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Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2095

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Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 133-134).

2095. — À MADAME LA DUCHESSE DU MAINE.
Ce dimanche.

Ma protectrice, votre protégé Cicéron a changé la scène de Cicéron et de Catilina au second acte (car il faut rendre compte de tout à sa souveraine), Nous avons répété aujourd’hui[1] la pièce avec ces changements, et devant qui, madame ? Devant des cordeliers, des jésuites, des pères de l’Oratoire, des académiciens, des magistrats, qui savent leurs Catilinaires par cœur ! Vous ne sauriez croire quel succès votre tragédie a eu dans cette grave assemblée. Ah ! madame, qu’il y a loin de Rome au cavagnole ! Cependant il faut plaire même à celles qui sont occupées d’un vieux plein. Ame de Cornélie ! nous amènerons le sénat romain aux pieds de Votre Altesse lundi ; après quoi, il y aura grand cavagnole, car vous réunissez tout ; et je sais l’histoire d’un problème de géométrie et des bouteilles de savon.

Il faut que vous sachiez, madame, que j’ai fait vos quatre vers, et que j’ai tâché de les faire du ton dont j’ai fait votre tragédie. C’est une critique digne du grand Condé, de vouloir que Cicéron, qu’un consul romain, que le chef de l’État ait des raisons indispensables pour envoyer un autre combattre à sa place. Où serait la vraie grandeur, madame, si elle n’était pas dans votre âme ? La reconnaissance, l’admiration, le plus tendre attachement, sont dans la mienne.

Le sénat et le peuple romain vous présentent leurs hommages.

  1. Le 21 juin, sur le théâtre de l’hôtel de la rue Traversière. C’est donc à tort que Beuchot avait classé cette lettre, ainsi que la précédente, dans le mois de novembre 1749.