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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3641

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 479-480).

3641. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BADE-DOURLACH[1].
À Carlsruhe, le 17 août.

Monsieur, je viens de recevoir la lettre très-obligeante que vous venez de m’écrire. Si j’avais pu vous prouver dans toute son étendue la considération que j’ai pour vous, j’oserais alors me flatter, monsieur, de mériter votre estime. La reconnaissance que vous me devriez me tiendrait lieu de mérite, et, à quelque prix que je me visse assurée de votre amitié, cela me suffirait toujours pour me rendre trop heureuse.

Votre pastel est en train. Jamais je n’ai travaillé avec plus de plaisir. Je m’abandonne à l’idée charmante que cela vous empêchera d’oublier une personne qui vous est acquise. C’est peut-être une illusion, mais ne me l’ôtez point, monsieur, j’en suis trop charmée.

J’ai rendu compte au margrave[2] de la justice que vous rendez à nos sentiments pour vous, et des politesses que vous me dites à ce sujet ; il en est pénétré. J’aurais bien voulu que vous fussiez revenu sur vos pas pour connaître par vous-même l’effet que votre départ faisait sur nous. Nos regrets exprimaient notre admiration et notre estime. Enfin, monsieur, vous êtes bien fêté parmi nous ; et comme vous avez si bien su développer le cœur de Zaïre, pourquoi ignoreriez-vous le mien ? Permettez que je vous renvoie à cette connaissance, pour vous faire comprendre quels sont les sentiments d’estime et de considération avec lesquels j’ai l’honneur d’être, pour toute ma vie, monsieur, votre très-affectionnée servante,


Caroline, margrave de Bade-Dourlach.

P. S. N’oubliez pas, monsieur, de revenir chez nous. Le margrave et moi, nous vous en sollicitons. Vous savez bien qu’une écolière vous attend.

  1. Charlotte-Louise de Hesse-Darmstadt, mariée, en 1751, à Charles-Frédéric de Bade-Dourlach ; morte le 8 avril 1783.
  2. Né en 1728, mort le 10 juin 1811.