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Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1265

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Règne de Louis IX (1226-1270))

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[1265]


Au temps de Pâques, Charles, comte d’Anjou et de Provence, s’embarquant soudainement du port de Marseille, se rendit à Rome, à travers les dangers de la mer et les embûches des ennemis ; ce que voyant, les Romains et tous ceux qui apprirent ce merveilleux passage disaient avec admiration « Que pensez-vous qu’il sera celui qui ne se laisse effrayer ni par les dangers de la mer, ni par les embûches des ennemis ? Sans doute la main de Dieu sera avec lui. » II fut reçu avec honneur et de grands témoignages d’affection par le pape Clément et tout le peuple romain. D’abord il obtint pour sa vie le titre de sénateur de Rome, et bientôt fut oint de l’huile sainte par le souverain pontife, et couronné du diadème royal du royaume de Sicile, tandis que le peuple faisait retentir les cris de Vive le roi vive le roi !

Edouard, fils aîné de Henri roi d’Angleterre, aidé, dit-on, de l’adresse du comte de Glocester, s’échappa, au moyen d’un cheval d’une vitesse extraordinaire, de la prison où le retenait Simon de Montfort, comte de Leicester, et rassembla contre ledit Simon et ses partisans une très-grande armée. A la fête de saint Pierre-aux-Liens, Edouard et les siens ayant livré combat à Simon, le tuèrent avec son fils Henri et beaucoup d’autres. Gui, autre fils dudit Simon, fut blessé et pris ; et le roi Henri et d’autres, retenus prisonniers par ledit Simon furent délivrés. Ensuite Edouard vainqueur des habitans de Londres et de beaucoup d’autres villes, ne se conduisit pas d’après les promesses et les espérances qu’il avait données à un grand nombre de gens ; mais, se livrant à des cruautés, il fit mourir plusieurs personnes en prison, et, dépouillant les autres, partagea après, et distribua à ses adhérens une partie de leurs terres. Les moines d’une abbaye appelée Ens, près de laquelle avait été livré le combat, ramassèrent le corps dudit Simon, et l’emportèrent dans leur église pour l’enterrer. Les gens du pays affirment qu’un grand nombre de malades obtinrent à son tombeau le bienfait de la santé, témoignant ainsi que le Christ l’a accepté comme martyr.

Une croisade ayant été prèchée dans le royaume de France contre Mainfroi de Sicile, Robert, fils de Gui, comte de Flandre, et gendre de Charles, alors roi de Sicile ; Bouchard, comte de Vendôme, et Gui, évêque d’Auxerre, ainsi qu’un grand nombre d’autres, prirent la croix, et se mirent en route vers la fête de saint Rémi. Ayant passé, les uns par les montagnes de l’Argentière, et les autres par la Provence, ils se réunirent tous ensemble à Asti, ville d’Italie. De là ils traversèrent la Lombardie ; et comme le marquis de Poilevoisin, et la ville de Crémone, et beaucoup d’autres, attachés au parti de Mainfroi, s’étaient préparés de tous leurs efforts à les combattre, eux-mêmes, prêts à livrer vaillamment bataille, détruisirent les châteaux ennemis de Crémone et de Brescia, et rejoignirent à Rome le roi Charles.