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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3303

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 166-167).

3303. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Monrion, 4 février.

Je ne sais si mon héros aura déjà reçu un fatras d’histoire qui commence à Charlemagne, et même plus haut, et qui finit par le vainqueur de Mahon[1]. Vous n’aurez guère, monseigneur, le temps de lire dans votre année d’exercice[2] ; cet exercice a été violent dans ces dernières horreurs. Vous voyez des choses bien extraordinaires, mais vous en verrez des exemples dans le fatras que j’ai l’honneur de vous envoyer. Il est en feuilles. Je n’ai point de relieur à Monrion, et je crois que vos livres ont une reliure particulière.

Le roi de Prusse vient de m’écrire une lettre[3] tendre ; il faut que ses affaires aillent mal. L’autocratrice[4] de toutes les Russies veut que j’aille à Pétersbourg. Si j’avais vingt-cinq ans, je ferais le voyage.

Lekain veut en faire un ; et il se flatte que vous lui donnerez permission d’aller prêcher à Marseille à Pâques[5]. Je n’ose vous en supplier. Il n’appartient point à un Suisse de parler des acteurs de Paris. Ce n’est pas assurément le temps de parler de comédie ; il y a des tragédies bien abominables en France, qui prennent toute l’attention. Ce pauvre marquis d’Argenson, que vous appeliez le secretaire d’État de la république de Platon, est donc mort[6] ? Il était mon contemporain : il faut que je fasse mon paquet. Jouissez, mon héros, de votre gloire et d’une vie heureuse et longue. Les héros vivent plus longtemps que les philosophes ; j’en excepte Fontenelle, dont je vous souhaite l’estomac et les cent années. Vous voilà doyen de l’Académie : c’est une bien belle place, mais il la faut conserver. Conservez-moi aussi vos bontés. Les deux Suisses vous adorent.

  1. Les éditions de 1756 et 1757 de l’Essai sur l’Histoire générale (ou Éssai sur les Mœurs) conprenaient, comme Beuchot l’a dit dans sont Avertissement en tête de l’Éssai sur les Mœurs (tome XI), le Siècle de Louis XIV ; les évènements y étaient conduits jusqu’en juin 1756. C’était au chapitre cxcvi que se trouvait le passage dont Voltaire parle ici, et qu’il replacé, sauf quelques mots, dans le chapitre xxxi du Précis du Siècle de Louis XV ; tome XV page 338-340.
  2. Comme premier gentilhomme de la chambre.
  3. Datée du 19 janvier, à Dresde. Elle nous est inconnué.
  4. Élisabeth
  5. Voyez la lettre 3264.
  6. Le 26 Janvier.