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Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3705

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 539-540).

3705. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 27 novembre.

Vous vous y prenez un peu tard, mon cher ami, M. de Boisy[1] et M. de Montpéroux m’ont desséché, l’un en me vendant sa terre, l’autre en m’empruntant ce qui me restait. Cependant il ne faut pas abandonner son ami, qui veut faire une bonne œuvre. Je vole donc à mes charpentiers et à mes maçons cinquante louis d’or que je vous envoie en une lettre de change que Panchaud[2] tirera sur Lyon. Je suis très-affligé de ne pouvoir faire mieux ; je suis fâché aussi de ne pouvoir faire mieux pour le cuistre qui a imprimé ce libelle dans le Mercure suisse. Il mérite une correction plus sévère, et ses insolences doivent être réprimées. Tout le monde sait ici, aussi bien que lui, que le père des Saurin de France avait fait quelques fredaines il y a soixante-dix ans. Mais par quelle frénésie les réveille-t-il ? Pourquoi attaquer les morts et les vivants ? de quel droit taxer d’irréligion un homme qui fait un acte très-religieux en sauvant l’honneur d’une famille ? Vos ministres de Lausanne, qui en veulent un peu à notre ami Polier, se sont conduits avec lui, dans cette affaire, très-indécemment, et il a eu trop de mollesse. C’était là une occasion où il devait montrer de la fermeté.

Je vous prie de présenter mes très-humbles et très-tendres remerciements à M. le banneret de Freudenreich, qui a bien voulu m’honorer de ses bons offices, au sujet des droits des seigneuries[3] du pays de Gex, Je ne lui écris point, de peur de le fatiguer d’une lettre inutile ; mais il agréera, avec sa bonté ordinaire, les sentiments de reconnaissance que j’aurai pour lui toute ma vie, et qui en auront plus de prix en passant par votre boucbe. Ne m’oubliez pas auprès de Mme de Freudenreich.

On est très-content des sept articles que vous avez envoyés pour l’Encyclopédie ; je m’y attendais bien.

Adieu, mon cher ami ; quand vous viendrez me voir dans mon ermitage de Ferney, vous y trouverez des jésuites qui sont plus riches que vous, mais qui ne sont pas si savants.

Je vous embrasse. Y.

  1. Budée de Boisy.
  2. Banquier de Voltaire.
  3. Les terres de Ferney et de Tournay.