Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0481

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Louis Conard (Volume 4p. 90-91).

481. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 20 septembre [1855].

1o Tu es un excellent bougre de m’avoir répondu vite. L’idée du « bon régime à suivre » est excellente et je l’accepte avec enthousiasme ; quant à une opération quelconque, impossible à cause du pied-bot, et d’ailleurs, comme c’est Homais lui-même qui veut se mêler de la cure, toute chirurgie doit être écartée.

2o J’aurais besoin des mots scientifiques désignant les différentes parties de l’œil[1] (ou des paupières) endommagé. Tout est endommagé et c’est une compote où l’on ne distingue plus rien. N’importe, Homais emploie de beaux mots et discerne quelque chose pour éblouir la galerie.

3o Enfin il faudrait qu’il parlât d’une pommade (de son invention ?) bonne pour les affections scrofuleuses et dont il veut user sur le mendiant. Je le fais inviter le pauvre à venir le trouver à Yonville pour avoir mon pauvre à la mort d’Emma ? Voilà, vieux. Réfléchis un peu à tout cela et envoie-moi quelque chose pour dimanche.

Je travaille médiocrement et « sans goût » ou plutôt avec dégoût. Je suis véritablement las de ce travail ; c’est un véritable pensum pour moi, maintenant.

Nous aurons probablement bien à corriger : j’ai cinq dialogues l’un à la suite de l’autre, et qui disent la même chose !!!

Tu verras qu’on finira par nous voler Pierrot, il faudrait ravoir le manuscrit ainsi que celui d’Agénor. C’est facile.

Je te recommande le dernier numéro de la Revue. Il y a une appréciation de l’école allemande romantique après laquelle il faut tirer l’échelle. On accuse Goethe d’égoïsme (nouveau !) et Henri Heine de nullité ou de nihilisme.

Va-t’en, de ma part, fumer une pipe, mélancoliquement, to the British Tavern, Rivoli street, en pensant à l’Âne d’or.


  1. Voir Madame Bovary, p. 414.