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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3635

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 473-474).

3635. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Schwetzingen, 26 juillet.

Madame, Votre Altesse sérénissime honore de trop de bontés et de trop d’éloges un homme qui n’a fait que son devoir. Je serais indigne de votre bienveillance, et même de mon attachement à votre personne, si j’en avais usé autrement. Il n’y a pas d’ailleurs grand mérite ; il n’y a que du bonheur à vous avoir enfin trouvé à Genève ce La Bat qui prête de l’argent, tandis que chacun resserre le sien ou le perd. Je lui ai surtout bien recommandé, madame, de mettre dans cette affaire toute la facilité et la promptitude possibles, me chargeant de tous les hasards qu’un républicain croit toujours courir quand il négocie avec des princes. Je n’ai pris ce parti, madame, que pour accélérer la remise qu’il doit faire à Vos Altesses sérénissimes. Je sais bien que je ne cours aucun risque.

Je ne suis point étonné qu’au 22 juillet votre ministre n’ait point encore reçu de réponse de ce M. La Bat. Depuis que je suis chez monseigneur l’électeur palatin, je n’ai encore reçu aucune lettre de ma famille, que j’ai laissée dans mes petites Délices, auprès de Genève. Peut-être les débordements de toutes les rivières sont-ils cause de ce retardement ; peut-être ce La Bat est-il dans le canton de Berne, dans sa baronnie de Grandcourt, qu’il a achetée. Je lui écris dans le moment pour le presser de remplir la parole qu’il m’a donnée. Je lui mande qu’il faut passer par-dessus toutes les formalités ; qu’il faut envoyer son argent sur un simple billet de Vos Altesses sérénissimes ; que je me charge de tout, et qu’enfin je lui réponds de la valeur de vos simples promesses, qui sont assurément bien au-dessus des contrats.

Dès que je serai à Genève, madame, je ne manquerai pas d’aller présenter mes respects et mes services à messeigneurs les princes de Mecklembourg. Mais ce ne serait pas à Genève que j’irais, si j’étais le maître de mon temps et de mes marches : ce serait auprès de la plus vertueuse et de la plus aimable princesse de l’Europe, toujours égale dans le bonheur et dans l’adversité, toujours bienfaisante, et digne surtout d’avoir toujours avec elle la grande maîtresse des cœurs. Je redouble mes vœux pour votre auguste famille. Je supplie monseigneur le duc d’agréer mes profonds respects. Que Votre Altesse sérénissime conserve toujours ses bontés à son Suisse V.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.