Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2664

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Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 141).

2664. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Colmar. 24 novembre.

Madame, je reçois la nouvelle marque de bonté dont Votre Altesse sérénissime m’honore. J’ai la qoutte ; le courrier, qui ne l’a pas, va partir : je n’ai que le temps d’assurer à Votre Altesse sérénissime que votre cour est la seule où je voudrais vivre.

Je respecte trop votre médiation pour la rendre infructueuse par une philosophie trop opiniâtre. Je prends la liberté de joindre ici ma réponse à M. de Gotter, et je vous supplie, madame, de l’engager à la faire parvenir à mon infidèle[2]. Si elle ne fait pas de bien, il est sûr qu’elle ne fera pas de mal. L’ingrat, dans le fond de son cœur, doit rougir d’avoir fait tout ce fracas dans l’Europe pour une sottise de Maupertuis, dans laquelle il n’entend rien. Il a eu la rage d’auteur bien mal à propos. Il n’y aurait que les grâces conciliantes de Mme la duchesse de Gotha qui pussent le guérir ; mais de telles grâces ne sont pas celles auxquelles il sacrifie. Que dit à cela la grande maitresse des cœurs ? Cinquante empereurs se mettent à vos pieds, madame ; la goutte, qui tourmente les miens, m’empêche de me livrer davantage aux transports de ma reconnaissance, et de cet attachement respectueux et inviolable que j’ai voué à Votre Altesse sérénissime.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Frédéric II.