Commentaire de la logique d’Aristote/7

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Commentaire de la logique d’Aristote/7
Librairie Louis Vivès (5p. 203-207).
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TRAITÉ VII DE LA POSITION.

Chapitre I : Du prédicament de position; est-il quelque chose suivant la raison formelle ?[modifier]

La position est l’ordre ou la disposition des parties dans le lieu. Pour comprendre cela, il faut savoir que la partie est prise comme le tout d’une manière multiple. En effet, il y a un triple tout, le tout universel, potentiel et intégral, et lorsqu’on parle d’un autre tout, comme le tout dans la quantité, le tout dans le temps, le tout dans le lieu, ils se rapportent à ces trois premiers. Or on appelle tout universel un genre dont les parties subjectives sont des espèces; le tout potentiel est quelque chose où il y a des puissances qui ne peuvent être appelées ni parties intégrales, ni parties subjectives, comme l'âme est un tout potentiel par rapport à ses puissances, et chacune de ses puissances est appelée force potentielle. Le tout intégral est de deux sortes. L’un qui est constitué par les parties intégrantes de l’essence de la chose composée. Chacune de ces parties, prise en elle- même, n’est pas destinée à e naturellement sans l’autre, comme la forme et la matière. Il y a un autre tout intégral dont les parties séparé du tout peuvent naturellement exister par elles-mêmes, comme un morceau de bois étant divisé en deux fragments, chacune des parts peut exister par elle-même, et c’est là, comme on dit en métaphysique, passio quanti in eo quod quantum est. Et comme ces parties sont divisibles, elles peuvent être déterminées par l’intellect, quoiqu’elles ne soient pas séparées, et parce que, considérées en elles-mêmes, elles ont un certain ordre dans le tout, l’une étant con sidérée proprement comme étant le centre du tout, une autre comme venant ensuite, et ainsi des autres, un tel ordre est appelé puissance, laquelle est la différence de la quantité, comme il a été dit. Il ne faut pas croire cependant qu’un pareil ordre, qui est appelé puissance, soit une relation, parce que la différence de la quantité ne peut pas être dans un prédicament différent de la quantité, mais elle peut être une relation secundum dici, comme nous disons que la science est une relation ou un relativus secunduin dici. Car la science est dans la première espèce de la qualité par antériorité, et secondairement elle désigne un certain rapport à ce qui est susceptible d’être connu par la science. On peut aussi considérer sous un autre point de vue les parties intégrales dont nous venons de parler dans leur comparaison avec le lieu, en tant, par exemple, qu’une partie du lieu correspond à chacune des parties ainsi coordonnées dans le tout; et cet ordre ou disposition des parties dans le lieu s’appelle position, qui est le prédicament situs. Il faut remarquer que le tout localisé et tout le lieu restant les mêmes, les diverses parties de la chose localisée peuvent être appliquées aux différentes parties du lieu, il y a par conséquent quelque différence entre la comparaison du tout localisé avec le tout localisé, et la comparaison des parties avec les parties, et ainsi la puissance qui désigne l’ordre des parties de la chose localisée, relativement aux différentes parties du lieu, est un prédicament différent du prédicament ubi, qui signifie la circonscription de la chose localisée par le lieu. Il faut observer que la superficie du corps contenant, qui est appelé lieu, et la superficie du corps contenu coexistent simultanément, et telle est la figure du corps contenu, telle est aussi la figure du lieu ou la superficie du corps contenant, et par conséquent il faut que le lieu ait une habitude différente par rapport à la chose localisée, suivant la situation des parties et sa différence dans le corps localisé. C’est pourquoi du lieu contenant ainsi diversement les parties de la chose localisée on dénomme cette chose même à raison de ses parties. Le prédicament de situation ou de position est ainsi appelé, comme on dit un homme assis, parce que les parties du lieu circonscrivent de cette manière les parties de la chose localisée. Ou, suivant la seconde opinion, le rapport fondé sur la chose localisée, à raison de ses parties, est la position ou situation. On voit donc par là ce que c’est.

Chapitre II : La position est la dénomination ou le rapport tiré des parties du lieu à raison des parties de la chose localisée.[modifier]

Il faut savoir qu’il en est qui disent que la situation ou position n’est pas la dénomination ou le rapport tiré des parties du lieu à raison des parties de la chose localisée, mais bien plutôt un rapport tiré des parties de la chose localisée relativement aux parties du lieu. Si on leur objecte que s’il en était ainsi, il s’ensuivrait que cette nomination ne serait pas ab extrinseco, parce que le rapport fondé sur les parties de la chose localisée, suivant la première opinion, laquelle est le prédicament de situation, ne se trouve pas en dehors du tout localisé, d’où il suivrait que la situation serait une relation. Ils répondent à cela qu’il arrive pour la situation ce que nous avons dit plus haut pour la passion, laquelle, quoique étant subjectivement dans l’objet qui la subit, dénomme néanmoins le patient d’une dénomination extrinsèque, parce qu’elle ne le dénomme qu’à raison de l’agent, qui est extérieur, et ainsi ils disent que les parties de la chose localisée ainsi coordonnées, ne dénomment le tout dans ce prédicament qu’à raison des parties du lieu auxquelles elles se rapportent. Et comme, ainsi que nous l’avons dit plus haut, Aristote n’a point établi ces prédicaments, et que celui qui l’a fait n’a pas une grande autorité, ni un partisan de quelque valeur, il en résulte qu chacun aujourd’hui peut en penser et en dire ce qui lui plaît. Néanmoins les deux opinions pourraient se soutenir, mais la première a plutôt pour but d’établir que ce prédicament signifie la forme survenant extrinsèquement, tandis que la seconde paraît se fonder sur la signification des locations qui importent la position. Car sessio et cubatio semblent signifier plutôt la disposition des parties de la chose localisée par rapport aux parties du lieu, que vice versa. Il en est de même de âpre et doux, car cela est âpre dont les parties se présentent égale ment. Quelle est la plus probable de ces opinions, j’en laisse le jugement au lecteur.

Chapitre III : La situation ne reçoit ni le plus ni le moins, et n’a pas de contrariété, ce qui lui est propre, c’est d’assister à la substance d’une manière prochaine.[modifier]

Le situs ou position ne reçoit ni le plus, ni le moins, soit qu’elle soit le rapport des parties du lieu aux parties de la chose localisée ou vice versa, parce que ni les parties du lieu, ni les parties de la chose localisée ne reçoivent le plus et le moins, par conséquent ni le situs non plus. De même ce situs ne reçoit pas la contrariété, comme on peut le déduire de ce qui a été dit. C’est le propre du situs d’assister d’une manière prochaine à la substance matérielle. Pour comprendre cela, il faut savoir qu’assister, dans 1e sens où on prend ici ce mot, c’est être en rapport. Il faut noter que la quantité affecte la chose matérielle avant aucun accident. C’est pourquoi la forme substantielle qui donne l’être informe la matière première avant la nature. Pour cette information, la quantité passe naturellement avant quelque autre accident; or, comme on l’a dit, la passion propre de la quantité, c’est d’être divisible en parties intégrales; c’est pourquoi, dans le chap. V de la Métaph, Aristote en donne cette définition. Quantum est ce qui est divisible en parties toujours divisibles. Le situs, qui est un certain rapport, se termine à ses parties intégrales, quoiqu’il soit fondé sur le lieu, ou, suivant d’autres, sur les parties de la quantité, et se termine aux parties du lieu, lequel rapport est suivi de la dénomination qui constitue le prédicament situs, suivant la première opinion. Donc le plus prochain rapport de la substance matérielle, soit terminativement, soit fondamentalement, c’est le situs ou position.