postes qui sont échelonnés le long de la route ; ils marchent, le fusil sur le cou, les deux bras s’appuyant sur l’arme horizontale, façon commode peut-être de la porter, mais peu militaire. Leurs pantalons aussi, généralement très aérés, n’ont guère l’allure martiale, mais semblent avoir été déchiquetés par la mitraille ou par un trop long usage.

Nous rencontrons encore des « yang-banes » à cheval, beaucoup de piétons, gens paisibles, comme leurs bœufs. Ils marchent sans voir, absorbés dans leurs pensées, s’arrachant cependant à leur rêverie continuelle pour saluer tous les fétiches de la route, les sone-hang-dang et les tchang-seun. Ils expectorent avec respect sur le tas de pierres pour occuper l’esprit du serpent, à la recherche d’un corps à habiter, ou bien pendent aux branches de l’arbre fétiche quelque guenille ou un vieux soulier en offrande à l’esprit tutélaire de la montagne, puis ayant ainsi conjuré le mauvais sort, ils reprennent leur route, avec leur pipe et le rouleau des vêtements de pluie, pendus dans le dos. Ces piétons, bons marcheurs, font quarante kilomètres par jour, au minimum, avec leurs sandales de paille qu’ils quittent au passage des gués. De rares chaises à porteurs circulent encore, ainsi que des « pousses » transportant à leur résidence quelques nobles fonctionnaires.

Vers dix heures, nous arrivons à Ko-yang, le premier grand centre à dix-neuf kilomètres de Seoul. À l’entrée du village, misérable comme tous ceux de l’intérieur, plusieurs stèles, rappelant les noms de magistrats renommés, sont plantées à droite et à gauche du chemin, et sur l’une d’elles est inscrit un ordre obligeant les voyageurs à mettre pied à terre pour passer devant elles.

Comme c’est le cas à Ko-yang, ces pierres sont toujours placées devant l’allée qui conduit au bâtiment officiel appelé Kaik-sa (le temple de la tablette impériale), précédé d’un portique en bois rouge ; tout près est la demeure du mandarin, gouverneur du district, qui centralise entre ses mains tous les pouvoirs.

Rien de remarquable dans ce village aux toits de chaume et aux baraques branlantes, élevées à droite et à gauche de la route qui le traverse du sud au nord ; comme presque tous les autres villages, celui-ci est entouré d’une ceinture de saules et de pins abritant les tombeaux des nobles ; la culture dominante de la région est encore la rizière ; mais déjà, dans la plaine, de grands champs de céréales sont visibles.

Dans toutes les vallées que la route traverse, un gibier abondant et varié s’enfuit à l’approche de notre petite caravane : faisans au merveilleux plumage, pigeons ramiers, alouettes ; en automne les canards, les oies sauvages viennent se reposer, près des rizières ou au bord du fleuve, de leurs longues courses dans les airs.

Le printemps est partout dans l’atmosphère de cette belle journée, et ma monture piaffe avec joie dans les clairs ruisseaux que nous traversons, et qui scintillent au soleil comme des diamants. Tout le long de la route, nous voyons encore quantité de cigognes, des grues, des hérons, des oiseaux de proie. Perchés sur le sommet des poteaux télégraphiques, ceux-ci ne se dérangent de leur guet que si l’on fait mine de les mettre en joue. Sur les arbres, des nuées de pies se disputent en poursuivant les éperviers qui rôdent autour de leurs nids.

Ce qui est pénible à constater lorsqu’on voyage dans l’intérieur, c’est la dénudation des collines : là où autrefois s’étendaient de belles forêts de pins, sont maintenant des « mornes » déserts, chauffant au soleil déjà ardent de l’après-midi leur carcasse granitique.

Après Ko-yang, à quelques minutes de ce gros village, commence la montée du col de Piok-tché ; col assez élevé au-dessus des plaines environnantes (250 mètres), d’où l’on a une idée assez exacte de la campagne coréenne. Des collines mouvementées, en désordre, coulent de la grande chaîne, vers l’ouest, et entre leurs pentes se dessinent de minuscules vallées arrosées par de clairs et bruyants ruisseaux.

La route que nous suivons, assez bonne quand le temps est sec, dévale, serpente encore dans de petites vallées riantes, et nous amène bientôt au col de Myriok-tagui, à vingt-cinq kilomètres de Seoul, où se trouvent, à droite de la route, deux statues géantes qui représentent un Bouddha mâle et un Bouddha femelle. Ces colosses, taillés dans le rocher, ont quatorze mètres de hauteur. Un petit autel, à leur pied, montre que les offrandes et les prières sont faites encore quelquefois à ces « myrioks », vestiges de l’époque florissante du bouddhisme en Corée. Ils élèvent leur tête énorme, au-dessus d’un petit bois de pins, et semblent interroger l’horizon, ces géants silencieux, insensibles aux injures du temps. L’un d’eux, le Bouddha mâle, d’une expression plus fine, fouille du regard la plaine qui s’étale à ses pieds ; l’autre, les yeux baissés, confiante et résignée, s’appuie contre son compagnon.

Ils attendent, idoles abandonnées, le retour des croyants, les jours de fêtes, les jours de sacrifices d’antan, où l’autel s’animait d’une foule recueillie de fidèles venue pour implorer leur puissance. Ces jours-là l’encens des petits bâtonnets allumés par des mains de bonze montait jusqu’à eux, jusqu’à leur face sereine ; le chuchotement des prières des mères et des jeunes fiancées se perdait en écho affaibli dans les branchages des pins et sous le grand chapeau des Bouddhas. L’endroit est désert aujourd’hui, où s’élevait autrefois un monastère important.

La route continue, assez monotone, à travers les plaines ondulées, semées de touffes de « Pinus sinensis » échappées par miracle à la hache du bûcheron ; les courbes régulières des rizières et le miroir de leur eau tranquille me rappellent Madagascar dont l’orographie bouleversée ressemble un peu à celle de la Corée.

En longeant les masures du bord de la route, grâce à ma monture élevée, je domine facilement les petites clôtures qui limitent la cour des femmes ; invariablement celles-ci — surprises de cette intrusion par le toit — se précipitent dans la maison, et s’y barricadent, tandis que les chiens hurlent désespérément à mes trousses.

Bientôt, toujours à travers les rizières et les champs d’orge, nous atteignons le col de Pa-tjou, recontrant, tout le long du chemin, de moins en moins large, des sone-hang-dang, d’énormes tas de pierres accumulées par les passants, des branches chargées de chiffons multicolores, des stèles commémoratives et des poteaux indicateurs à face humaine.

Maintenant, c’est un cercueil qui passe ; le corps, porté par quatre hommes, est placé sur une longue planche et soigneusement enveloppé dans du papier huilé, lié avec les sept cordes qui attachent, aux endroits prévus par les rites, le linceul autour du cadavre.

Nous apercevons la plaine de Pa-tjou et, avant ce grand village, un autre petit hameau qui porte le même nom ; il est réuni à son frère aîné par une longue allée de saules. C’est là que je dois chercher un gîte pour la halte de midi.

« On s’habitue à tout, me disait un vieux résident, même à loger à l’auberge coréenne. » Néanmoins, la première fois qu’on y entre, on est désagréablement surpris par l’impression de misère, la saleté du lieu et des gens, l’odeur infecte de la cour ; je dois ajouter cependant, pour bien montrer mon impartialité, que j’ai habité des auberges yunnanaises qui ne le cédaient en rien à celles-ci.

Nous voici donc devant l’auberge de Pa-tjou où j’ai décidé de m’arrêter. Heureusement j’ai choisi la maison où s’arrête le « mapou » à chacun de ses passages dans le village, de sorte que nous nous trouvons presque en pays de connaissance.

En ce moment, l’entrée est encombrée par quelques indigènes accroupis sur le seuil, la pipe aux dents, vêtus de blanc franchement sale ; ils sont entourés par les chiens et les cochons de l’auberge qui hurlent, grognent à notre approche insolite, laquelle effraie encore le coq et les poules.

Nous pénétrons dans une cour centrale, non couverte, qui reçoit toutes les eaux de pluie en outre de celles de la cuisine et de l’écurie.

Tout autour limitant le carré de la cour sont des bâtiments, des hangars couverts de chaume.

Derrière l’auberge, un jardinet où poussent des choux, des navets, des haricots, et un petit édicule, peu confortable, complètent l’ensemble.

L’hôtelier cesse la conversation qui l’absorbait et vient à notre rencontre. C’est généralement une des notabilités de l’endroit. Ceci explique la présence des quatre ou cinq bons apôtres qui viennent lui tenir compagnie en lui fumant ses pipes pendant qu’il surveille les allées et venues de ses serviteurs et des « mapous » occupés au pansage de leurs chevaux, au milieu de la cour.

Tandis que mon personnel case chevaux et bagages, gesticule et discute avec l’hôtelier, examinons un peu notre demeure momentanée.

En entrant, se trouvent, d’un côté, l’étable pour le bœuf de la maison, et la grande chambre des voyageurs ordinaires et des domestiques mâles. C’est une pièce toujours horriblement chauffée, dont le mobilier sommaire comprend une grosse natte, brûlée et déchirée, qui recouvre les dalles par-dessous lesquelles passe la fumée servant au chauffage. Du papier, autrefois blanc, est collé contre les murs ; il porte les empreintes de doigts de plusieurs générations de voyageurs ; des chevets en bois, réunis dans un coin, sont les oreillers à l’usage des dormeurs ; deux petites fenêtres, fort rarement ouvertes, jettent quelque lumière blafarde dans cette pièce, où s’entasse le soir une populace variée qui s’endort, au milieu des hardes apportées par chacun, dans une atmosphère empestée par l’odeur des vêtements sales et des pipes.

Formant un autre côté de la cour, voici l’écurie pour les chevaux et les bœufs, simple hangar ouvert ; dans la mangeoire le garçon d’auberge apportera tout à l’heure, pour les petits chevaux, la soupe chaude aux haricots à laquelle le « mapou » attentionné ajoute quelques feuilles d’arbres ou des herbes, débris de choux, etc.

Dans un coin de la cour se trouve le puits, drain naturel, réceptacle de toutes les immondices liquides qui filtrent dans le sol. En face de l’écurie, sous le hangar opposé, est la cuisine, où l’on prépare à la fois la soupe des chevaux et le riz des voyageurs ; ceci est fait par les soins d’une servante fort occupée, dont le tablier sert un peu à tous les usages.

À côté, le logement du propriétaire et du personnel féminin ; la chambre à coucher, chauffée par-dessous, est encombrée d’armoires à vêtements, de jarres contenant les choux salés.

Dans le fond de la cour, une pièce ouverte, où travaillent généralement les femmes de l’auberge, et une petite chambre réservée aux voyageurs de distinction (les Européens ont le bonheur d’en faire partie).

Celle-ci mesure bien quatre mètres carrés ; le papier dont les murs sont recouverts n’est guère plus propre que celui de la grande chambre, et la natte ne m’inspire qu’une confiance très limitée, justifiée d’ailleurs.

Le tout, en somme, est d’une grande saleté, et si l’on n’a pas un lit de camp élevé au-dessus de la natte, on est assuré, pour la nuit, d’une nombreuse compagnie, à moins que la chaleur suffocante de 40 degrés qui règne ici n’oblige l’habitant à s’installer dans la cour, au clair de la lune, en tête à tête avec les bœufs et les chevaux.

Je ne souhaite pas au voyageur européen d’être obligé de se contenter de la cuisine de l’auberge, et dans ce cas je lui conseille le riz exclusivement, et de fermer les yeux si on le sert avec la main, et s’il trouve dans son bol quelque cheveu de l’accorte servante.

Telle est l’auberge où je m’installe dans un coin avec mes provisions, tandis qu’une foule compacte assiste à mon frugal repas, prend mon flacon d’eau rougie pour une dose sérieuse d’alcool, goûte à mon pain, et ramasse avidement les boîtes de conserves vides.

Le déjeuner achevé, je flâne un peu dans le village pendant que les chevaux absorbent consciencieusement leur soupe chaude.

C’est jour de marché à Pa-tjou et une affluence inusitée de paysans ont envahi la rue principale, armés de leur longue pipe et coiffés de leur chapeau monumental. Ils discutent et marchandent, une heure durant, pour des achats de quelques ligatures, devant les étalages de la plus affreuse bimbeloterie imaginable, de fabrication japonaise.

Du reste, les marchands les plus affairés sont les grainetiers qui vendent les semences dans de petits sacs de papier ; les marchands d’étoffe de coton, de toile de chanvre, de chapeaux et de serre-tête.

Pa-tjou est un amas de masures délabrées, dominées par le Kaik-sa, en ruine, où la tablette de Sa Majesté réside, sur l’autel effondré, au milieu de la poussière, des toiles d’araignées, des souillures des oiseaux installés dans ces temples ouverts. Seule, la toiture architecturale de ces bâtiments officiels, le grand Tai-kouk (les armes de Corée) peint sur les vantaux des portes, les distinguent des maisons en boue ou en pierre. Le décor est embelli par la floraison printanière et la foule bariolée de ce jour de marché.

Je n’éprouve plus, depuis longtemps, la curiosité de dévisager les femmes, l’expérience m’ayant suffisamment édifié sur leur beauté et leur jeunesse ; je crois n’avoir jamais parcouru de pays où il y ait autant de vieilles femmes qu’ici. Cela tient au dur labeur auquel elles sont astreintes.

Un des pires inconvénients de la Corée est le mauvais état de ses ponts branlants, défoncés, sur lesquels la situation du cavalier ou du piéton est parfois très précaire. À part ce danger, très relatif en somme, et à moins de voyager dans les régions boisées et désertes du nord, où l’on peut rencontrer quelque tigre ou léopard peu sociable, on circule partout en toute sécurité, car une des grandes qualités du peuple est son hospitalité. Sa curiosité pour les objets que l’on peut mettre sous ses yeux ne va jamais jusqu’à l’envie. Évidemment cette remarque souffrirait quelques exceptions à Seoul, où les domestiques sont tentés par des objets de valeur qu’ils croient oubliés par leurs maîtres ; mais ceux-là ne constituent qu’une minime partie de la population.

À deux heures, nous quittons l’auberge de Pa-tjou, et jusqu’à la rivière Ime-tjine se succèdent cols et vallées bien cultivés en céréales, mais absolument dénudés. De tous côtés, sous ce gai soleil du printemps, les paysans retournent le sol avec leurs charrues rudimentaires. Les premières hautes collines centre lesquelles coule l’Ime-tjine apparaissent, et bientôt nous gravissons le col derrière lequel se cache le village pittoresque qui donne son nom à la rivière.

Autrefois ce village servait de sentinelle avancée à Song-to. Il reste encore debout une ceinture de murailles garnissant les crêtes rocheuses qui surplombent la berge, à laquelle on arrive par un chemin en pente rapide, et en passant sous une porte pratiquée dans l’enceinte. Les maisonnettes du village s’étagent sur les flancs du ravin, dont le lit desséché sert de chemin. On fait ici le commerce du bois que l’on descend en radeaux nombreux, au fil de l’eau.

La rivière, large de trois cents mètres, en face du village, est resserrée en amont entre des collines abruptes, tandis qu’en aval elle décrit de gracieuses courbes, jusqu’à son confluent avec le Hane-kang.

Des fortifications en terre ont été élevées par les Japonais en 1894, sur les bords escarpés de cette rivière, pour protéger leur marche en avant vers le nord.

Nous traversons la rivière en bac. En hiver les bateliers sont obligés de se frayer un chenal à travers la couche glacée qui atteint cinquante centimètres, et d’établir un va-et-vient pour empêcher les blocs de se ressouder.

Après Ime-tjine, c’est encore la même succession de petits cols verdoyants, de villages cachés dans les saules, de rizières aux eaux claires se déversant l’une dans l’autre ; le chemin, assez bon dans cette partie, serpente, disparaît derrière les mamelons qui se succèdent jusqu’au soir.

Enfin, à six heures, la caravane s’arrête au village de Tchang-tane, où je retrouve encore un Kaik-sa en ruine, un grand nombre de stèles dont quelques-unes en fonte, un vieux kiosque où doit se prélasser en été le magistrat du district. Cet édifice émerge au milieu d’une mare sale qui a la prétention d’être un lac décoratif !

Sous la porte de l’unique auberge nous eûmes mille peines à faire passer mon grand cheval, et ce fut vite fait d’envahir la cour minuscule et l’écurie remplie déjà par des bœufs fort occupés à manger leur bouillie fumante de paille hachée et de haricots.

Un nombre respectable de curieux et d’enfants entourent nos bagages et mon cuisinier dont l’attirail de casseroles les amuse infiniment. Les réflexions vont leur train, bien entendu, et peu à peu tous les gens du village défilent curieusement, palpant tout ce qui tombe sous leur main, interrogeant le mapou qui se démène au milieu de cette foule pour préparer le repas de ses chevaux. Je réclame le nettoyage complet de la chambre que je vais habiter, ce qui est fait rondement d’un grand coup de balai à toute volée, soulevant des nuages de poussière centenaire ; les mouches dérangées par ce phénomène extraordinaire — un nettoyage — s’envolent en bourdonnant.

Les achats d’œufs, de poulets, de grains pour le cheval et de riz terminés, le Chinois installe ma couchette, ce qui ne manque pas d’attirer les badauds de plus en plus surpris : ils se retirent pour aller chercher d’autres villageois suivis de quelques femmes qui se sauvent au moindre mouvement que je fais.

C’est au milieu d’une nombreuse assistance que je prends moi-même mon repas, et à l’apparition des fourchettes, de la vaisselle émaillée du touriste, ce sont des « ai-gou ! » des mines d’un comique irrésistible. Il n’y a qu’un point noir à se sentir entouré d’un cercle aussi sympathique, c’est que ces curieux sont tous épouvantablement sales, hommes, femmes et enfants.

Avant de me coucher, je flâne quelques instants dans les rues du village ; mais le hurlement lamentable des chiens m’oblige à regagner très vite ma cage en papier, atrocement chauffée, où je ne tarde pas à m’endormir, malgré le vacarme des animaux et certains petits bruits insolites de la porte. Ce sont des curieux qui percent avec le doigt les carreaux en papier et observent, jusque dans son sommeil, le voyageur de passage.


Bien avant le jour, ce matin, nous sommes réveillés par les hennissements et le bruit des chevaux qui se battent devant leurs mangeoires vides.

Nos préparatifs de départ sont bientôt faits, et nous sommes en route à sept heures. Le soleil est éclatant et la route très bonne jusqu’à Song-to. De vastes plaines s’étendent autour des hameaux, plus nombreux, plus peuplés, et l’on passe de l’une à l’autre par de petits cols fleuris d’azalées. Les poteaux à face rébarbative, les arbres-fétiches s’échelonnent, le long de la route.

Nous rencontrons cependant un missionnaire catholique, habituellement en résidence à Song-to, et qui se rend à Seoul pour la retraite. Il est monté sur un petit cheval par-dessus ses bagages et se trouve ravi de ce voyage de quelques jours à la capitale. Toute l’année, en effet, nos Pères français, qui n’ont ni monture ni bicyclette, s’en vont à pied, par tous les chemins, catéchiser et porter la bonne parole, vivant de la vie ordinaire du peuple, sans le moindre confort. La pipe est peut-être leur meilleure distraction.

SUR LA ROUTE DE SONG-TO

Vers le sud la plaine s’étale assez large et nous apercevons les premiers champs de ginseng ou ine-same, le Panax quinquefolium, la plante dont la racine est si réputée en Extrême-Orient et qui fait la richesse de la région de Song-to et de la province. Cette racine est — je l’ai déjà dit — un aphrodisiaque de premier ordre dont les Coréens sont très amateurs. On en exporte à Shangai et à Tien-Tsin de grosses quantités, car elle jouit en Chine d’une réputation universelle, comme contre-poison de l’opium, qui y fait tant de ravages.

Il faut sept années généralement pour que la plante soit à maturité. On l’arrache et on utilise la racine que l’on fait sécher au soleil, ce qui donne la variété blanche. À Song-to, des fermiers impériaux préparent la variété rouge, la plus renommée, obtenue en faisant sécher les racines en vases clos. Il existe encore un ginseng sauvage dont le prix est excessivement élevé. Le commerce de cette racine extraordinaire, que l’on prend en décoctions, est d’un excellent rapport pour le gouvernement qui en a le monopole.

CULTURE DU « GINSENG » AUX ENVIRONS DE SONG-TO

Tous les habitants des environs s’adonnent à cette culture méticuleuse qui demande des soins inouïs et un terrain très riche. On aperçoit les nattes placées au-dessus des champs pour protéger les plantes des ardeurs du soleil ; en hiver, il faut aussi les garantir contre les gelées.

Les autres cultures, réduites au minimum, sont encore suffisamment étendues pour nourrir la population.

Vers dix heures, les premières stèles annoncent l’approche de la ville. Elles portent les noms de mandarins célèbres, de sages lettrés coréens ou de généraux chinois, venus là au secours de Tchosen ; dans un champ se dresse une grande pagode à huit étages.

Song-To est précédé d’un faubourg important en avant duquel est une allée de saules bordée d’un grand nombre de Seun-tchong-pi, stèles commémoratives enfermées dans de petits pavillons séparés. Quelques-unes d’entre elles sont portées par des tortues sculptées dans un seul bloc de granit, ressemblant à la Tortue de Seoul.

La grande route, après avoir traversé tout le faubourg encombré de paillottes et de gens très sales, nous amène à la porte du Sud, surmontée d’un étage à double toiture abritant une magnifique cloche en bronze qui sonne encore aujourd’hui, à midi et à minuit.

L’auberge est la plus délabrée que j’aie jamais vue à travers le pays. C’est d’ailleurs assez fréquent dans les grands centres ; ici il est tout à fait impossible à un Européen de se loger. Aussi ne ferai-je que le tour de la ville, pour aller coucher ce soir à un hameau voisin.

Entre Seoul et Song-To, on se trouve dans des terrains absolument granitiques ; la culture de la première partie est la rizière, comme dans le sud ; puis ensuite le ginseng et quelques céréales ; les routes sont meilleures que partout ailleurs, car cette région est peu montagneuse.

La dimension ordinaire des chambres est de deux mètres sur deux mètres (le kane), tandis que plus au nord, dans le Houan-hai-to, elles sont doubles, triples même.

On trouve à peu près partout du riz blanc, de l’orge pour les chevaux européens, et chose remarquable, qui fait honneur à l’administration compétente, les poteaux télégraphiques s’alignent merveilleusement à travers les vallées, ce qui n’existe pas partout. J’ai été fort surpris de cela, habitué à voir plutôt des poteaux aux airs penchés.



Quand je vins à Song-to, il y a deux années, je reçus une hospitalité charmante d’un marchand de ginseng de la cité, et vécus chez lui plusieurs jours, tout à fait à la coréenne.

Je vis là le noble, avec sa domesticité polie et silencieuse, recevant ses amis, ses invités dans son sélamlik tout à fait séparé des appartements des femmes. Je vis le bonheur de cet heureux père — fier de ses deux garçons — qui s’appelaient Yackté et Kokiri, c’est-à-dire « chameau et éléphant ».

Cette fois je me contente d’aller saluer cet aimable homme, car je ne veux passer ici que le temps nécessaire pour revoir ce qu’il y a d’intéressant.

Je retrouve la ville telle qu’auparavant, avec tout son commerce concentré dans la rue principale et dans le faubourg qui précède la porte du Sud ; je constate seulement la présence d’un nombre plus grand de commerçants chinois at japonais. En somme, Song-to ou Kaï-son ressemble à l’un des faubourgs de Seoul, avec çà et là quelques toitures de tuiles abritant les notabilités, les riches propriétaires des fermes de ginseng environnantes.

LA GRANDE RUE DE SONG-TO

Cette ville, grâce au ginseng, aux céréales que l’on y apporte des régions voisines, est un grand centre commercial ; une activité constante règne dans la grande artère où s’ouvrent aussi les boutiques des marchands d’étoffes, de bibelots. Les jours de marché, les ambulants installent leur éventaire au milieu de la chaussée et on y distingue, dans un mélange bizarre, des toiles, des nattes, des allumettes japonaises, des blagues à tabac, du tabac et des pipes.

La poste et le télégraphe sont installés à Song-to et fonctionnent d’une façon satisfaisante ; des missionnaires protestants y ont leur demeure, beaucoup plus luxueuse et « confortable » que l’humble chaumière du Père français. En outre une faible garnison, placée sous les ordres du gouverneur, occupe une caserne toute neuve.

Indépendamment de l’habitation du gouverneur de la cité, se trouvent le yamen du gouverneur de la province, qui nous reçut autrefois fort aimablement ; les temples de la Guerre, de Confucius, et celui de la tablette impériale, monuments qui se peuvent voir dans chaque préfecture.

Les habitants d’ici gardent rancune à la dynastie actuelle des Yi pour avoir déplacé la capitale. Ils manifestent leur mécontentement en continuant de porter le vaste chapeau de paille qu’ailleurs les paysans seulement conservent encore. Ils se déclarent volontiers sans souverain, et mettent sur le compte de la mauvaise chance la chute de la dynastie des Houan de Ko-ryo.

Ils ont conservé une façon particulière de compter les mesures de grains en faisant glisser le contenu des mesures sur la main avant de le jeter dans le récipient. Pour eux, le riz s’appelle toujours houan-sal, du nom donné pendant la dynastie de Ko-ryo, ce qui signifie « le riz des Houan », tandis que partout ailleurs on l’appelle yi-sal, du nom Yi de la dynastie actuelle. Il paraît aussi que les habitants désignent le cochon sous le nom de Seun-kiei, nom de famille de Yi tai tjo, fondateur de la présente dynastie, ce qui est une façon irrévérencieuse de conserver le nom de ce grand roi doublé d’un grand général.

On dit que les femmes de Song-to n’épousent que des hommes du pays, et que, lorsqu’elles sont loin de leur ville natale, elles veulent venir y finir leurs jours. Cet attachement au sol, qui semble très naturel, est particulier cependant aux habitants de Song-to. Ils ne veulent pas se mêler aux autres enfants de la grande patrie.

Cette ancienne capitale de Ko-ryo (918 à 1392), réduite au rang de chef-lieu de province et de place forte à l’avènement de la dynastie actuelle, en 1392, offre peu d’intérêt, en tant que ville. Le touriste n’y trouve qu’une réduction mauvaise de ce qu’il peut voir à Hane-yang (Seoul). Comme pour les autres villes, les géomanciens ont choisi son emplacement entre des collines bien orientées. La montagne directrice, au nord, le Son-halk-sane, est moins élevée que celle de Seoul ; elle est granitique, et sur le pic le plus élevé se voient encore un petit temple bouddhique et quelques autels.

Une muraille de douze kilomètres de tour enserre la ville, et une branche s’en va au nord rejoindre la muraille de la forteresse avancée de cette ancienne capitale.

Une chaîne, semblable à celle du Pouk-hane, s’élève au nord-est de la ville, et ses pics dentelés atteignent huit cents mètres.

À l’est de la cité, en dehors des murs, et adossé à la colline, est un pavillon intéressant élevé à la mémoire du lettré confucianiste Tchoun-Montjou, fidèle serviteur de la famille des Houan souverains de Ko-ryo. N’ayant pas voulu accepter de servir l’usurpateur du trône, il fut assassiné en 1391. Ce monument se compose de deux stèles en marbre, de grandes dimensions, reposant sur deux énormes tortues taillées dans un seul bloc de granit. Le pavillon qui protège ces stèles est formé de poteaux peints en rouge, supportant la toiture en tuiles, dont la charpente est finement sculptée. Les côtés sont fermés par des grillages en bois et des portes, en avant des stèles, donnent aux gardiens de ce monument accès à l’intérieur.

La cloche suspendue au-dessus de la porte du Sud a été fondue il y a plus de cinq cents ans, et mesure deux mètres cinquante de hauteur, un mètre quatre-vingts de diamètre, à la base ; elle est suspendue un peu au-dessus du sol de la tour. Cette cloche d’un beau travail est couverte d’inscriptions chinoises, et porte, dans des écussons à la partie supérieure, des images de Bouddha. Au pourtour sont représentés les huit diagrammes. Elle est maintenue à la partie supérieure, sous la poutre qui la tient suspendue, par un enroulement compliqué de dragons en bronze.

De la plate-forme de cette porte du Sud, on aperçoit toute la ville, le yamen, des bâtiments pour le tir à l’arc, fort en honneur encore aujourd’hui, les rares habitations européennes. Vers le nord, au pied de la montagne directrice, les ruines de l’ancien palais disparaissent au milieu des champs de ginseng. Il n’en reste plus que quelques marches branlantes ; des balustrades en pierre dessinent la place des escaliers qui permettaient l’accès à la plate-forme supérieure du palais royal.

L’orientation de cette demeure des rois de Ko-ryo est au sud, et quelques tronçons de colonne se dressent encore à l’emplacement de la salle d’audience qui portait le nom de « Plate-forme de la pleine lune ».

Du dixième au quatorzième siècle, le bouddhisme florissait, et dans Song-to, se trouvaient un grand nombre de temples, entourés de rizières et d’habitations pour les bonzes dont l’influence était énorme à la cour. Après la chute de la dynastie Houan, que le peuple attribua justement à la pernicieuse influence de ces bonzes, les monuments bouddhiques furent détruits. Aujourd’hui, il existe encore à l’ouest, en dehors de la ville, au milieu d’un bois de pins, un joli temple où se trouve aussi une très belle cloche en bronze.