Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3302

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 165-166).

3302. — DE MADAME DENIS À LEKAIN[1].
Février 1757.

Votre lettre, monsieur, m’a fait un plaisir extrême : l’éloignement ne me fait oublier ni vos grands talents, ni mon ancienne amitié pour vous. On nous mande de toute part que vous vous surpassez encore dans Sémiramis ; on dit aussi que Mlle Dumesnil y fait des merveilles.

Mon oncle écrira certainement à M. le maréchal de Richelieu pour le congé que vous demandez : il n’a pu le faire jusqu’à présent, n’ayant pas cru convenable de lui parler de comédie dans un moment où le roi a donné de si justes alarmes à toute la France. Il me charge de vous dire qu’il lui écrira incessamment. Si vous passez par Lyon, vous seriez bien aimable de venir nous voir quelques jours aux Délices. Vous les trouveriez bien mieux nommés actuellement qu’ils n’étaient autrefois, et vous y trouveriez deux personnes qui vous aiment toujours. Nous nous arrangerions pour que votre voyage ne vous coûtât rien, et nous pourrions jouer ensemble devant mon oncle Alzire, Zaïre, Merope, afin de lui donner envie de vous donner encore une pièce. Pensez à cela ; nous saurons nos rôles à votre arrivée, et nous surprendrons tout le monde : pensez-y sérieusement ; mais gardez-moi un secret inviolable, je vous le demande en grâce. Adieu, monsieur, soyez bien sûr que personne ne vous admire avec plus de plaisir que moi.


Denis.

  1. Mémoires de Lekain, page 287.