Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2821

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 291-292).

2821. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Lyon, 29 novembre.

Mon héros, on vous appelait Thésée à la bataille de Fontenoy ; vous m’avez laissé à Lyon comme Thésée laissa son Ariane dans Naxos. Je ne suis ni aussi jeune ni aussi frais qu’elle, et je n’ai pas eu recours comme elle au vin pour me consoler.

Je resterai à Lyon, si vous devez y repasser.

Il n’y a pas un mot de vrai dans ce qu’on disait de la Pucelle ; ainsi je vous supplie de n’en faire aucune mention dans vos capitulaires. Je n’ai d’autre malheur que d’être privé de votre présence et de la faculté de digérer ; mais avec ces deux privations on est damné.

Daignez vous souvenir, dans votre gloire, d’un oncle et d’une nièce qui ne sont que pour vous sur les bords du Rhône ; et tenez-moi compte des efforts que je fais pour ne pas vous ennuyer de quatre pages. Mon respect pour vos occupations impose silence à la bavarderie de mon cœur, qui court après vous, qui vous adore, et qui se tait.


Voltaire.

P. S. M. le marquis de Montpezat m’a donné, en passant, d’un élixir qui me paraît fort joli. Si jamais vous avez mal à la tête, à force de donner des audiences, il vous guérira. Mais moi, rien ne me guérit, et je n’ai de consolation que dans l’espérance de vous revoir encore, et de vous renouveler mes tendres respects.