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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3695

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 529-530).

3695. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 11 novembre.

Je n’ai point connu de comte de Manstein[1], mon cher philosophe, à moins que le roi de Prusse ne l’ait fait comte pour le consoler d’avoir été massacré par des pandours. C’était un Poméranien devenu Russe, qui avait pris le comte de Munich à bras-le-corps, l’avait colleté, secoué, et mis di sotto, puis le garrotta, et l’envoya dans une charrette en Sibérie. Ensuite, ayant peut-être quelque peur d’y aller à son tour, il quitta le service d’Élisabeth pour celui de Frédéric ; il se mit à faire des Mémoires. J’en mis une partie en français ; mais il y a encore quelques fautes ; je n’eus pas le temps de tout corriger. Je crois que les Cramer donneront volontiers à la veuve ; vingt-cinq louis d’or ; mais je n’ai pu réussir à en faire donner davantage.

Je crois la veuve mal à son aise, et le roi, son nouveau maître, pourra bien être hors d’état de faire des pensions aux veuves.

Je ne lirai pas plus, mon cher ami, les libelles du Mercure germanique que ceux de Neuchâtel ; toutes ces pauvretés tombent dans un éternel oubli, après avoir vécu un jour.

Il est toujours question de tremblements ; celui de Syracuse n’a pas été si considérable, qu’on le disait. Il y en a eu un au Havre-de-Grâce, qui a renversé des maisons. Je n’ai pas sur ces phénomènes des notions bien détaillées ; je sais seulement que la terre tremble depuis deux ans, et que les hommes ensanglantent sa surface depuis longtemps.

Je plante en paix des jardins, et quand j’aurai planté, je reviendrai à Lausanne, où je voudrais bien vous tenir. Je vous prie, mon cher théologien raisonnable, d’assurer M. et Mme de Freudenreich de mes respects. Valeas. V.

  1. Voyez la lettre à Formey, du 3 mars 1759.