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Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1266

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Règne de Louis IX (1226-1270)

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[1266]


Au mois d’août, en France, il apparut avant l’aurore une comète qui lançait ses rayons vers l’orient. Une multitude innombrable de Sarrasins étant passés d’Afrique en Espagne par le détroit qui sépare ces deux contrées, se réunirent aux Sarrasins qui habitaient l’Espagne, et firent souffrir de grands maux aux Chrétiens mais ceux-ci s’étant rassemblés des différentes parties de l’Espagne, vainquirent les Sarrasins, quoiqu’au prix de beaucoup de sang. Les Français s’étant rassemblés à Rome pour secourir le roi Charles contre Mainfroi usurpateur du royaume de Sicile, le roi Charles quitta ladite ville avec les siens, et entra dans le territoire de ses ennemis. S’emparant de toutes les forteresses qu’il rencontra, il traversa le pont de Ceperano, qui était l’entrée de la Pouille et de la terre de Labour, et parvint jusqu’à San-Germano, où s’était acculée la plus grande partie de l’armée de Mainfroi, à cause des fortifications du lieu. Ils attaquèrent aussitôt la ville, et le très-vailtant chevalier Bouchard, comte de Vendôme, ayant le premier donné l’assaut et pénétré dans la ville avec les siens, au moment où on s’y attendait le moins, ils s’emparèrent du château d’où ils forcèrent les ennemis de s’enfuir. Après la prise si imprévue et si soudaine de ce château, le roi Charles rassembla ses forces ; et, ayant fait prendre un peu de repos à son armée, poursuivit avec vigueur ses ennemis jusqu’à Bénévent, où ils se réfugièrent auprès de Mainfroi. Un vendredi du mois de février, leur ayant livré combat dans la plaine qui s’étend devant Bénévent, il défit leur armée. Mainfroi et beaucoup d’autres furent tués, et ses grands furent faits et retenus prisonniers. Peu de temps après, la femme de Mainfroi, avec ses enfans et sa sœur, furent remis au roi Charles, qui, s’étant emparé de Bénévent, réduisit à se rendre Leurterie 18, ville des Sarrasins. Dans le même temps, Henri, frère du roi d’Espagne, homme puissant et très-expérimenté à la guerre, mais plein de scélératesse, et négligent observateur de la foi catholique, qui, pour une offense faite à son frère, s’était caché long-temps en fugitif auprès du roi de Tunis, à la nouvelle des triomphes de Charles sur Mainfroi et de sa puissance dans la Pouille, se rendit vers lui avec beaucoup de chevaliers éprouvés et choisis qui l’avaient suivi à son départ d’Espagne. Le roi Charles leur fit un gracieux accueil et leur accorda beaucoup d’honneurs, parce que Henri était de son sang, et à cause de sa puissance et de sa valeur à la guerre. Comme il était grandement occupé de la garde du royaume et de la terre qu’il venait d’acquérir, afin de les conserver en paix s’il lui était possible, voulant honorer davantage ledit Henri, il lui donna à remplir à sa place sa dignité de sénateur de Rome ; ce qui lui occasionna dans la suite des pertes et des désagrémens excessifs.

18. Lucera