Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1387

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Louis Conard (Volume 7p. 41-42).

1387. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi, 4 heures et demie, 26 juillet 1873.

J’ai un joli mal de tête, pour avoir trop pris de notes dans Daremberg, et je voudrais piquer un chien avant de me baigner dans les eaux sales de la Seine. Donc la lettre à ma pauvre Caro ne sera pas longue. Que lui dirai-je, après, bien entendu, l’avoir embrassée ? Que je m’ennuie d’elle ? Comme elle le sait, c’est inutile.

Mais que je te plains, mon pauvre loulou, de tes mésaventures murales (belle expression). Est-ce assez ennuyeux ! Sans compter la dépense ! Il me semble que tu prends cela philosophiquement, ce dont je t’applaudis.

L’abbé Chalons[1] peut venir. Je suis tout prêt à le recevoir. Mais qu’il ne compte pas sur de grandes distractions.

Tu as dû recevoir une boîte de photographies et ta robe des Magasins du Louvre. J’ai tout payé, 96 francs, ce qui fait que j’attends de l’argent avec impatience. Émile s’est couché ce matin à 1 heure, emporté par le délire des confitures. Il y a six pots de gelée de gardes[2] pour Mme Commanville. La provision est petite, mais nous manquions de pots. On a même été obligé d’en racheter.

Depuis ton départ, mon pauvre chat, je me suis baigné deux fois. J’ai fini Flammarion, j’ai expédié toutes les notes à prendre dans Daremberg et j’ai lu pas mal de Buffon. Puis j’ai beaucoup pensé à toi. Voilà ma vie.

Aucune nouvelle de Carvalho.

Préviens-moi un jour d’avance de l’arrivée de l’abbé.

Ton vieux scheik d’oncle qui t’aime.

Fais prendre de l’Eau-bonne à ton mari.


  1. L’abbé Chalons, un de ses cousins.
  2. On appelle les groseilles des « gardes » en Normandie.