Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 84

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Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 89-90).
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84. — À M. THIERIOT[1].

Juin.

Je suis infiniment flatté de la confiance que vous avez eue en moi, et je ne trouve rien de plus juste et de plus raisonnable que d’apporter à la campagne un ouvrage de moi, et de me le cacher soigneusement lorsque je l’ai voulu avoir. Envoyez toujours cette pièce, on verra ce qu’on en pourra faire.

Je vous en apporterai une autre que je fais imprimer actuellement à Paris. Je voudrais être déjà à la Rivière ; mais j’ai encore ici deux ou trois petites affaires qui me retiennent.

Il y a quelques estampes[2] qui m’ont beaucoup plu, et d’autres dont je n’ai pas été si content ; mais les graveurs disent que celles-là sont les plus belles, et ils m’ont assuré que les défauts que je trouvais étaient autant de beautés.

Je vous prie d’avancer toujours notre ouvrage, et d’effacer dans le neuvième chant ces deux vers :

Siège affreux, composé de ministres cruels,
Et toujours arrosé par le sang des mortels.

Il faudra les passer comme bien d’autres : cela n’en sera que mieux. J’ai la fièvre au moment que je vous écris. Le lait que j’ai voulu continuer, avec l’embarras des affaires et le chagrin dont je suis lutiné à Paris, m’a fait beaucoup de mal ; le pis que j’y trouve, c’est que cela retarde mon retour et me fait rester malgré moi dans une ville que je déteste. M. de Richelieu partit hier pour Forges, et milord Bolingbroke pour l’Angleterre ; ainsi je ne sais plus que devenir dans Paris. Mandez-moi au juste où l’on est de l’édition, et surtout ne me cachez point l’indiscrétion que vous avez eue de montrer la parodie à Mme de Bernières.

  1. Éditeurs, E. Bavoux et François.
  2. Pour la Henriade.