Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1908

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Louis Conard (Volume 8p. 323-324).

1908. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, nuit de dimanche [23-24 novembre 1879].
Mon Loulou,

Je suis désolé de la mort du général[1]. Dis-le bien à Flavie et embrasse-la pour moi. Penses-tu qu’une lettre de moi lui ferait plaisir ? Mais je suis si las d’écrire ! D’autre part, il me semble que je lui dois cette marque d’affection.

Tant mieux, chère Caro, que tu sois contente de ton éventail ! La perspective de pouvoir gagner quelque argent avec tes talents doit te donner du courage. Maintenant trouve un atelier, et aux grandes œuvres ! Qu’est-ce que Bonnat pense des toiles faites pendant l’été ? Quant à Charpentier, je ne vois aucun moyen d’en avoir, maintenant, le cœur net. Attendons ! et puis après tout, bonsoir ! Pourvu qu’on ne me parle pas d’argent, je suis content, et en demander, même quand j’en ai besoin, m’exaspère. Cette antipathie pour les affaires est devenue chez moi une vraie démence. Mme Régnier s’étonne de ma sévérité à l’encontre de ses illustrations. Je t’engage a ne pas la ménager sous ce rapport.

Vraiment, ma gloire m’encombre ! Cette semaine voilà trois envois d’auteurs ! Avec mes lectures (et mes ratures) je n’en peux plus. La théologie m’abrutit. Quel chapitre ! Il me paraît difficile d’avoir fini au jour de l’an. Les difficultés surgissent à chaque ligne.

J’ai reçu les bouffis ! Merci. Monsieur s’en gorge.

Depuis mardi soir, je n’ai vu personne, ce qui s’appelle pas un chat. Aucune nouvelle, d’ailleurs. Le nombre des bateaux augmente. J’en ai compté hier vingt-trois.

Adieu, pauvre chérie.

Ta Nounou t’embrasse.


  1. Le général Ferdinand Vasse, frère de Flavie.