Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5535

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 99-100).

5535. — À M. COLINI.
À Ferney, 26 janvier.

Les pauvres aveugles écrivent rarement, mon cher ami ; non-seulement les fenêtres se bouchent[1], mais la maison s’écroule. J’ai travaillé pendant deux ans à l’édition de Corneille ; tous les détails de cette opération ont été très-fatigants ; je n’ai pu m’absenter un moment pendant tout ce temps-là ; et à présent que je pourrais respirer en faisant ma cour à Leurs Altesses électorales, me voilà dans mon lit ou au coin de mon feu, dans une situation assez triste. Vous connaissez ma mauvaise santé : l’âge de soixante-dix ans n’est guère propre à rétablir mes forces. Je vous prie de me mettre aux pieds de monseigneur l’électeur ; il y a longtemps qu’il n’a daigné me consoler par un mot de sa main ; je ne lui en suis pas assurément moins attaché avec le plus profond respect, et je porte toujours envie à ceux qui ont le bonheur d’être à sa cour. Je vous embrasse bien tendrement. Les lettres d’un malade ne peuvent être longues.

  1. Voyez tome XLII, page 438.