Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2838

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 309-310).

2838. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Prangins, pays de Vaud, 30 décembre.

Je vous souhaite une bonne année, mon cher ange, à vous, à Mme d’Argental, à M. de Pont-de-Veyle, à tous vos amis. Mes années seront bien loin d’être bonnes ; je les passerai loin de vous. Les bains d’Aix ne me rendront pas la santé ; je voudrais que l’envie de vous plaire me rendît assez de génie pour arranger les Chinois à votre goût ; mais l’aventure du Triumvirat[1] fait trembler les sexagénaires.


Solve senescentem · · · · · · · · · · · · · · ·

(Hor., lib. I, ep. i, v. 8.)

Il est vrai que le Triumvirat aurait réussi si j’avais été à Paris ; l’auteur ne sait pas l’obligation qu’il avait à ma présence pour son Catilina. On commence à me regarder actuellement comme un homme mort ; c’est ce qui fait que Nanine a réussi, en dernier lieu. Le mot de Proscription, qu’on lisait sur les décorations du Triumvirat, était fait pour moi. Cela me donne un peu de faveur. Si les comédiens entendaient leurs intérêts, ils joueraient à présent toutes mes pièces, et je ne désespérerais pas qu’Oreste n’eût quelque succès ; mais je ne dois plus me mêler des vanités de ce monde.

Je vous demande pardon, mon cher et respectable ami, de vous importuner de mes plaintes contre Lambert. Je vous supplie de lui faire parvenir cette nouvelle lettre[2], et d’exiger de lui qu’il envoie chez Mme Denis tous mes livres ; c’est assurément un détestable correspondant. Je suis honteux de lui écrire une lettre plus longue qu’à vous ; mais il faut épargner ce port, et j’ai tant à me plaindre de Lambert que je n’ai pu être court avec lui. MmeDenis, ma garde-malade, vous fait mille compliments.

  1. Voyez tome XXIV, page 362 : cette pièce de Crèbillon avait été représentée le 23 décembre.
  2. Lettre perdue.