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Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3345

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 200-201).

3345. — À M. PÂRIS-DUVERNEY[1].
27 mars.

Je prends d’ordinaire, monsieur, le temps où les tulipes commencent à s’épanouir dans notre petit pays romance, pour vous remercier des ornements dont vous avez embelli l’un de mes ermitages. Ce ne sont pas seulement des tulipes que je vous dois ; j’ai depuis longtemps bien d’autres motifs de reconnaissance, et ils seront toujours chers à mon cœur ;

Je m’imagine que vous ne vous êtes pas tenu cette année à former des officiers dans votre École militaire, et que vous n’avez pu vous refuser à diriger les subsistances de l’armée qui va vers le Rhin. Vous êtes fait pour être toujours utile à la patrie, malgré votre goût pour la retraite. Notre ami M. Darget ne se doutait pas, quand j’étais avec lui à Potsdam, que la France serait en guerre contre le roi de Prusse, et que vous seriez les meilleurs amis des Autrichiens. Rien ne doit vous étonner, et rien ne vous étonne sans doute, après les changements que vous avez vus en Europe depuis que vous avez été sur la scène. Vous voyez d’un œil philosophique toutes ces révolutions, et, en servant votre patrie de vos conseils, vous jouissez d’un repos honorable que vous avez si bien mérité.

Si parmi les agréments de votre retraite de Plaisance[2], vous comptez pour quelque chose le plaisir d’avoir des amis véritablement attachés et pleins de reconnaissance, mettez-moi pour jamais dans cette liste : car je serai jusqu’au dernier moment de ma vie, monsieur, avec les sentiments les plus tendres et les plus inviolables, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Près de Nogent-sur-Marne.