Bourdaret - En Corée, 1904/Chapitre XI

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Librairie Plon (p. 291-303).


CHAPITRE XI


Départ de Song-to. — Le village de Miriok-tagui et son Bouddha. — Séjour à l’auberge. — Nourriture des chevaux et des bœufs. — Aspect et richesse du pays. — Les dolmens de Sime-sane-hi. — Pong-sane.


Nous partons pour le petit village de Miriok-tagui, à quinze lis de Song-to ; l’étape sera courte, mais le mapou s’est plaint que celle d’hier était trop longue.

La ville muraillée s’éloigne bientôt et nous atteignons le col après une longue montée. La route traverse des champs de ginseng et de céréales, car les rizières ont disparu, et nous ne les rencontrerons plus maintenant. Après le col, la route se divise en deux embranchements : l’un allant à Haï-tjou, capitale du Houan-haï-to ; l’autre, que je suis, bifurque au nord et contourne les contreforts des collines de Song-to.

À trois heures nous atteignons Miriok-tagui, dans une pittoresque petite vallée très boisée, limitée par des collines mouvementées et un massif au nord, assez important. Ce village doit son nom à une statue de Bouddha, très grossière, renfermée dans un pavillon au pied de la colline. C’est un Bouddha semblable à ceux que j’ai vus sur les autres routes de Corée, en pierre, et recouvert de chaux. Il mesure environ deux mètres de hauteur, porte une robe bleue et un chapeau noir. Sa physionomie est paisible et il semble attendre, les yeux baissés, les prières et les offrandes des femmes qui viennent souvent le visiter, à en juger par les baguettes d’encens, les bâtonnets de benjoin à demi consumés, au pied de son autel.

Nous trouvons dans ce village une très bonne petite auberge relativement propre et des hôteliers empressés, ce qui n’est pas le cas dans les grands centres.

J’ai des loisirs jusqu’au dîner, et j’en profite pour observer le va-et-vient des gens. La femme et la servante de l’auberge sont occupées dans la cuisine à préparer le riz, à hacher menu les navets salés qui rempliront les assiettes d’« extra » servies avec le bol de riz. Ce dernier n’est pas de première qualité, il est rose, et on le fait cuire avec des haricots. Ces deux femmes travaillent silencieusement, et sans prendre garde aux commères curieuses qui, peu à peu, envahissent la cuisine, sous un prétexte quelconque, en réalité pour voir l’Européen.

Me voici bientôt entouré de marmots éveillés, mais bien sales, qui se grattent avec ardeur ; puis les parents s’avancent à leur tour. Une distribution de bouteilles vides a un succès fou, et me vaut une paix relative pour la soirée.

Je constate que la pitance préparée dans les grandes marmites en terre, pour les chevaux et les bœufs, est un peu différente : les premiers sont nourris avec une bouillie de haricots et de son, de déchets d’enveloppes d’orge et de millet, le tout servi très chaud ; les seconds ont une bouillie de haricots et de paille hachée. De plus les chevaux reçoivent, après la bouillie, une ration de paille hachée, paille de riz, de maïs, n’importe.

On ne donne pas à boire aux animaux, leur pitance nage dans l’eau chaude qui suffit à les désaltérer.

Le lendemain nous partons de bonne heure, pour atteindre Name-tcheun dans la soirée. La petite vallée que nous suivions hier finit bientôt, et nous entrons dans un défilé fort pittoresque, mais qui donnera des soucis aux ingénieurs du chemin de fer de Song-to à Pieun-yang, à cause de ses tournants brusques et des à-pics.

Il fait froid et le brouillard remplit encore le fond de l’étroite gorge encaissée, la « vallée des Schistes » limitée par de grandes collines, aux pentes très raides. Je ramasse quelques échantillons de ce schiste ardoisier superbe que les habitants utilisent pour couvrir leurs maisons.

La route, assez bonne, court ainsi pendant une heure, au pied des ardoises, à côté d’un clair et bruyant ruisseau. De tous côtés partent les appels des faisans qui dressent à quelques mètres de nous leur tête orgueilleuse. Les rossignols, cachés dans les beaux pins, font résonner ces solitudes de leur chant merveilleux auquel on est peu habitué en Corée.

À partir de Miriok-tagui, qui marque décidément la fin du granit, la route va maintenant onduler, escalader des schistes presque jusqu’à Pieun-yang : schistes plus ou moins compacts ou feuilletés formant toutes les collines à pente très raide des vallées resserrées et dénudées, désertes même. Aucun village ne se montre et cependant, jusqu’à mi-hauteur des collines, la moindre partie cultivable de ces pentes est travaillée en escaliers réguliers sur lesquels on sème des haricots.

Le fond de la vallée est occupé par des champs qu’arrose le ruisseau, et par de minuscules rizières, tout à fait accidentelles.

Nous arrivons au village de Ta-ko-kai, composé de quelques misérables cahutes et de plusieurs petits bâtiments en ruines, de magasins abandonnés.

Je ne m’expliquais pas la présence de ces bâtiments dans ce modeste village perdu au milieu d’une cuvette formée par cette vallée encaissée, lorsque, ayant gravi le col après le village, j’aperçus les murs d’une très vieille forteresse qui courent sur les crêtes des collines, et vont se perdre très loin. Il s’agit d’une ancienne ville forte, sentinelle avancée de Song-to, comparable à la forteresse du Pouk-hane, par rapport à Seoul.

Bientôt nous passons sous la porte de la muraille, à l’endroit où elle barre la petite vallée, et ferme la route par où venaient autrefois les envahisseurs du Nord, les Mongols conquérants. Le site est tout à fait sauvage et le silence de ces collines mornes et désolées, muraillées et dressées presque à pic sur la vallée, est imposant. Aujourd’hui, en signe de paix, la porte reste éventrée et privée de ses tôles de blindages utilisées par les villageois à un usage moins noble.

Tout de suite après cette forteresse, la route tourne et nous atteignons une vallée plus large et le gros village de Tchong-sok-tjine.

Le soleil a percé la brume et fait scintiller les eaux de la très jolie rivière qui coule dans cette vallée, cultivée, partout où les schistes le permettent.

Pas de voyageurs sur la route. Nous ne croisons que des paysans allant au labour avec leurs bœufs, et des cultivateurs ensemençant leurs champs.

Ils ont pour cela un procédé original. Les semeurs jettent leurs graines dans des trous qu’ils font avec le talon ; puis, en avançant d’un pas, ils les recouvrent de terre avec les pieds. Ces mouvements rapides les font ressembler de loin à des gens qui dansent au milieu des terres labourées.

Partout les faisans pullulent et viennent jusque sur le chemin, sans souci des passants. C’est que jamais, sans doute, ils n’ont entendu de coups de fusil, et je connais certains chasseurs qui feraient là un massacre inoubliable, dont on parlerait longtemps pendant les veillées de chasse.

Plus loin, à Pa-soul-mak, nous trouvons toute une série de stèles portant les noms de guerriers chinois, de généraux venus au secours des armées coréennes. En face, de l’autre côté de la rivière que nous traversons sur un pont de bois, est le chef-lieu du district, Koun-tcheun, où se trouvent des bâtiments officiels entourant la demeure du mandarin.

Quelques minutes après nous sommes sur les bords du Todji-oueul-kang, très beau fleuve aux eaux profondes, qui va se jeter dans la mer, en face de l’île de Kang-hoa. Une roue actionnant un moulin est installée sur la berge ; elle montre que les habitants savent aussi utiliser la houille blanche — la puissance de l’eau — souvent d’une façon fort ingénieuse.

Le pont qui permet de traverser ce fleuve a deux cent cinquante mètres de longueur, il est dans un état déplorable, branlant, à chaque pas des chevaux ; le tablier est troué en maints endroits, et ce n’est pas sans appréhension que je me risque avec ma monture sur cette fragile passerelle ; mais il n’y a pas d’autre chemin, et enfin nous passons sans encombre.

La plaine qui suit est admirablement cultivée ; sur le sol rouge bien labouré, apparaissent déjà les jeunes orges et le blé. Nous croisons un indolent « yang-bane » à cheval et, plus tard, un officier japonais brûlé par le soleil et un long séjour dans l’intérieur. Il rentre à Seoul avec des notes intéressantes sur la topographie du nord du pays, convoité depuis longtemps par son empereur.

YANG-BANE EN VOYAGE

Voici un magnifique arbre fétiche, un sone-hane-dang dont les branches sont chargées de souliers de paille, offrandes de coolies mal impressionnés sans doute, par le passage dans la vallée sauvage des schistes. Ceux-ci disparaissent peu à peu et font place à des conglomérats friables.

Nous faisons halte, pour déjeuner, à un misérable village, et en quelques minutes tous les habitants sont autour de notre petit groupe. L’appareil photographique effraie un peu ces braves gens qui le prennent pour un canon nouveau genre ; mais voyant qu’il ne produit ni détonation, ni bruit, ils se rassurent bientôt.

La route escalade des cols assez élevés. Sur l’un d’eux nous trouvons un autel au Sane-sine, en ce moment occupé par des sorcières dont le tam-tam fait rage, et qui débitent leurs prières sur un ton très élevé et avec une rapidité remarquable. Près du petit pavillon, un tchang-seun à la mine rébarbative monte la garde.

Toujours à travers des vallées bien cultivées, nous suivons la route qui monte, descend, tourne et serpente avec une fantaisie toute chinoise. Après le village de Piong-sane-hié-ga-houi, nous sommes surpris de découvrir sur la droite un mamelon muraillé.

C’est l’ancienne forteresse Tai-bek-sane-son. La route, jusqu’à Eui-tjou est semée de ces vieux murs derrière lesquels bataillèrent autrefois les bonzes militaires, organisation religieuse et défensive de la patrie.

Je fais l’ascension de la colline et ayant passé sous la porte de la forteresse, construite dans le même genre que celles que j’ai déjà décrites, j’aperçois, dans la cuvette formée entre les divers sommets couronnés par la muraille, un petit village tranquille, enfoui sous un joli bois de pins. Un sentier me conduit à un pic plus élevé, au milieu de la forteresse, et où s’élève une vieille bonzerie, bien gardée par des chiens qui hurlent à mon approche.

Aujourd’hui, ce sanctuaire est ouvert aux ferventes prières des femmes. Autrefois ces murs se couvrirent de guerriers armés de flèches meurtrières, qui du haut de cette forteresse escarpée faisaient des ravages dans les bandes ennemies.

La route, dans la plaine est assez bonne, en cette saison sèche, mais doit être impossible les jours de pluie, car elle est toute dans l’argile.

Piong-sane, important centre, est la résidence du mandarin ; nous le reconnaissons aux bâtiments couverts de tuiles, à l’allée de saules qui conduit de la route au village et aux nombreuses stèles couvertes.

Peu après nous trouvons des paillotes renfermant des cadavres, mode de sépulture assez rare dans cette province.

Enfin nous atteignons Name-tcheun où nous devons passer la nuit. L’auberge est horriblement sale et la pièce où je vais installer ma couchette est passée au plus beau noir, à cause de la fumée qui y pénètre par tous les interstices des dalles ; la puanteur égale la saleté ; des milliers de mouches ont élu domicile sur les murs et la charpente, tandis que les nattes sont avantageusement habitées par les punaises. Dans la pièce à côté sont emmagasinées les jarres de kim-tchi qui suffiraient amplement — à défaut des autres odeurs — à empester l’air, non seulement de l’auberge, mais du village tout entier.

Comme compagnons, dans la grande pièce, se trouvent des « poussangs ». Ce sont des membres de la corporation des colporteurs, dans laquelle se recrute la garde impériale en temps d’émeute, et qui sert un peu de police secrète dans l’intérieur du pays. Ils sont reconnaissables à un énorme gourdin, emblème de leur suprématie, ainsi qu’à un petit chapeau de paille orné de deux boules de coton.


Il a gelé dans la nuit et quand nous repartons le lendemain matin, il fait froid. Nous suivons d’abord la rivière de Name-tcheun, puis un affluent du Todji-oueul, rivière très poissonneuse où de nombreux pêcheurs sont déjà à l’ouvrage.

La contrée est très riante et boisée. Tolmorro, malgré ses toits de chaume, apparaît très coquet dans un joli décor.

Mais la route est mauvaise aujourd’hui : elle passe dans des terrains gras défoncés, au pied des collines schisteuses à pente très raide, où nous voyons des paysans gratter, utiliser les moindres parcelles de terre.

Le village de Tchong-sou est très pittoresque ; il est au bord de la rivière, et derrière lui s’élève un rocher tout couvert d’azalées, qui suffit à reposer les yeux du délabrement misérable des maisons.

VILLAGE DE TCHONG-SOU

Après Tchong-sou, à la traversée de la rivière, j’assiste à une scène pénible. Des curieux, des gamins surtout, suivent les gestes d’une pauvre folle, une jeune fille qui, depuis plus d’une heure, escalade les pierres d’un ancien pont en ruine, et cherche sous chaque pierre quelque chose d’invisible. Puis je la vois se jeter dans l’eau glacée et y exécuter une danse extraordinaire à la grande joie des gamins qui l’excitent.

Nous repartons, navrés de ce triste spectacle. Seuls les villages apparaissent misérables au milieu de ces riantes vallées, larges et bien cultivées : on se demande pourquoi il n’y a pas plus de richesse, de confort chez ces paysans ? C’est que — probablement — les dîmes prélevées par les mandarins sont trop fortes et, malgré leurs grands champs de culture, ils sont tout de même réduits au strict nécessaire.

Kanentari, Ane-son-pa-pal sont des coins ravissants dans des vallées boisées, où coulent de clairs ruisseaux. Un rideau de saules cache les maisonnettes des villages. On entend partout les cris des paysans excitant leurs bœufs, et les chants des semeurs.

Au col de Tcha-ho-rion, après une montée très raide, nous découvrons en avant une grande vallée. La nature géologique des terrains a changé. Nous sommes dans le calcaire à présent ; les collines peu hautes, à pentes douces, s’écartent peu à peu de la route qui suit le milieu d’une grande plaine, admirablement cultivée.

À Sai-soul-mak, misérable village, nous faisons halte pour déjeuner. Les cultivateurs accourent pour ce spectacle extraordinaire, et on m’amène une jeune fille affligée d’une taie sur un œil, en me demandant de la guérir. Je n’y puis rien et conseille à la mère de la faire venir à Seoul, où on pourra peut-être la soigner. Elle est assez jolie, cette fillette, et semble désolée de son infirmité.

Il y a, dans cette auberge, toute une collection de vieilles gens fumant lentement leur petite pipe, entourés d’enfants déguenillés. Dans un coin j’aperçois un vieillard, infirme aussi. Il se traîne à quatre pattes devant un feu de charbon de bois sur lequel il fait cuire une drogue qui doit ramener un peu de vie dans ses pauvres jambes usées par la fatigue et l’âge. Sur tout cela, un air de profonde misère et de résignation qui fait un contraste inexplicable avec les riches cultures que je retrouve bientôt, à la sortie de ce village, dans une grande plaine à travers laquelle serpente un petit ruisseau, bientôt une rivière, repoussée de droite et de gauche par les collines schisteuses qui ont recommencé.

Nouvelle traversée de rivière à Piong-pon-pa-houi, sur un pont branlant, et grand détour à l’ouest pour arriver au chef-lieu très important de Si-ou-houeun, au milieu d’une immense plaine, barrée au nord par une chaîne de collines assez importantes, qui oblige la route et la rivière à un long détour à l’ouest.

La ville comprend environ quinze cents maisons, le yamen du gouverneur de la province, et un certain nombre de bâtiments en ruines, y compris le Kaik-sa, où la tablette impériale, quoique vénérée régulièrement chaque année, est encore bien mal logée. Les toits de chaume alternent avec ceux de tuiles et d’ardoises. Il y a un bureau de poste et le télégraphe à Si-ou-houeun.

On traverse la rivière sur un pont — en bon état celui-là — et on aperçoit un certain nombre de roues hydrauliques, installées sommairement pour actionner des pilons ou des moulins.

De nouveau, nous voici occupés à gravir de nombreux cols ; la route, mauvaise, est taillée dans les schistes qui redeviennent la roche dominante.

Le village où je voulais m’arrêter étant par trop misérable, je pousse plus loin espérant trouver à Son-go, en dehors de la route, un gîte convenable.

Lorsque j’arrive aux premières chaumières, j’aperçois des gens ivres accroupis devant une maison dont on vient de poser la toiture, et par conséquent d’installer l’esprit gouverneur de la construction. Pour cette cérémonie sorcier et alcool ne font jamais défaut, comme on le sait.

Je demande une auberge, et l’on me répond qu’il n’y en a pas, le village n’étant pas sur la route. Alors je veux absolument loger dans cette maison, toute neuve. Mais on m’explique, au milieu des divagations des ivrognes, que c’est chose impossible, et je comprends enfin que la présence d’un Européen dans une maison où l’on installe l’esprit tutélaire est un mauvais présage. Cela pourrait détruire le charme ; aussi je me décide à retourner sur la route et à continuer jusqu’au premier grand village.

Nous arrivons à Hong-son-houeun, exténués de fatigue par cette longue journée. Nous trouvons heureusement un gîte convenable, au fond d’une cour littéralement remplie de chevaux qui font toute la nuit un bruit infernal. À côté de nous, des mapous se racontent d’interminables histoires ; mais, — grâce à l’habitude, et à la bonne fatigue — malgré ces bruits nous nous endormons rapidement.

Hong-son-houeun est un gros bourg dont les maisons sont construites en boue et couvertes d’ardoises. Il n’offre rien de remarquable, si ce n’est sa situation pittoresque au bord d’une rivière, et quelques vieux pagodons qui renferment des stèles de personnages plus ou moins illustres.

Après ce bourg, la région semble plus peuplée ; de nombreux hameaux sont cachés derrière les plis des collines voisines.

À part quelques coins de vallées, toutes roses de pêchers en fleurs, la journée s’écoule monotone à circuler sur des plateaux unis, bien cultivés. La route heureusement est assez bonne, malgré les dénivellations, et nous avançons rapidement. J’apprends qu’il y a dans la région des dolmens, et cette nouvelle vient faire diversion à la monotonie du paysage et de mes pensées. Depuis Seoul, j’ai demandé peut-être cent fois aux paysans s’ils connaissaient des koindols (dolmens) dans la région. Tous répondaient moulla (je ne sais pas.) Aujourd’hui, un brave homme me répond isso (il y en a) et m’indiqué à peu près la localité où ils se trouvent. J’aurai tout à l’heure, à l’étape, des renseignements plus complets.

Vers dix heures, nous laissons à notre gauche, sur un mamelon isolé qui commande la plaine, une forteresse en ruine, celle de Ko-gol-sane-son, autre témoin d’une époque guerrière disparue.

À onze heures, nous sommes au grand bourg de Pong-sane, à l’entrée du défilé qui suivra la route, maintenant, dans la direction du nord.

Cette localité importante n’est pas entourée de murailles. Les maisons sont construites en pierres. Dans la partie élevée de la ville, le yamen du gouverneur et quelques casernes dressent leurs vieux murs ébranlés. Au nord, une chaîne de collines importantes où s’enfonce la route ; au sud, une grande plaine.

C’est à Sine-sane-hi, à dix lis de Pong-sane, vers le sud, que se trouvent les dolmens, près de la rivière Syen-nai. Cette question m’intéressait depuis longtemps et j’avais déjà fait plusieurs excursions, à la recherche de monuments mégalithiques : aussi suis-je heureux de trouver là tout un cimetière, vingt-deux dolmens réunis au même endroit. Malheureusement je ne puis que mesurer ces intéressants monuments ; le temps me manque pour y tenter des fouilles. Ils me paraissent intacts cependant, inconnus encore des Japonais qui en ont fouillé d’autres en Corée, avec l’espoir d’y trouver des trésors ! Je n’en parlerai pas davantage ici, cette étude des dolmens faisant l’objet d’un travail spécial.

À Pong-sane, où je fus de retour bientôt, le succès de curiosité des jours précédents fut encore dépassé, et cette fois on me fit l’honneur de me prendre pour un Anglais. Du moment que je n’étais pas Japonais, je ne pouvais être qu’Anglais. On s’étonnera après cela que l’Anglais soit voyageur : on ne voit que lui partout !…