Chants et chansons politiques/Les Statues

La bibliothèque libre.
G. Guérin, libraire (p. 32-34).


LES STATUES

ou
Réflexions de Pitanchard sur les hommes de l’Empire.

Air : Du Petit Ébéniste (Ch. Plantade.)

Que j’aime à voir élever des statues
 Aux hommes d’État de l’Empire,
 En les voyant on peut se dire :
 Que c’est comme un bouquet de fleurs !

Parlé : En chœur : bis.

 Que c’est comme un bouquet de fleurs !

Peuple français, sous le second Empire,
Tu ne connus jamais la liberté ;
Si, cependant, tout va de mal en pire,
C’est pour ton bien et ta félicité.
Que j’aime etc.

À son neveu ne faisons pas de peine,
Par les Anglais l’oncle fut isolé ;

On le porta sans bruit à Sainte-Hélène,
Ce grand héros… ne l’avait pas volé[1]
Que j’aime, etc.

Quand un tribun lâche la République
Pour s’enrichir sous les Napoléons,
C’est qu’il descend de Brutus le stoïque,
De père en fils, par les caméléons.
Que j’aime, etc.

Toi, Béranger, l’ami du populaire,
Si tu chantas l’homme anti-liberté :
C’est qu’Austerlitz t’aveuglait sur brumaire,
Et tu croyais à sa capacité.
Que j’aime, etc.

Dupin, Morny, Billault ont des statues,[2]
Haussmann aura la sienne après décès ;[3]

Il consigna l’histoire aux coins des rues,
Avec le soin d’un Plutarque français.
Que j’aime, etc.

Mais je sais bien, c’est ce qui me chagrine,
Que Sainte-Beuve et Baudin n’auront pas[4]
Leurs traits en pied fondus dans une usine
Pour honorer leur vie et leur trépas.

Que j’aime à voir élever des statues
Aux hommes d’État de l’Empire ;
En les voyant on peut se dire :
Que c’est comme un bouquet de fleurs !

Parlé : En chœur : bis.

Que c’est, comme un bouquet de fleurs !



  1. Napoléon III fit remplacer la statue en redingote grise de la colonne de la place Vendôme par une statue en costume de César romain ; et la redingote grise fut transportée à Courbevoie. Elle fut renversée de son nouveau piédestal par la révolution du 4 septembre 1870, et jetée à l’eau en amont du pont de Neuilly-sur-Seine.
  2. Les statues de Morny à Deauville, de Billault à Nantes, de Dupin à Clamecy, etc., ont été érigées aux frais de l’État.
  3. M. Haussmann, préfet de la Seine, dans le remaniement qu’il fit de la ville de Paris, changea le nom d’un grand nombre de rues et il en créa pour les principales
  4. M. Sainte-Beuve, sénateur, d’après ses dernières volontés fut enterré civilement. Alphonse Baudin, représentant du peuple, mourut pour la justice et la liberté, le 3 décembre 1851. Il fut tué sur une barricade au faubourg Saint-Antoine. — La République de septembre aurait dû rendre un décret pour lui élever une statue.