Chansons de route/Lettre a l’ambulancière

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Librairie Payot et Cie (p. 219-224).


LETTRE À L’AMBULANCIÈRE














 


 

LETTRE À L’AMBULANCIÈRE

Sur l’air de « La Lettre du Sergent aux Gardes »[1].

\language "italiano"
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  s8
}
textA = \lyricmode {
  «_Ma -- da -- me, c’est pour un a- 
  mi Lais -- sé pour mort à l’en -- ne- 
  mi Que je vous é -- cris cet -- te let -- tre. 
  Par -- don si ma main tremble un peu, Mais il s’a- 
  git d’un tel a -- veu Qu’il va vous 
  of -- fen -- ser peut- ê -- tre_: Mon pauvre a- 
  mi, dès le dé -- but De l’a -- tro -- ce guerre, a -- yant 
  eu Le front meur -- tri d’un coup de 
  lan -- ce, S’est é -- pris des jo -- lis yeux 
  doux, Ma -- da -- me, d’une a -- mie à vous… À 
  l’am -- bu -- lan -- - ce_!
}
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I

« Madame, C’est pour un ami,
Laissé pour mort à l’ennemi,
Que je vous écris cette lettre.
Pardon si ma main tremble un peu,
Mais il s’agit d’un tel aveu,
Qu’il va vous offenser, peut-être :

Mon pauvre ami, dès le début
De l’atroce guerre, ayant eu
Le front meurtri d’un coup de lance,
S’est épris des jolis yeux doux,
Madame, d’une amie à vous…
… À l’ambulance !

II

« Comme il n’était qu’humble sergent,
Que ses pauvres galons d’argent,
Guéri, le replongeaient dans l’ombre,
Soutirant encor, sans dire un mot,
Sur sa demande, au « front », là-haut,
Il s’en alla, le cœur bien sombre ;
Et, depuis lors, au premier rang,
Tour à tour riant et pleurant,
Ne voulant songer qu’à la France,
Il songeait à sa « dame » encor,
En n’espérant que de la Mort,
La délivrance.

III

Et la Mort l’exauçant enfin,
À Dixmude, hier, au matin,
Un obus retentit à terre…
Et le voici, près de mourir,
Qui rêve, oublieux de souffrir,
À la mignonne Ambulancière ;
Il est là, souriant toujours,
Refusant tous soins, tous secours,
Tout près d’entrer en agonie,
Et baisant trois brins de jasmin
Qu’il reçut un jour de la main
De… votre amie !

IV

« Mais voici le pauvre garçon,
Tout secoué d’un grand frisson,
Sa voix tremble et son œil se creuse…
— Allons !… c’est la fin… Vite, adieu !
Pour moi, quelquefois, priez Dieu.
Je meurs content… vivez heureuse…
Car le blessé jadis guéri
Est le même qui vous décrit
Son chaste et sanglant petit drame.
Et la « dame » pour qui je meurs,
Dont je baise, en mourant, les fleurs,
C’est vous, Madame !… »

  1. Georges Ondet, éditeur, 83, Faubourg Saint-Denis, Paris.