Chansons de route/Au front
AU FRONT !
Il n’avait que seize ans à peine
Quand fut envahi le Pays,
Et ce fut le cœur bien en peine
Qu’il embarqua tous ses amis…
« Bah ! — dit-il — malgré mon jeune âge,
Les recruteurs m’enrôleront !… »
Et l’enfant quitta son village.
Le baiser de sa mère au front…
Au front !
Vers la Ville, à travers la plaine,
Il s’en allait d’un pas altier,
Quand sa « promise » Madeleine
Parut au détour d’un sentier :
« Adieu ! lui dit la bien-aimée ;
» Que te garde ton saint Patron ! »
Et Jean rallia notre Armée,
Le baiser de sa « douce » au front…
Au front !
Tout un hiver, dans la tranchée,
Il rongea son frein nuit et jour
Quand, enfin, la terre asséchée,
Il put voir le Boche à son tour :
C’est en chantant, cambrant la taille,
— Tous les amis vous le diront —
Qu’il reçut, en pleine bataille,
Le baiser de la Mort au front…
Au front !
Grâce à lui, la « Charge » lancée
Fit triomphantes nos couleurs…
Sa tombe, par l’obus creusée,
Fut, par nous, couverte de fleurs.
............
Heureux ceux qui, nimbés de gloire,
Comme lui tombant, recevront,
Au clair matin d’une Victoire,
Le baiser de la France au front…
Au « Front » !
- ↑ Musique d’accompagnement à la « Lyre bretonne », 83, Faubourg Saint-Denis, Paris.