Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1907

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Louis Conard (Volume 8p. 322-323).

1907. À MADAME RÉGNIER.
[Croisset, mercredi, 19 novembre 1879].

C’est charmant, votre Conte de Fées ! [1] et d’un excellent style. Je ne ferai qu’une remarque. Pourquoi votre Méduse ne se sauve-t-elle pas en vertu de ses mérites, par ses propres efforts, plutôt que par ceux de Sans-Malice ?

La page 15 est adorable de facture, et il y en a bien d’autres ! Mais je suis Hindigné contre vos illustrations. Quel dessin ! et quelles inventions ! Est-il possible d’exécuter plus lourdement la littérature ! Le frontispice, surtout, est de la vraie démence. Le portrait d’une cocotte pour figurer un être idéal ! Tout ce qu’il y a de plus connu et poncif, sous prétexte de nous faire rêver à l’insaisissable ! Grévin dans l’azur ! Non, ma parole d’honneur, j’en suffoque de colère ! Et les cassures japonaises en bas des draperies ; Pourquoi le Japon ? Mais le chic ! le chic ! Charpentier se pâme là devant, je suis sûr !

À vous, chère confrère, mes meilleures tendresses.

Si vous pouviez me trouver moyen de vous relire sans illustrations, j’aurais plus de liberté d’esprit, mais j’en ai l’intellect perturbé.


  1. La princesse Méduse, conte illustré par Félix et Frédéric Régamey.