Contes et légendes annamites/Légendes/118 Vengeance d’un mari

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Contes et légendes annamitesImprimerie coloniale (p. 291-292).


CXVIII

VENGEANCE D’UN MARI.



Un acteur était allé en tournée de représentations tandis que sa femme demeurait à la maison. À son retour il apprit que celle-ci avait pris un amant. L’acteur chercha mais en vain à lui faire avouer la vérité. Il feignit donc de partir pour une nouvelle tournée et pendant la nuit revint brusquement.

L’amant eut peur et se sauva. L’acteur dit à sa femme : « Je ne te ferai aucun mal, mais à une condition : c’est que tu donneras de nouveau un rendez-vous à cet homme et tu lui demanderas de se couper un doigt[1] et de te le donner. »

Deux mois après l’acteur fit semblant de s’absenter, et la femme donna un rendez-vous à son amant. Après quelques paroles elle lui demanda s’il l’aimait véritablement. L’autre protesta vivement de son amour. La femme lui dit alors : « Si tu veux que je te croie, coupe-toi un doigt et donne-le-moi. » L’amant se coupa le doigt (avec les dents) et le lui donna. Après quoi il partit.

Quand le mari fut revenu, la femme lui donna ce doigt. Le mari fut rempli de joie et la félicita de son adresse, mais pendant la nuit il la tua et lui mit dans la bouche le doigt coupé. Ensuite il alla appeler au secours disant que pendant leur sommeil un malfaiteur s’était introduit dans la maison et avait tué sa femme. Les autorités du village firent des recherches et découvrirent que l’amant avait perdu un doigt. Elles le livrèrent au juge qui le condamna à mort.

C’est ainsi que ce mari se vengea sans péril de la femme et de l’amant.



  1. Il ne semble pas que ces mutilations soient actuellement en usage chez les Annamites comme sanction d’un serment ou comme signe de deuil. On en signale chez les Laociens désireux de faire pénitence de leurs péchés. Il y a quelque temps un Cambodgien mourut à Saigon. Ses amis demandaient à lui couper un doigt pour l’envoyer à sa famille.