Chansons populaires du Canada, 1880/p026
dans les prisons de nantes
La musique comme les paroles de cette chanson en font une des plus jolies du répertoire de nos chanteurs populaires. Nos bateliers et voyageurs canadiens la chantent sur deux airs également beaux. Le premier qui est transcrit ci-dessous se chante surtout en canot : chaque coup d’aviron marque le premier temps de chaque mesure. Le mouvement du second est plutôt celui de la rame : c’est un air de chaloupe. Cette chanson paraît être complètement ignorée en France. M. Hubert LaRue, dans son intéressante étude littéraire sur nos chansons populaires canadiennes, fait remarquer que quelques marins chantent aujourd’hui : « Dans les prisons de Londres » au lieu de « Dans les prisons de Nantes. » C’est tout naturel. Pour peu qu’un voyageur ait vu du pays, il a rencontré des Anglais, des Irlandais, des Écossais, qui lui ont parlé de Londres, d’Édimbourg, de Cork ou de Dublin, mais de Nantes, jamais ! Il s’imagine alors que « Nantes » est une corruption du mot « Londres », « et il chante « Londres ». Cependant, dans nos campagnes, où beaucoup d’habitants n’ont pas plus entendu parler de Londres que de Nantes, on chante toujours : « Dans les prisons de Nantes. »
Le bruit court dans la ville (bis) |
dans les prisons de nantes
Pour rendre la mélodie qui va suivre selon les règles de la composition, il eût fallu écrire après la troisième mesure :
De cette façon la mélodie eût formé douze mesures bien comptées, et la note do, qui se chante sur la première syllabe du mot prisonnier, eût arrivé juste sur le temps fort de la sixième et de la dixième mesure, comme le rhythme l’exige. Mais, encore une fois, je note ces chansons telles qu’on me les chante, et pas autrement. Au reste, la mesure, telle qu’écrite ci-dessous, indique parfaitement à quels endroits de la mélodie le batelier donne de la rame, — ce qu’il fait sans se préoccuper le moins du monde des temps forts et des temps faibles.